Sur la conjoncture actuelle et ses modèles
Beaucoup de pays issus des transformations du système international de la bipolarité et qui ont voulu refuser le dictat des régimes autoritaires se protègent aujourd'hui contre l'influence extérieure et la standardisation des critères d'homologation démocratique induits par la mondialisation.
Avec l'élargissement de la démocratie, le monde connaît aujourd'hui un reflu de la vague de « démocratisation globale » de la vie politique, ouvert et vite refermé par les "révolutions de couleurs" et les « printemps arabes ». Les temps longs de la politique traditionnelle reprennent le dessus sur les illusions de changements rapides. Portés par cette vague, les systèmes politiques occidentaux pourraient connaître un retour des régimes autocratiques ou des régimes d'exception, et ce, malgré l'émancipation libertaire des individus permise par les réseaux sociaux. Les sociétés se mobilisent aujourd'hui sur des thématiques nationalistes et identitaires. La nouvelle lecture du monde ne revalorise plus les « mots d'ordre démocratiques », ni la doxa idéologico-politique dominante.
En effet, si l'occidentalisation du monde s'est accompagné d'un processus de démocratisation et de la diffusion des valeurs démocratiques, la dés-occidentalisation en cours se traduit par un recul des fictions juridico-constitutionnelles et par un retour des préoccupations du long terme portant sur les histoires nationales ou locales. Celles-ci échaudent les esprits grâce à un mélange de besoins et d'histoire, d'intérêts matériels et mémoriels. Dans ce contexte, l'Europe se provincialise et se rentrent.
Revenir aux fondamentaux de la politique, aux             formes de gouvernement et de la puissance nous est imposé             par l'histoire en acte. La comparaison sur les régimes             politiques peut-elle se limiter à l'Occident et ignorer la             Chine? Dans tous les domaines, l’évolution sociale qui nous             conduit vers des formes politiques hybrides et cela signifie             une rupture avec les modèles et la « normalité »             démocratique occidentale et européenne.
 
 
Sur les Modes d'exercice de l'autorité
En ce sens, la politique, comme enjeu de la lutte             pour le pouvoir, appereait depuis toujours comme un champs             des conflits dus à l'inégale distribution des rôles de             commandement et de subordination. En effet, le mode             d'organisation de l'autorité désigne le régime de la « cité             politique », qui est caractéristique de l'ensemble de la             communauté. Dans ce cadre, le mode d'exercice de l'autorité             et le choix des gouvernants de la part du corps électoral,             apparaissent comme l'essence même de la politique. 
 
 Cette identification du pouvoir et de la communauté, est dû             au primat que la politique exerce sur l'ensemble de la             société. Au plan plus général, la politique, comme projet             d'action collective et le pouvoir, comme organisation du             régime, expriment le « sens » de l'existence humaine. 
 
 Le système représentatif et le suffrage électoral sont en             conséquence les modalités et les moyens grâce auxquels sont             choisis ceux qui commandent et ceux qui obéissent, autrement             dit ceux qui dictent les principes d'organisation de la cité             et les programmes d'action de celle-ci. A ces principes et à             ces règles, devront se conformer les autorités élues. 
 
 Les philosophes du passé, à partir d'Aristote, avaient             raison de penser que l'organisation de la société et             l'organisation de l'autorité, étaient une seule et même             chose et qu'elles incarnent le fondement de toute             collectivité humaine. 
 
 En réalité, et encore aujourd'hui, la liaison profonde entre             la légitimité du pouvoir (homme ou office) et la             constitution légale d'une collectivité, demeure un postulat             de base de l'organisation politique. Si le pouvoir politique             se caractérise par la capacité de prendre des décisions, la             fonction politique recouvre l'ensemble du champs social, et             donc d'un coté l'exécutif et la bureaucratie, et de l'autre             le législatif et le système électoral. 
 
