L'IERI édite également la revue « Eurasia». Cette revue représente un outil de débat et de dialogue entre l'Europe, le Caucase, l'Asie Centrale et l'Extrême-Orient. Elle est à caractère interdisciplinaire et porte sur l'analyse des sociétés, des systèmes politiques, des aires culturelles et civilisationnelles.
Pendant près d’un millénaire, l’Asie centrale n’a pas signifié grand-chose pour l’Occident qui avait une idée vague de ce qui se trouvait au-delà des rives orientales de la mer Caspienne. Sa redécouverte date du milieu du XIXème siècle, par la progression constante de l’Empire russe dans cette région du monde.
Elle était désignée sur les anciennes cartes comme « Tartarie » et resta « Terra incognita » pendant une dizaine de siècles.
Dans une conférence tenue à l’Institut Royal britannique de géographie en 1904, l’Amiral Halford John Mackinder, un des pères de la géopolitique, la définira le cœur du monde, le Heartland.
L’idée d’immensité des espaces mais aussi d’arriération humaine frappait cette périphérie des terres et des grandes civilisations de l’histoire. Et pourtant dans ces dimensions sans frontières, neuf millions de kilomètres carrés, l’équivalent des États-Unis, sa population, actuellement faible, une centaine de millions d’habitants, vivant jadis de pâturages, virent l’émergence des cavaliers légendaires qui déferlèrent vers l’Ouest, l’Est et le Sud de l’Eurasie, semant la dévastation et la terreur.
Attila, Gengis Khan, Kubilay Khan, et Tamerlan incarnaient dans l’imaginaire collectif cette barbarie absolue.
Par quatre fois, tous les deux cents ans, des explosions de guerriers nomades faisaient irruption, par des vagues irrésistibles de conquête, sur la scène du monde et bouleversèrent les univers stabilisés d’Orient et d’Occident.
Doués d’extraordinaires qualités guerrières, de férocité instantanée, intrépides et douées de vitesse d’exécution et de manœuvre, d'une exceptionnelle maîtrise de l’arc composite à double courbure, et des foudroyants chevaux des steppes, ils conduisaient des raids de surprise et arrivaient à écraser des armées plus fortes mais moins mobiles et aux lourdes armures.
Ces quatre grandes vagues d’invasion donnèrent naissance à quatre grands empires.
En Occident, au Vème siècle, la ruée d’Attila jusqu’à la montagne Sainte-Geneviève de Paris coïncida avec la chute de l’Empire romain d’Occident. Six siècles plus tard, les Turcs Seldjoukides, vers le XIème siècle, se lancèrent à l’assaut de la Chrétienté, lui portant un siège qui dura trois siècles, jusqu’à la chute et au sac de Constantinople par Mehemet II, qui marqua la fin de l’Empire romain d’Orient. En Perse et Mésopotamie sarrazine, ces vagues conquérantes arrivèrent jusqu’à Bagdad, capitale de l’Empire abbaside au XIIIème siècle.
Entre temps, Kubilay Khan au XIIIème siècle conquit totalement la Chine qui se constitua en Empire Mongol jusqu’à la prise des Manchous quatre siècles plus tard. Parti de sa capitale Saman Khan au XIVème siècle, l’invaincu Tamerlan et ses successeurs, devinrent les Grands Mogholes de l’Inde soumise.
Après la dissolution de l’Empire de Timour en Asie centrale et la conversion de ses généraux à l’Islam, ses provinces étendues se transformèrent en Khanats isolés et ses seigneurs en satrapes et despotes locaux, dont le pouvoir et la structure d’autorité, hors d’influences extérieures, se pérennisa jusqu’à la conquête tzariste et l’empire soviétique.
Les régimes politiques ainsi constitués ne connurent qu’une notion assez vague d’Occident et de règne de la loi. En effet, jusqu’à l’écroulement de l’Union Soviétique, l’autorité d’un seul (autocratie) et guère le régime de plusieurs (polyarchie) ou du plus grand nombre (démocratie), sembla constituer le fondement du pouvoir de ces régimes, à double légitimité traditionnelle et moderne.
Après l’invasion de la Russie par la « horde d’Or » qui s’était sédentarisée et islamisée dans des bassins de peuplement de la Russie, dominant celle-ci pendant deux siècles, l’Empire tzariste continua au XIXème siècle sa lente progression vers la Sibérie Orientale et l’Océan Pacifique.
