L'ÉGALITÉ OU LE SUICIDE DE L'OCCIDENT

Chapitre VII. L'ÈRE DE L'ASYMÉTRIE ET LES CONCEPTIONS ÉGALITARISTES DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ
Auteur: 
Irnerio Seminatore
Date de publication: 
2/3/2018

Prémisse

Le concept d'égalité fait système en matière de philosophie et de sciences politiques depuis les « Lumières historiques ». Il regroupe, sous son couvert, les doctrines des droits de l'homme, de la démocratie et de l’État de droit, de l'humanisme philosophique, du « projet de paix » et, pour terminer, de la « théorie du genre ».

Le but de la présente réflexion est d'en retracer les connections et d'en mettre en valeur les répercussions politiques et culturelles.

Nous donnerons suite à la publication périodique de cet exercice intellectuel, rédigé en 2015, par la soumission à nos lecteurs du sixième chapitre sur :

« L'ÈRE DE L'ASYMÉTRIE
ET LES CONCEPTIONS ÉGALITARISTES DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ
»

Le premier chapitre a été posté sur le site internet :
http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2018/janvier/l-galit-ou-le-suicide-de-loccident
en date du 22 janvier 2018. 
Le deuxième chapitre a été posté sur le site internet :
http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2018/janvier/l-galit-ou-le-suicide-de-loccident-0
en date du 23 janvier 2018.

Le  troisième chapitre a été posté sur le site internet :
http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2018/f-vrier/l-galit-ou-le-suicide-de-loccident
en date du 8 février 2018.

Le quatrième chapitre a été posté sur le site internet :
http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2018/f-vrier/l-galit-ou-le-suicide-de-loccident-0
en date du 11 février 2018.

Le cinquième chapitre a été posté sur le site internet :
http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2018/f-vrier/l-galit-ou-le-suicide-de-loccident-1
en date du 16 février 2018.
Le sixième chapitre a été posté sur le site internet :
http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2018/f-vrier/l-galit-ou-le-suicide-de-loccident-2
en date du 24 février 2018.
Les thèmes successifs apparaîtrons suivant la « table des matières »


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VII. L'ÈRE DE L'ASYMÉTRIE
ET LES CONCEPTIONS ÉGALITARISTES DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ

Symétrie/ asymétrie et guerre
L'ère de l'asymétrie
L’antiterrorisme et l'implication des grandes puissances
Sur la nature de la menace
Le terrorisme et ses formes
Sur les formes de la conflictualité
Sur la géopolitique de la connexion
Sur les formes de l'action antiterroriste

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Symétrie/ asymétrie et guerre

Nous avons examiné jusqu'ici les conditions « normales » de l'ordre social, bref les conditions coopératives et non conflictuelles d'une société. Il n'est pas déraisonnable maintenant de prendre en considération les conditions d'affrontement et de crise, bref les vulnérabilités de l'ordre international. Si les rapports entre les peuples étaient régis par les principes d'égalité des forces, des capacités, d'ambitions, de puissance et par l'harmonie des intérêts, les acteurs du système international n'auraient pas à s'inquiéter des menaces à leur sécurité. Dans cette hypothèse, le rêve kantien de la « paix perpétuelle » aurait une application évidente, d'abord au niveau du rapport des volontés et ensuite de l'espoir du gain politico-stratégique, qui est à la source de l'action. Mais les menaces à l'ordre international persistent car elles sont à la fois symétriques et asymétriques. Symétriques, en ce qui concerne les puissances étatiques qui ont pour modèle de comparaison, la confrontation, autrement dit « la poursuite de la politique par d'autres moyens » et asymétriques de la part des acteurs sub-étatiques ou exotiques, puisqu'ils ne disposent pas des mêmes structures d'action et dont les capacités de risque sont infiniment moindres. Nous assistons dans le deuxième cas à une inversion de la notion de risque ce qui influe sur le modèle de guerre et de combat. Change également, dans les deux cas, la figure de l'ennemi et le mode d'affrontement prévu. L'ennemi peut-il être un migrant ou un faux citoyen ? Les taux d'intégration de toute communauté humaine sont limités. Au delà d'une certaine limite, il ne peut y avoir une coexistence de groupes ethniques et culturelles, regroupées autour d'un principe de cohésion, la religion ou la race, ou encore des formes d'associationnisme identitaire comme il en existent aux USA.