 Entre les deux niveaux, exécutif et législatif, la pluralité             des partis a pour fonction d'assurer la participation à             l'exercice du pouvoir, sans l'exercer directement. Le             principe du régime pluraliste est, selon Montesquieu, le             respect de la légalité et le sens du compromis, ou, en             d'autres termes, l'exigence nécessaire d'une rationalisation             des décisions. 
 
 Or, dans un régime constitutionnel pluraliste, la généralité             des partis doit se soumettre à la légitimité électorale et             celle-ci à la constitutionnalité la plus rigoureuse dans             l'exercice du pouvoir, une fois le suffrage exprimé.
 
 
Démocratie et autocratie
Une des finalités de l'action politique             contemporaine est de mettre en œuvre la démocratie et de             dénigrer le pouvoir autoritaire. 
 
 Dans cette antinomie, la conception du pouvoir autoritaire             s'oppose à la conception du pouvoir démocratique car le             premier est contraire aux desiderata éthiques de l'époque             que nous vivons.
 
 Prise par cette dialectique, la démocratie se caractérise             par une caractéristique fondamentale: l'équilibre précaire             des pouvoirs et la recherche de la balance entre l'exécutif,             le législatif et le judiciaire. Aussi les élections et le             processus électoral qui disciplinent le renouvellement du             corps représentatif, participent de l'impératif de             distribuer les tendances et les opinions et de permettre un             exercice de mobilisation régulier des élites. Ainsi le             processus électoral assure la régulation du corps politique             de la nation et donc la légalité du pouvoir et la légitimité             du système.
 
 La distinction des trois formes du gouvernement qui remonte             à Platon (République) et à Aristote (Politique) fait             découvrir l'essence de la relation entre gouvernants et             gouvernés dans le mode d'exercice de l'autorité et de ce             fait de la loi, comme limite du pouvoir et garantie du             citoyen. En ce sens, les mécanismes de désignation des élus             et le processus d'élection de la représentation politique             changent, selon les régimes et les formes d’État. 
 
 Selon la tradition, il faudra distinguer entre formes             « pures » du gouvernement et formes corrompues. On peut             indiquer parmi les premières:
 
 - la monarchie, ou gouvernement d'un seul
 - l'oligarchie, ou gouvernement des peus
 - la démocratie, ou gouvernement de tous
 
 Des formes « corrompues » peuvent être identifiées dans les             figures de:
 - la tyrannie, pour le premier, résultant de l'excès             de liberté de la démocratie 
 - l'autocratie pour le deuxième  
 - la démagogie pour la troisième. 
 
 Or les formes corrompues de gouvernement sont aggravées par             la manipulation des procédures constitutionnelles, qui             poussent tantôt à des excès d'oligarchie (et donc à la             rigidité politique), tantôt à des excès de démagogie (et             donc à un laxisme généralisé).
 
 
Suffrage et système électoral
Un système électoral est avant tout un mode de             désignation des gouvernants et on peut dire que le suffrage             assure la représentation populaire et exprime sa volonté. 
 
 Le corps électoral apparaît ainsi comme le corps politique             de la nation et l'influence du scrutin se traduit             directement en la « formule politique » d'un ministère. Le             renouvellement du personnel politique implique l'existence             d'un système de partis et des formes de participation qui             exigent des modes de désignation et de suffrage             majoritaires, proportionnelles ou mixtes. 
 
 L'influence jouée par le système électoral sur le système             politique est dû non seulement à la nature de la compétition             électorale et à ses enjeux, mais également à la capacité de             mobilisation des appareils et des médias et, pour terminer,             aux contraintes extérieures dominantes. 
 
 Il a été remarqué que tout système électoral est un système             de transformation du consensus en structures politiques.             Diverses et multiples sont les modes d'expression du corps             électoral, et celles-ci traduisent plus ou moins             correctement la volonté politique d'un pays. En tant que             mécanismes institutionnels, les systèmes électoraux sont à             mettre en relation avec les formes d'État, mais aussi avec             les formes classiques des régimes politiques et encore             davantage avec les caractérisations ambivalentes de la             démocratie, directe ou indirecte, libérale ou populaire,             participative ou représentative. 
 