Dans cette avancée, la Russie impériale réunit la partie de l’Asie Centrale, composée de territoires turcophones et aujourd’hui ex soviétiques, constituées par les ex républiques de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan, du Kirghizistan, du Turkménistan et du Kazakhstan, en Khanats, depuis la capitale Tachkent et leur assigna le nom de « Turkestan russe » qui se distingua de la partie de l’Asie centrale, le « Turkestan chinois », composé par les Provinces autonomes du Tibet et du Xinjang, peuplé d’une myriade d’ethnies turcophones, auxquelles il faut ajouter la Mongolie et l’Afghanistan.
Des chaînes de montagnes grandioses, le Massif du Pamir, le Toit du monde au Sud et les sommets enneigés des « Montagnes du Paradis », dominaient ces steppes sans fin, rendant inaccessibles une partie de ces hauteurs qui étaient défiés uniquement par l’assaut du ciel et le pâturage des dieux.
L’Histoire a donc conduit cette région presque inchangée jusqu’au XXème siècle, où des brusques changements se sont enchaînés rapidement, en soufflant un vent de modernité sur les mœurs ancestraux et sur la vie traditionnelle et immobile des peuplades, rachetées de la misère quotidienne par les promesses de la foi.
Cependant la quête du monde a toujours suscité la curiosité, l’esprit d’ouverture et l’appétit de fortune. C’est pourquoi depuis l’Empire de Rome, les régions reculées de l’Asie centrale étaient traversées par des voyageurs, des religieux et des aventuriers, en direction du merveilleux Chung Khuô, cinquante fois séculaire, foyers de l'Empire céleste des porcelaines, des arts, de la soie et des minuties d’une peinture à la perspective typisée et virtuelle.
Avant l’ouverture des grandes routes maritimes autour du XVIème siècle, les deux plus grandes puissances de l’époque, l’Empire de Rome et l’Empire de Chine, furent reliées entre elles par une pluralité de pistes qui établirent un commerce entre les deux extrémités d’Orient et d’Occident, en passant par l’Asie centrale.
C’était la « route de la soie », traversée par des caravanes, qui parcouraient lentement et au plus grand risque des voyageurs, ces différentes branches convergentes des pistes et dont les cargaisons parvenaient avec difficulté à l’autre bout du monde. Le jeune Marco-Polo retracera dans « il Milione » cette quête indissoluble du mystérieux et du merveilleux.
Par Professeur Irnerio Seminatore
Directeur de l'Academia Diplomatica Europaea
L'Ouzbékistan occupe une place charnière dans la jonction géopolitique située entre l'aire occidentale de l'Eurasie et l'Extrême Orient russe et chinois. Il est le pivot central d'un espace d'intégration régionale, marqué par son appartenance à l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), acteur global de stabilité eurasienne et par le prolongement de la politique européenne de voisinage conçue pour les pays du Caucase et de la Mer Noire, légitimant l'intérêt que l'UE porte à l'Asie centrale. En effet, l'Ouzbékistan est situé su la verticale du dialogue de sécurité qui va de la Russie sibérienne à l'Inde Continentale et à la Chine méridionale. Ce dialogue, articulé en plusieurs objectifs, intègre et complète le concept stratégique de l'OTAN et la Charte de Sécurité Européenne de l'OSCE. Il est, par ailleurs, révélateur du caractère stratégique du contrôle des ressources énergétiques (champs pétroliers de la Mer Caspienne) et champs gaziers de la Mer d'Aral, qui ont fait évoquer le « très grand jeu », se jouant aujourd'hui au delà du Grand Moyen Orient, si on élargit la projection de l'intérêt européen et russe pour le Caucase, en direction de l'Asie Centrale.
Par son intérêt grandissant vis à vis de l'Ouzbékistan et de toute la région, l'Europe accompagne un mouvement stratégique multipolaire (Chine-Russie-Etats-Unis), qui a pour objet la maîtrise du Heartland et « latu sensu » de l'Eurasie. Un mouvement dans lequel se sont engagés les USA depuis 1999, dans la « stratégie de la route de la soie », avec le développement d'un réseau d'infrastructures communes, en matière de transports ferrés, autoroutiers et fluviaux qui marque un processus d'accélération de l'intégration régionale, ayant vocation à garantir la stabilité, la sécurité et la coopération eurasienne. Ce processus permet à l'Ouzbékistan de jouer un rôle de leader régional et de donner un contenu concret au concept d'Eurasie. Ainsi, à partir des marges méridionales de l'ancienne Union Soviétique est pratiqué au même temps un « containement » de la Chine, déjà recommandé par Z. Brzezinski. A cet égard, la place charnière de l'Ouzbékistan suggère aux analystes une complémentarité, pour certains évidente, entre le lien transatlantique et l'axe eurasien. Il en est de même sur le plan constitutionnel et politique, car ce pays recherche un espace de stabilité, essentiel à la sécurité de l'Europe, associant transition démocratique, progrès social, modernisation économique et promotion d'une forme de gouvernance inspirée de l'influence constitutionnelle de l'Occident.
