LE CONSEIL EUROPÉEN ET LES NOMINATIONS, OU LES SPITZENCANDIDATEN FUSILLÉS AU DOS

Auteur: 
Irnerio SEMINATORE
Date de publication: 
7/7/2019

Paralysie jusqu'au bout, terreur au bord du précipice, puis incertitude et sueur froide pour les épreuves qui viendront. Tel est le bilan d'un Sommet des Chefs d’États et de gouvernement, un Sommet de désunion, qui confirme les structures de pouvoir du passé et ignore avec mépris le message des peuples et les défis des réalités.

La vieille Europe pourra-t-elle se ressaisir, se ressourcer et renaître de ces cendres? La force du changement peut elle venir de sa faiblesse?

Quels sont l'idée et l'acteur de la renaissance promise?

Tout au long de ces réunions extraordinaires un théâtre d'ombres a fait croire à une parodie d'action sur scène, où les mots-déclaratoires de la veille ont été oubliés, pour ne pas les anéantir de l'intérieur et les vider de sens; souveraineté, démocratie, peuple, libéralisme, classe politique, gouvernement, et cetera. Avant de proclamer le gagnants de cette immense et interminable bataille de Pyrrhus, essayons de compter, sur le champ du déshonneur, les morts et les blessés. Au plan institutionnel, le Parlement et donc la démocratie, la voix des peuples, grand mutilé de guerre, perdant son autonomie au profit du Conseil des Chefs d’États et des gouvernements et des fonctions non électives.

Au plan des compromis, l'affaiblissement et la perte de crédibilité du couple franco-allemand, incapables de proposer des choix consensuels, se taillant toutefois la part du lion, sans apaiser la sourde fureur venant de la jungle des exclus. Au plan symbolique, le virement du dos des britanniques, pour marquer encore plus l'imaginaire collectif du "Brexit" imminent.

Puis, à la marge du sommet, les "have not", d'où viendrons les remontrances de demain, les facteurs de divisions et de conflits, le champ des blessés et des insatisfaits, les pays souverainistes de Visegrad et l'Italie, punis par manque de soumissions aux diktats des oligarques, renonçant à agréger la grande majorité des pays et des forces politiques.

In fine et au cœur du dispositif, le changement de paradigme et donc de légitimité, qui anéanti la procédure des Spitzenkandidaten, fusillés au dos, au profit de désignations venant du Conseil, qui réduit le Parlement européen en appendice du pouvoir de décision, coupé des vrais jeux politiques.

Face à un cadre politique extrêmement fragmenté, caractérisé par une multiplicité d'intérêts politiques, divergents et irréductibles, les forces souverainistes (73 sièges sur 751), plus nombreuses que par le passé, sont en embuscade à l'intérieur des partis traditionnels et, au moins trois pays, Italie, Pologne et Hongrie, évoluent en dehors des schémas de conduite traditionnels.

Au delà de la fanfare du succès, l'oeuil des diplomates et des stratèges, méfiants par nature, lorgne sur la faiblesse de l'Europe et de son cadre institutionnel. La confirmation du Parlement sera-t-elle assurée, en particulier envers celle qui est sortie du cylindre de M.me Merckel, M.me von der Leyen, considérée par la presse allemande parmi les deux ministres les moins compétents de la Grosse Coalition?

Qu'en est-il du rôle de l'Europe dans le monde?

Avec Borrell l'Europe sera plus forte, on murmure avec satisfaction. Mais, que pourra-t-il faire Borrell, face à la séparation institutionnelle de la diplomatie et de l'action militaire, dont l'unité constitutive est le fondement même de la politique étrangère?

Faut il rappeler que l'amont et l'aval de la politique étrangère d'un acteur étatique présupposent l'identification de la figure de l'ennemi, qui est défini par Hégémon, la lecture unitaire du système international, en vue de la guerre qui vient pour la définition des alliances, et la hiérarchie de puissance et d'action, qui appartiennent à l'OTAN?

L'Europe du passé pourra-t-elle s'opposer aux vieilles servitudes, sans un élan, sans une force, sans une idée du choc de civilisation en cours avec l'Islam, dont l'émigration continue représente, non pas seulement le "Grand Remplacement", mais la poursuite des invasions musulmanes des 7ème au 13ème siècle de l'Espagne à l'Indus, jusqu'à la conquête sanglante de Constantinople au 16ème siècle et à la proclamation de l’État Islamique d’Irak et du Levant par Al-Qaïda à nos jours?

Face à la corruption des esprits, qui s'opposera à la capitulation de l'Europe?