 C'est par un long parcours historique que le vote est apparu             tour à tour comme une « fonction » (liée à la disposition             vérifiée de moyens ou de capacités) ou comme un « droit »             (lié à la condition abstraite d'un statut ou d'une             condition). Ce qui est pourtant à souligner est le fait que             tout système électoral est jugé, par l'intermédiaire du             système politique, à sa capacité d'assurer la sécurité et la             stabilité politiques et de garantir le gouvernement             démocratique d'une société. 
 
 Or, en conclusion, si le suffrage électoral a pour but             d'assurer le renouvellement de la « classe politique » et le             régime politique (parlementaire ou présidentiel) la             stabilité et l'efficacité des formes de gouvernement, quel             est, du point de vue sociologique et historique, l'évolution             des systèmes politiques, qui puisse instaurer le maximum de             liberté et de démocratie, la meilleure représentativité du             corps politique et, au fond, la plus grande sécurité d'un             pays,elle même indissociable du maximum de prospérité et             d'opportunités pour les citoyens et assurant un              développement économique et social promis ou souhaitable ?
 
 Régime                   parlementaire et régime présidentiel
De nos jours le « régime parlementaire » est             celui dans lequel le Parlement dispose d'une primauté sur             l'exécutif et le judiciaire. Il s'agit d'un système             caractérisé par la séparation souple des pouvoirs, où le             Gouvernement est responsable devant le Parlement et le             Parlement dispose d'un pouvoir de censure et peut renverser             le Gouvernement. A son tour l'exécutif peut dissoudre             l'Assemblée. Le régime parlementaire est moniste ou             dualiste. Dans le premier cas, est tenu à une responsabilité             vis à vis des seules chambres et, dans le deuxième, à une             responsabilité simultanée et parallèle devant les chambres             et devant le Chef de l'État. 
 
 A l'opposé du régime parlementaire, marqué par une plus             grande instabilité, le régime présidentiel est une forme de             gouvernement où la clef constitutionnelle est représentée             par le Chef de l'État qui exerce la prééminence sur les             pouvoirs concurrents du législatif et du judiciaire. Ici la             responsabilité politique du gouvernement est soumise au             pouvoir du Chef de l'État, qui peut renvoyer le premier             ministre, cependant que le législatif ne peut renverser le             gouvernement. La caractéristique principale du régime             présidentiel repose sur la stricte séparation des pouvoirs,             ce qui lui permet d'assurer une stabilité, inconnue au «             régime parlementaire ». 
 
 Ce dernier doit se conformer en effet à la logique de la             collaboration des pouvoirs, source, en cas de désaccords et             de rivalités persistantes, d'une forte instabilité             politique. La France en fit une expérience sous la Troisième             et la Quatrième République. Le « régime d'Assemblée » a été             considéré ainsi comme l'archétype du « parlementarisme             absolu », ou la forme corrompue du régime parlementaire «             pur ».
 
 
Constitutionnalisme et pluralisme
Quant à la demande de participation et à la             démocratisation progressive de la vie politique, nous avons             appris de l'expérience historique que toute société est plus             ou moins pluraliste, car elle se définit par sa             constitution, par les règles de fonctionnement de son régime             politique et par sa différenciation sociale. 
 
 Or, le pluralisme est la conception qui adopte comme modèle             une société composée de plusieurs groupes de pouvoir, en             compétition ou en conflit, dans le le but de limiter la             centralisation du pouvoir, identifiée historiquement à             l'État. Mais le pluralisme n'est pas la seule doctrine qui             s'oppose à la concentration du pouvoir d'État. En effet, le             libéralisme classique y résiste au nom de l'individu et de             l'épanouissement de sa personnalité. Là où le pluralisme             voit les groupes en compétition, le libéralisme voit la non             ingérence de l'État, dans certaines sphères d'activité –             religieuse, économique et sociale. Il y voit la doctrine du             moindre État. 
 