Cette dernière est marquée en particulier par l'évolution du régime présidentiel vers un régime parlementaire.
Les thèmes de l'exposé d'aujourd'hui qui porte le titre « Ouzbékistan-Union Européenne. Constitution,gouvernance et stabilité politique. Coexistence et transition entre deux principes de « légitimité », traditionnel et moderne ». seront caractérisés par des réflexions classiques de la science politique et de la philosophie de l'Histoire, puisqu'ils touchent à ce qu'il y a d'essentiel dans toute communauté humaine, la liberté, la sécurité et le progrès économique et social. Quant à la nature de cette allocution, celle-ci aura une allure générale et conceptuelle mais prétendra simultanément de se définir comme particulière et historique, car elle sera centrée sur la transition de l'ordre constitutionnel ouzbek vers un régime pluraliste. Dans ce cadre, l'analyse de la notion de stabilité politique aboutira à un rappel de l'importance du concept de légitimité.
Il me semble donc opportun de commencer par l'examen du terme de Constitution, car toute société se définit par sa loi fondamentale et son régime politique, autrement dit par l'organisation de la société et le fonctionnement du pouvoir.
L'exercice de l'autorité constitue, depuis Aristote, l'essence même d'une collectivité politique car il incarne l'expression vivante de la souveraineté.
La Constitution symbolise le gouvernement des lois et point le gouvernement des hommes, et donc la stabilité des principes, au delà et parfois contre les caprices et la volonté très variable des Princes.
A ce titre, la Constitution fixe la distinction et l'équilibre des pouvoirs (le « checks and balances ») et définit les règles de la compétition politique, bref les modes du suffrage et l'alternance au pouvoir.
Dans le cas de l'Ouzbékistan, pays pluri-ethnique et pluri-confessionnel, la Constitution consacre l'indépendance politique et garantit la laïcité du pays, marquant l'acte fondateur de la République (dont la promulgation date du 8 décembre 1992).
Gouvernance et stabilité politique
Or si la « constitution » définit la loi suprême d'un pays, la « gouvernance » ou la « bonne gouvernance » a pour fonction de rendre compatible le pluralisme des « intérêts privés » et la sauvegarde de « l'intérêt général ».
Par ailleurs l'application de la constitution et la pratique de la gouvernance ne sont possibles que dans une situation de « stabilité politique », car celle-ci est la condition « sine qua non » de la sécurité collective, de l'exercice des droits et du progrès social.
La constitution et la gouvernance ont été les deux composantes fondamentales de la stabilité politique de l'Ouzbékistan, les conditions de la cohésion inter-ethnique et inter-confessionnelle du pays, et les clés de son progrès social.
Partout la stabilité est un objectif du pouvoir, une ambition des régisseurs éclairés et une conséquence de la ligne politique choisie.
Elle est le produit d'une capacité d'équilibrer les tendances disparates de la société et d'opérer la synthèse entre principes de légitimité différents, traditionnels et modernes, dans le but de l'intérêt général du pays.
En Ouzbékistan l'exercice de cette capacité a été le produit d'une volonté politique forte, identifiée à son Président.
Sur la stabilité politique
Définir la stabilité n'a d'autres significations pour nous que de comprendre la manière de fonctionner d'un système socio-politique hybride, universaliste par sa constitution et particulariste par sa spécificité et son histoire.
Or l'existence d'un ordre constitutionnel est le facteur principal de la stabilité.
Ce système s'adapte aux mutations de la société et constitue le référent et la source du législateur ordinaire, de l'exécutif en place et du pouvoir judiciaire, autrement dit de l'ordre constitutionnel dans son ensemble.
Cependant l'évolution conjointe de la constitution et de la société, se traduit en stabilité politique et en continuité du pouvoir, lorsqu'elles assurent le progrès social et l'avancée économique du pays.
Pour les analystes et les historiens la stabilité politique est le mérite du gouvernement et de sa gestion du pouvoir.
En conditions ordinaires, caractérisées par des menaces constantes et diverses, des crises plus ou moins graves remettent en cause tantôt les régimes politiques, tantôt la nature de la société.
Ainsi la capacité de sauvegarder la structure sociale, de contrôler les changements internes et de résister aux influences de l'étranger, est l'attribut et le mérite principal du pouvoir. En effet celui-ci vit dans un équilibre perpétuellement instable entre revendications internes et pressions extérieures.