Dans les deux premiers cas, le principe de cohésion, la race ou la religion, commande à l'identité du groupe, à son idéologie et à son modèle d'intégration. L'incompatibilité de race ou de religion est la première source de conflit car elle remet en cause le principe de la coexistence et de l'équilibre. En effet, la garantie de la paix sociale par l’État lui fait adopter des mesures « de discrimination positives » pour intégrer les immigrés. Cela va jusqu'à la « non discrimination pénale » et sociale (assistance) de ces derniers.

L'égalitarisme idéologique convenu arrive à construire la qualification du crime autour de la notion indéterminée de « jeune », en cas d'accident, pour ne pas démasquer le mensonge officiel sur l'origine étrangère du criminel et le statut de révolté ou « d'ennemi » de celui-ci. L'ennemi apparaît ici comme la différence éthique qu'est portée par la différence raciale.


L'ère de l'asymétrie

Dans un environnement stratégique entré dans une phase de déséquilibre permanent et de conflits durables, qui accroissent l'importance des instabilités et les facteurs de perturbations, et où tous les jeux sont ouverts, mouvants et révocables, la guerre contre le terrorisme et le fanatisme islamiste concerne non seulement le Proche-Orient et le Golfe mais l'Europe, la Russie, les États-Unis et toutes les puissances régionales du Golfe et en Asie Mineure, principalement l'Arabie Saoudite, l'Iran et la Turquie, sans exclure l’État hébreu. Le conflit qui agite le Proche-Orient est l'expression d'un enjeu de domination totalitaire et à large spectre qui a pour objet la région mais aussi les pays européens et plus en général l'Occident.


L’antiterrorisme et l'implication des grandes puissances

Ainsi, dans le Proche et Moyen-Orient, multi-ethnique, multi-religieux et multi-civilisationnel, tenu historiquement comme la zone géopolitique la plus complexe et la plus turbulente du monde, l'occupation du terrain exige des alliances locales et un projet de stabilisation régionale. Ce projet de fractionnement stratégique et d'influence politique, prime sur la logique des alliances, car il implique historiquement des puissances mondiales extérieures. En effet, aucune configuration locale des forces ne dispose d'autonomie stratégique. C'est pourquoi l'implication des grandes puissances est déterminante en fonction d'un certain nombre de critères :

  • un intérêt géopolitique et géostratégique différenciée

  • l'importance de l'échiquier régional par rapport au théâtre global

  • les priorités des agendas politiques des puissances multipolaires

  • l'évaluation des capacités de soutien et de projection des forces des garants extérieurs et de leurs marges de manœuvre

  • le réseau des alliances locales, mutantes et instables


Sur la nature de la menace

Quant à la nature de la menace, la gravité et l'étendue de celle-ci détermine l'ampleur des coalitions. Quel type de menace représente le terrorisme de Daesh dans le cadre de ses relations entre l'Europe et le monde musulman ?

  • celle d'être un projet théocratique, prêchant, au nom du Califat, la pureté des origines

  • celle d'être une alternative intégriste et radicale à la « démocratie », qui a inspiré les « Printemps arabes », comme option pour parvenir au pouvoir

  • celle d'être une critique historique des gouvernements en place à la solde de l'Occident

  • celle d'être un théâtre d’entraînement et de recyclage pour les djihadistes du monde entier

Par son projet de souveraineté de type étatique, doué d'administration territoriale et ignorant les frontières politiques, Daesh s'oppose à la conception d'Al-Qaïda dont l'organisation est migrante, déterritorialisée et transnationale. Ainsi, la réponse à cette menace définit le type de conflictualité qui caractérise la lutte contre l’extrémisme et le terroriste islamique.


Le terrorisme et ses formes

La violence extrémiste a engendré un tournant dans les relations internationales depuis 2001 et a ouvert une nouvelle ère à la politique globale. Le terrorisme apparaît ainsi, par sa fonction objective, comme un pouvoir égalisateur des faibles et par sa fonction subjective, comme une stratégie d’usure et d’activation politique anti-occidentale.