 Les théories démocratiques font valoir, contre la logique de             la concentration du pouvoir, les arguments de la             participation politique et de l'associationnisme politique             et donc l'exigence d'un système de partis. 
 
 Pour résumer, le système antithétique au pluralisme et à ces             trois théories est le totalitarisme. Celui-ci nie tout à la             fois : 
   - le constitutionnalisme et donc la théorie de la             séparation et de l'équilibre des  pouvoirs,
   - le libéralisme, ou la doctrine de la liberté             pour l'individu de s'épanouir et  d'entreprendre, 
   - la démocratie, qui s'incarne dans un intérêt             général, capable de représenter des opinions discordantes. 
 
 Ainsi les partis politiques et le système des partis             naissent de la liaison entre association et démocratie. Il             s'agit de l'aspect doctrinal du pluralisme démocratique qui             s'oppose à la fois à l'État et à l'élitisme politique. En ce             qui concerne les partis politiques, ceux-ci naissent au             moment où l'on reconnaît au peuple le droit de participer à             la gestion du pouvoir politique. La démocratisation             progressive de la vie politique et l'insertion de la société             civile dans le système représentatif, engendrent une demande             de participation plus forte, surtout dans les moments de             grandes transformations sociales, bref, dans les transitions             d'une forme de régime politique à une autre. C'est au cours             de ces transformations que des groupes se proposent d'agir             pour un élargissement de la gestion du pouvoir politique.             Dans ce cas, le type de mobilisations détermine les             caractéristiques des groupes politiques et des groupes             d'intérêt et s'affirment ainsi les sujets du pluralisme             politique, les syndicats, les partis ou les groupes             d'opinion.
 
 
L’antithèse entre les régimes politiques, autocratiques et pluralistes
Dans le chemin vers la modernité et d’un point de             vue abstrait, il existe une antinomie entre  démocratie et             régimes autocratiques et les fondements de cette antinomie             sont d’ordre institutionnel, sociologique et culturel. 
 
 Au plan institutionnel, l’histoire contemporaine a opposé             les régimes politiques selon une série d’antithèses. La             première et la plus évidente, est celle qui repose sur             l’organisation monopoliste ou pluraliste de la compétition             politique entre partis rivaux, sur la liberté de jouissance             des droits de la part des citoyens, et sur l’alternance des             régimes au sein du système politique. 
 
 Puisque toutes les sociétés sont hétérogènes et les sociétés             non occidentales et de type traditionnel sont simultanément             modernes et pré-modernes, l'État, dont la forme est laïque             et le régime à parti unique, est l’incarnation d’un pouvoir,             délié des limites des contre-poids. 
 
 Là où la prise du pouvoir a été réalisée et maintenue en             s’appuyant sur une idéologie modernisatrice, l’expression             despotique s’explique partiellement par l’absence d’une             organisation équilibrée du système politique, disciplinant             les modalités de la compétition pour l’exercice du pouvoir             entre les groupes et les individus. Fondamentalement, elle             s’explique par l’exclusion des oppositions, par l’adoption             d'intimidations et de « pressions », comme arme politique et             comme principe de gouvernement.
 
 
Sur la pathologie des régimes autocratiques
Dans les sociétés traditionnelles, le pluralisme             des groupes, confessionnels et sociaux, est organisé selon             une hiérarchie dictée par la pathologie des administrations             qui sont au service du pouvoir et de ses composantes             clientélaires ; pathologie pré- moderne, mue par l’exigence             du contrôle social, plutôt que par une idée du progrès,             portée par une classe interprète de la modernité. Cette             pathologie des régimes autocratiques est d’ordre historique             et culturel, dans sa conception de la hiérarchie et du             pouvoir, d’ordre bureaucratique, dans l’exercice de ses             fonctions, et d’ordre despotique dans l’attribution des             privilèges et des peines. Elle est visible dans l’absorption             de la société par l'État.
 
