Nous donnerons suite en quatre parutions successives de « IERI News » aux réflexions politiques, scientifiques et éthiques du physicien nucléaire, le Docteur (Phd) Franco Cozzani, Chef d'unité adjoint de la DG Recherche et Innovation, Commission européenne, qui s'exprime toutefois à titre uniquement personnel.
Les titres des quatre contributions sont significatifs :
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Les Armes Nucléaires. Un problème toujours d'actualité
Cet article sert d'introduction à la question de fond « pourquoi faut-il parler des armes nucléaires et pourquoi on en parle sans beaucoup les comprendre? ». L'article est à caractère éthique, culturel et politique.
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Des poupées brulées. L'amoralité réelle et supposées des armes nucléaires.
Il s'agit d'un article historique et à forte empreinte éthique
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A multi-megaton world?
Ce texte est à la fois historique et politique. Il est plus technique que le précédent mais très accessible.
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Fission, fusion et « staging ». Une vue d'ensemble sur les concepts principaux et sur les curiosités des différents modèles des armes nucléaires.
Plus technique que les précédents, il s'adresse à un public attentif aux aspects scientifiques et techniques; aisé de lecture.
Ces contributions font « sens » dans la période qui est la notre. Elles nous poussent à regarder l'actualité par le biais d'une rétrospective historique. Celle-ci a pour objet le gigantesque effort de recherche et de découverte des disciplines fondamentales, la physique théorique et leurs applications, conduites en Europe puis aux États-Unis et parallèlement en Union Soviétique sur la « préparation » de la bombe et ses répercussions destructrices et annihilatrices au courant de la seconde Guerre Mondiale ainsi que sur l'hésitation de la communauté scientifique à propos de leurs applications militaires (Einstein, Oppenheimer). L'adoption de ses effets destructeurs dans le domaine de la stratégie, de la conduite des opérations et dans les deux aspects les plus connus, qui sont ceux de la dissuasion (ou stratégie de la terreur) et de la prolifération (ou diffusion de puissance et stratégie mixte d'égalisation et d'insularisation politiques liée à une liberté d'influence conventionnelle) fait débat encore aujourd'hui. Ce débat est devenu civil et sociétal et concerne le maintien du nucléaire comme source d'énergie.
La partie rétrospective n'est pas sans rappeler les réflexion sur l'atome au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Au cours des années 1945-1950 l'inscription de l'arme atomique dans le cadre d'une situation inédite qui bouleverse la perception de notre conscience historique fait renaitre le débat des années vingt, marqué par le pessimisme historique et la théorie des grands cycles, qui se résume en la conviction que l'humanité vit désormais sous un régime unique et que l'apparition de l'arme nucléaire justifie la célèbre expression de Paul Valéry :
« Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »
Expression reprise en 1947 par K. Jaspers selon qui, avec l'atome, « l'homme était mis en possession de sa propre mort !»
Cette partie rétrospective n'est pas sans rappeler également les fondements logiques et conceptuels de la dissuasion nucléaire en ses effets purement physiques et praxéologiques, virtuels ou théoriques.
Les réflexions conduites dans les années soixante devaient faire recours à la méthode des modèles et à la théorie des jeux pour dessiner des relations entre acteurs duopolistes.
Étaient ainsi étudiées les situations qui résultent de l'action et de l'inaction en cas de mise à exécution des menaces sur le plan des relations diplomatiques et sur celui de la vulnérabilité ou de l'invulnérabilité du deterrent (appareil de frappe nucléaire) ainsi que l'équivalence approximative du crime et du châtiment, au vu de la finalité stratégique des joueurs duopolistes, dans le but d'accroître l'improbabilité d'une frappe imparable et d'une guerre apocalyptique et totale.
Sont évoquées les différentes étapes de la dialectique de la dissuasion et le débat éthique qu'il souleva dans le monde, au niveau philosophique, politique et stratégique mais également à celui de la conscience civile de l'humanité, à partir des rappels des philosophes et des mouvements pour la paix. Il faut rappeler que les relations inter-étatiques sont en leur essence des relations violentes (épreuve de force) basées sur les épreuves des volontés (test of will) et que rien n'élimine ce jeu froid et dramatique en sa logique « pure » qui est de nature amorale, démesurée et existentielle.
Jeu défensif ou offensif qui a donné naissance à une diplomatie spécifique, la « diplomatie coercitive » poussant à la limite extrême la menace et le risque.
L'atome, la bombe, la dissuasion ou la prolifération ne sont que l'expression paroxistique de la rivalité politique et humaine qui renouvelle l'appareil conceptuel et la réflexion sur le conflit, sur les principes de la « guerre juste » et plus loin sur les aspects politiques qui constituent les seuls aspects moraux des communautés politiques inhérents aux préférences humaines fondamentales : « Faut-il privilégier la vie (indifférence éthique quant aux options philosophiques) ou les raisons de vivre (prise de partie politique face à la mort imminente. Rappelons-nous de la campagne : « Mieux rouges que morts! ». Vivre dans la liberté ou mourir pour la liberté!)?
Les lecteurs apprécieront les différentes scansions de la réflexion de l'auteur qui remet à l'honneur un débat de fond sur les rôles respectifs du scientifique, du diplomate et du soldat mais surtout, et au premier plan, celui de l'homme politique et de l'homme d'Etat, qui sont essentielles pour fonder une communauté libre, philosophiquement éveillée et politiquement armée, bref, une communauté d'hommes, dignes des prérogatives les plus élevées, celles de penser et de décider en pleine conscience et dans la perspective d'un monde de notre choix, meilleur et plus sûr.