Puisque l’objectif permanent des acteurs fondamentaux du système reste la stabilité et la régulation des conflits, c’est à la stabilité que s’attaque le terrorisme et c’est à la régulation que vise l’apparition de menaces non conventionnelles ou asymétriques.

La contraction du temps et l'intégration du réel dans le « virtuel » permet au terrorisme d'éveiller, frapper et agir en temps réel, à l'échelle du globe, unifiant des formes de combat, qui sont à la fois atypiques, asymétriques, géopolitiques, interconnectés et méta-politiques.

Sur les formes de la conflictualité

Dans le but de mieux cerner la nature de ces implications, le terrorisme appartient à une forme de conflit :

  • atypique, par rapport au conflit militaire classique, centré sur une volonté étatique, un enjeu défini et un ennemi désigné. Le phénomène terroriste n'a pas de forme pure et épouse plusieurs catégories de motivations et de modes opératoires;

  • asymétrique, puisqu'il oppose le fort et le faible aux forces et combinatoires opposées (concentration/dispersion/attaque/représailles) et comporte une inversion du risque;

  • géopolitique, car il est de portée internationale et mondiale et il est susceptible d'induire une restriction des libertés civiques dans les systèmes démocratiques de l'Occident et, dans certaines situations, la mise en place, larvée ou ouverte, d'un « état d'exception » quasi permanent.


Sur la géopolitique de la connexion

En terme strictement opératoire, le terrorisme est un conflit interconnecté car, à la logique des territoires et des réalités socio-politiques, il oppose l'émergence d'un monde de réseaux et d'un espace virtuel, à l'ancrage géographique dispersé.

A cause de la contraction du temps et de l'espace, il engendre un processus « dual » entre le « temps réel » et le « temps virtuel » de l'action. Il conjugue ainsi deux dimensions de la conflictualité, celui local, propre à l'action conflictuelle réelle et celui médiatique, dicté par l'influence globale sur les opinions. Nous assistons à une interconnexion toujours plus étroite entre les deux espaces, des territoires et des réseaux, propice à l'émergence de deux axes de combat, l'épreuve des forces au contact et l'épreuve des volontés liée au perçu médiatique.

Le terrorisme est pour terminer un conflit métapolitique qui profite de la globalisation, hors de toute liaison avec l'effet induit par l'action réelle sur le théâtre des affrontements. Ainsi, au niveau de la conscience collective, le virtuel gagne sur le réel et la diplomatie discursive des acteurs dispersés et civils aux arrières du combat, prend le pas sur la diplomatie coercitive des acteurs étatiques et sub-étatiques en face à face.

Pour terminer, le terrorisme et sa lutte désignent un conflit qui transcende la sphère du pouvoir et celle du présent et qui s’étend bien au-delà des limites d’une frontière. C'est un type de conflit qui appartient à la catégorie des défis non-conventionnels ou asymétriques.

Sur les formes de l'action antiterroriste

La longue guerre contre la terreur combine en effet quatre formes d'action :

  • l'action militaire directe, (pour la destruction ou le démantèlement des structures opérationnelles),

  • l'action de traque indirecte, pour la coopération policière, financière et du renseignement,

  • la coordination civile internationale, à caractère juridique, fondée sur les résolutions 1373 et 1378 du CSONU du 28 septembre 2001,

  • l'action internationale des forces spéciales, menée hors du cadre légal et judiciaire.

Dans la plupart des cas, le terrorisme est un « sous-traitant » des pouvoirs étatiques, « hors la loi » et qui agit avec l’accord tacite et le financement de ceux-ci. Son espace de manœuvre n’est plus celui d’une guerre calculée, limitée, contrôlée et circonscrite, piloté autrefois par les grandes puissances, mais celui, plus autonome, de réseaux d’activation inter et sub-étatiques, qui alimente l'interaction stratégique Orient-Occident, et implique un choc des civilisations, un choc asymétrique et un remous fluctuant et permanent de la complexité, comme toile de fonds du système international.