 Historiquement la modernisation a été une force de             consolidation au service du régime issu de la société             traditionnelle, une force structurante hostile au pluralisme             politique, et une force de division, favorable à la             prolifération des hiérarchies claniques et de parti. Elle a             imposé par ailleurs la soumission générale de la société à             une hiérarchie centralisatrice unique. 
 
 Ainsi, dans ce type de société, l’exercice de la liberté a             été limité et l’organisation d'une quelconque opposition             politique y a été restreinte. Les choix du pouvoir ont été             l’expression d’une conception du « bien commun » de type             unanimiste. 
 
 Dès lors, quels chemins pouvaient- ils prendre les choix de             la liberté ? 
 
 Malgré l’existence de normes constitutionnelles accessibles             aux citoyens et porteuses de modération, l’idéologie des             régimes autocratiques pérennise des pratiques d'influence,             qui deviennent vite permanentes. 
 
 Le trait pathologique de ces régimes, a été renforcé par             l’étatisation et la politisation d’une bureaucratie non             rationnelle, composée de personnels qui doivent tout à             l'État ou au parti au pouvoir, travail, revenu, statuts et             honneurs. La crainte de l’appareil de pouvoir a combattu la             pluralité des principes et des doctrines d’opposition, les             conflits sociaux à l’état embryonnaire et les tentations             d'alternance du personnel politique. 
 
 Lorsque la gestion de la société devient entièrement             l’affaire de l'État, la société devient plate, servile et             hiérarchique. Ainsi, l’imperfection de ce type de régimes             est apparue comme structurelle, substantielle et globale.             Elle a été inscrite tout d’abord dans l’organisation             oligarchique du pouvoir et a été justifiée par             l’appartenance morale à la structure de ce dernier, ou à             celle du « parti unique » qui procure protection, richesse             et prestige. Elle a été substantielle, dans la mesure où il             a existé une pensée d’essence servile, devenue sitôt             mensonge officiel et dogme « d'État ». In fine, elle a été             globale, car elle a été appliquée comme pression             systématique à l’ensemble de la société.
 
 
Décadence des Nations et déclin de l'esprit public
Dans les sociétés occidentales modernes, le             questionnement de fond porte sur un autre type de             transition, comportant un sursaut et un renouvellement du             régime et de la forme d’État. Ce qui est ici en cause est             l’existence mémé de l’être national et la décadence de la             Nation. Ce questionnement cantonne toute l'approche             juridique et toute considération électorale à des             épiphénomènes secondaires de la vie historique. 
  
 Où commence, en effet, la décadence d'une Nation, sinon du             déclin de son esprit public et du renoncement à son identité             historique? Les fondements a-religieux des sociétés modernes             ne pourraient être que des illusions historiques, cachant ce             qu'il y a d'originel dans la constitution d'une théologie             politique de l'âge post-démocratique, celle d'une modernité             réenchantée par le mythe du salut et du chef salvateur. Un             nouveau statut de la théologie politique pourrait en effet             resurgir de la corruption des régimes libéraux.
 
 
Vers une nouvelle synthèse post-démocratique
La condition paradoxale de la dérive de la             politique démocratique est de déboucher sur une nouvelle             synthèse imprévisible et post-démocratique. « L'altérité »             ethnique, culturelle et sociale, aura besoin alors d'une             dimension théorique nouvelle pour se reconnaître dans la             figure fictive du Peuple. Mais cette altérité  ne pourra se             fonder historiquement sur des épiphénomènes, la burqa, les             sans-papiers, les travailleurs du dimanche, les « acteurs »             de la société civile, l'économie verte, la bio-éthique ou le             subjectivisme moral des minorités sexuelles, déconnectés de             toutes références au social.
 
 Face au réel, le véritable amalgame pour cet émiettement             culturel et social sera celui du tragique, d'une temporalité             conflictuelle, dépassant la séparation entre culture et             politique, politique et désenchantement. Le rendez-vous avec             l'Histoire, qui a été au cœur de « l'herméneutique »             occidentale, est encore une fois l'enjeu fondamental de             toute figure du politique, encore une fois centrale, mais             non paradigmatique ni apologétique.
 
 
L'essence                     métaphysique de toute politique
 
La                   post-modernité et le principe de légitimité
 
Les épigones post-modernes de la neutralisation             du politique, montrent leur absence de foi dans l’Histoire,             car dans leur passivité et indifférence face aux menaces,             ils ont perdu de vue l’essence métaphysique de toute             politique, une métaphysique qui ne connaît pas de synthèse,             ni de troisième voie. En effet, la lutte et la guerre, comme             possibilités réelles sont aujourd’hui pulvérisées sous forme             de lutte face au radicalisme islamique et de « guerre sainte             mondiale ». Cette pulvérisation concerne tout autant la             grammaire (les moyens, les techniques et les doctrines de             combat) que la logique propre de la guerre (l’entendement et             les visées recherchées, le type de paix dans l'échiquier             mondial et les regroupements entre amis et ennemis).
 
 L'homogénéité ou l'hétérogénéité de culture sont à la base             de la distinction entre les acteurs et influencent             profondément les alignements politiques et militaires.             L'univers culturel se confond avec l'univers historique             s'identifiant à ce dernier. Il départage les unités             politiques qui ont la même conception de l'État, de la             légitimité et du pouvoir. Dans ce cadre, l'élément de             différenciation le plus important est celui de la légitimité,             car les deux invariantes, de l'État et du pouvoir,             comportent partout des fortes ressemblances structurelles.             En effet, tout État ne peut exercer son autorité sans une             bureaucratie et tout pouvoir ne peut éliminer la hiérarchie,             sociologique et naturelle, entre dirigeants et dirigés. Le             principe de légitimité, comme principe d'adhésion volontaire             à l'autorité, est ce qui différencie une forme de pouvoir ou             une forme de régime de tous les autres. 
 
 La conduite extérieure des États est influencée par des             sentiments et des représentations où l'affinité devient un             facteur influent sur les décisions des acteurs. Les             alliances sont la résultante d'une distinction entre             l'adversaire et l'ennemi. Si l'ennemi est un rival étatique,             un hostis, l'adversaire est celui qui professe des idées et             des principes différents et opposés. L'ennemi étatique ne se             confond pas avec l'adversaire politique, porteur d'une autre             conception de l'homme, de la société et de l'histoire et             partisan d'un autre principe de légitimité, autrement dit             d'une profonde diversité éthique.
 
 Ainsi, dans le cadre d’une conception moralisante,             démocratique et légalitaire de la vie publique interne et             internationale, le caractère radical de la distinction de             l’ami et de l’ennemi est éclipsé par la confusion             anti-machiavélienne du politique et des valeurs et par la             soumission de ces dernières aux normes instituées, celles de             l’économique et du droit. Suivant cette confusion, le             concept politique de mouvement et de lutte devient, par             l’influence de la pensée libérale, au plan économique,              « concurrence » et, au plan spirituel, « discussion ». Par                 une fiction abstraite, l'étranger devient citoyen. Il             ne devient pas le « civis romanus » soumis au préteur de             Rome, mais soldat d'une « revanche de Dieu », qui peut élire             et renverser les Césars. 
 
 Ainsi, les différends dans les relations internationales se             soldent par des approches d’indécision, des options mixtes             de légalité (manifestation du nomos, de la voluntas, de             l’« éthos » étatiques, comme coercition et force             contraignante) et légitimité (fidélité formelle à une             autorité ou à un consensus occasionnel dépourvus de             sanction, démocratique ou juridique) ou encore de             négociation et de refus d’engagement.
 
 
Sur la                   « fiction » juridique de l’État de droit
 
Ainsi l'approche selon laquelle la réalité             juridique ne peut être comprise que par une logique             inclusive ou encore par une correspondance étroite entre             État et société, ce raisonnement signifie que l'appartenance             sociale, culturelle et morale à un peuple-nation est             constitutive d'un certain type d'État de droit et que ce             dernier ne peut créer de lui-même l'appartenance, la             cohésion et la solidarité du peuple, par une simple             « fiction » juridique ou par une simple loi électorale. 
 
 A titre de paradoxe et en cas d'immigration massive,             « l'État de droit » français ne pourrait créer une « France             en grand », mais seulement une  « autre » France,             artificielle, cosmopolite et multiculturelle, sans relation             spirituelle avec sa matrice historique. Il pourrait parvenir             à créer, toujours artificiellement,  par cécité, par             aveuglement ou par aberration, une France chinoise, russe,             indienne ou arabe, déliée de toute relation d'appartenance,             sociologique, anthropologique ou culturelle. L’État de droit             s'oppose ainsi à une société constituée sur la base d'une             matrice originelle et historique et il fait ainsi             disparaître le « bien à protéger », la France séculaire.
 
 Dans ce fil logique, le droit peut construire du droit et             l'État de droit une copie, plus pâle, de l'État de droit,             mais pas une société, un mode de vie, une conception du             monde, bref une identité ou une Nation, aujourd'hui             menacées.
 
 
État                   post-national, régime post-démocratique et État                   d'exception
 
  En poussant plus loin les analyses et les             références une série de distinctions apparaissent             nécessaires afin de fixer sommairement les concepts. Ainsi,             nous cernerons sommairement trois figures du débat             politologique: l’État post-national, le régime             post-démocratique et l’État d'exception, au sein desquels la             souveraineté du « demos » s'explique différemment. 
 
 Est un État post-national la forme d'organisation politique             marquée par une crise de la souveraineté. C'est un État qui             annexe à sa loi fondamentale des amendements et des             protocoles constitutionnels, qui résultent d'accords             d'intégration régionaux ou de traités conclus avec des             organisations supranationales, sous forme bi ou             multilatérales et qui limitent de manière plus ou moins             significative la souveraineté de l’État. Ces divers             amendements ou protocoles se répercutent ainsi dans une             série d'obligations, adoptées par voie référendaire ou             parlementaire, visant l'exécution, la transposition ou la             légifération ordinaire de dispositions régaliennes. Lorsque             des États se constituent en « communautés de valeurs » ou en             « communautés intégrées », les amendements constitutionnels             peuvent s'étendre à la forme du « régime politique » et             spécifiquement au « régime démocratique ». Dans des             contextes exogènes à la tradition occidentale, ces régimes             et ces États sont loin de correspondre aux modèles             historiques et sociaux du pays pris comme référents. Hors             d'Europe, à la forme souvent autoritaire de la souveraineté,             s'ajoute la greffe d'un fonctionnement du régime, qui ne             peut calquer aucun modèle d'emprunt. Dans ces cas, la forme             d’État et la forme du régime se confondent dans la figure             présidentielle du chef de l'exécutif, médiateur et             interprète de toute mixité historique. La résultante en est             un modèle, à chaque fois original ou impur, fondamentalement             étranger au « Volkgeist » et souvent prétexte ou masque pour             l'exercice pré-moderne du pouvoir. 
 
 Est un « régime post-démocratique » un régime marqué par une crise de la légalité représentative,             disloqué par la mondialisation et en crise quasi               permanente de légitimité. C'est un régime qui ne             dispose plus d'un équilibre interne stable et identifiable             et qui est soumis à des influences médiatiques et             culturelles, financières et politiques déstabilisantes et             extérieures. C'est un régime influencé par les jeux             perturbateurs et spéculatifs de la finance internationale             arbitrant l'évolution économique interne. Les premières             brouillent la convergence des coordonnées culturelles et             émotionnelles de l'opinion, les deuxièmes les flux des             épargnes, les investissements et des rapports productifs.             Est post-démocratique en conclusion un régime où               il n'existe plus un demos ni une opinion               nationale ni une économie indépendante, mais             plusieurs greffes et influences perturbatrices,             transversales, régionales et mondiales. 
 
 L’État d'exception est en revanche un État               d'urgence ou de salut public, caractérisé par une crise                 de la société multiculturelle. Il est issu d'une             remise en cause existentielle du pacte social et pas             seulement du contrat politique. Il peut être tenu, dans             cette dissertation schématique, pour un régime de               transition, revendiquant une reprise en main nationale             et intégrale des leviers du pouvoir. En tant que tel il peut             concerner la forme d’État, la forme de régime, ou les deux à             la fois. Ce qui est symptomatique c'est qu'il est             caractérisé par une concentration et une réappropriation             rapide du politique. Ainsi la revendication caricaturale du             passage à une VIème République par Jean-Luc Mélenchon,             candidat aux élections présidentielles françaises, est le             signe avant coureur d'une probable réorganisation de la             scène politique, incompatible à l'intérieur avec le             Présidentialisme de la Vème République, à base gaullienne ou             stato-nationale, et à l'extérieur avec les concessions et             les ouvertures induites dans la culture, la société et             l'économie par une mondialisation sans frontières et sans             freins ordinaires, tenue pour responsable de             l'ingouvernabilité de la société. Cette réaction politique,             de type souverainiste a comme équivalent, à droite de             l'échiquier représentatif, les positions et les             revendications de Marine Le Pen du Front National.             L'hypothèse d'un État d'exception « à la française »             pourrait être justifiée par l'exigence d'une crise               interne – extérieure qui ne permette plus,             immédiatement, à la représentation politique et au régime             présidentiel d'atteindre un point d'équilibre interne stable             et une base électorale majoritaire, même par le biais de             marchandages, de compromis multiples et de coalitions. Cet             « État » pourrait faire face alors à un système de conflit             profonds et durables, aggravés par l'irruption violente des             minorités et des banlieues, sous égide islamique et             simultanément à une crise de gouvernance européenne,             elle-même doublée d'une crise de gouvernabilité             internationale. Cette hypothèse d'école n'est pas nulle et             fait l'objet des conjectures possibles, caractéristiques, en             leur formulations hypothétiques, de l'ensemble des sociétés             occidentales ouvertes. Conjectures d'exception où la             légalité, la légitimité, la représentativité et la             composition de la société seraient soumises au diktat d'une             métamorphose radicale et à la capacité d'un chef             charismatique, s'érigeant en garant du salut public et en             porteur de décision, de trancher sur l'ordre public, le             modèle social et la synthèse politique. Le but en serait de             permettre de remodeler stratégiquement les objectifs             d'avenir. 
 
 « L’État d'exception » a donc pour finalité essentielle, à             l'intérieur, de parer à toute menace existentielle venant de             ceux qui, par l'usage perverti d'une « démocratie désarmée »             ou encore par esprit partisan, prétendent accoucher des             sociétés fictives et donc des sociétés ingouvernables. Ces             dernières, issues de vagues de peuplement successives             opposeraient alors des communautés coalisées, déracinées,             dépourvues d'une histoire commune, contre la nation             historique comme ensemble vivant et organique venant du fond             des âges.
 
 « L’État d'exception » représente ainsi la clé             transfonctionnelle de trois crises, la crise de la             souveraineté (crise de l’État post-national), la crise du             régime post-démocratique (crise de la légalité             représentative) et la crise de la société multiculturelle et             donc la clé d'une nouvelle synthèse politique et d'un             nouveau contrat social.
Bruxelles, le 21 octobre 2014