La stabilité de l'Ouzbékistan a été depuis son indépendance une stabilité de type dynamique, à cause de la capacité du pouvoir d'évoluer vers des formes de plus en plus démocratiques et garantistes et de moins en moins répressives et rigides, mais aussi d'avancer singulièrement dans la modernisation du pays.
Et cela en préservant la symbiose des traditions anciennes et des innovations du monde contemporain, en dehors de clichés abstraits, importés de l'étranger et diffus en Occident.
Pour revenir à la Constitution, celle-ci ne peut constituer ex nihilo un État, pas plus que ne peut constituer un État la communauté juridique des Nations ou l'Assemblée Générale des Nations Unis. Une constitution implicite et non déclarée, préexiste à sa proclamation, comme l'affirmait Xavier de Maistre .
A la différence des Lumières pour qui le lien social fondamental d'un pays est fondé sur des actes et des constitutions, écrites par la main d'un législateur et inspirées par la logique de la raison, les anti-Lumières (Burke, Herder, Hume, de Maistre) affirment que la société et sa Constitution sont déjà instituées par l'Histoire.
L'école des anti-Lumières a soutenu de manière argumentée que la société et sa constitution ne peuvent relever d'un « contrat social » ni d'un « contrat politique »entre individus.
En effet, selon ce courant de pensée, toute société a sa constitution immanente et celle-ci ne peut être que déclarée. Elle est fondée sur la force de la tradition et ne relève pas de rapports rationnels explicites entre les individus. Son existence repose sur les pratiques immémoriales du pouvoir et sur l'inconscient collectif.
La Constitution immanente de la société traditionnelle a un seul principe de légitimité, la durée, et un seule type de source politique, l'origine sacrée du pouvoir.
La conception traditionnelle de la légitimité n'est pas celle du suffrage universel ou de la représentation politique de type démocratique et occidental, qui est celle abstraite, des « régimes politiques modernes ».
La légitimité traditionnelle a sa racine dans un pouvoir immémorial, établi par la coutume et confirmé par le temps.
Dans une société comme l'Ouzbékistan ou dans les sociétés d'Asie Centrale coexistent deux types de légitimité, traditionnelle et moderne et la stabilité politique résulte de l'art de conjuguer ces deux principes et ces deux allégeances.
La légitimité du suffrage et celle de la tradition sont de nature différente, car la première est fondée sur le court terme et sur les variables d'opinions, la seconde sur l'assurance d'une tradition millénaire et sur des appartenances et des sentiments anciens.
La légitimité du suffrage moderne divise le peuple en factions, la légitimité traditionnelle resserre la communauté en unité, en un seul corps politique, qui pour l'Église catholique, était transcendant et mystique à l'image du corps du Christ et cela tant sur le terrain de la liberté que sur celui de l'oppression.
La légitimité du suffrage est volatile, individualiste et à court terme, celle de la tradition immémoriale et inscrite dans les archétypes de la pensée de la connaissance et de l'action.
Or, la reconnaissance de la légitimité ancienne qui est si nécessaire pour les sociétés d'Asie Centrale et pour les pays musulmans en général, est fondamentale pour la stabilité politique.
Et cela dans tous les pays qui ont pour principe constitutif de la société, l'idée de tradition.
Elle est tellement essentielle pour le gouvernement de la société qu'elle fut laïcisée par Rousseau par le biais de la « fiction démocratique du contrat social » qui institue le peuple en « souverain ».
En revenant à la constitution, dont la nature est différent selon les sociétés, une constitution moderne, purement juridique, de type volontariste ou révolutionnaire, implique une conception idéologique et totalitaire du pouvoir et demeure artificielle,surtout si elle est déconnectée du passé et de la tradition et donc virtuellement tyrannique.
La stabilité politique est ainsi un équilibre difficile entre groupes sociaux disparates et peut être obtenue de deux manières et par deux méthodes différentes: par l'utilisation de la violence physique, de la contrainte sociale ou de la répression sanglante, ou encore par un approfondissement de la démocratie et un élargissement du consensus social, conforté par l'allocation de biens sociaux ou de biens symboliques. Si on veut caractériser la nature de stabilité, on doit reconnaitre que celle-ci est statique, lorsque la société est fermée, le système du pouvoir rigide et l'influence des facteurs extérieurs contrôlée, elle est par contre dynamique, lorsque la société est ouverte, l'idéologie dominante permissive et les résistances aux changements faibles.
Nous pouvons dire que la stabilité politique en Ouzbékistan est passée d'une forme rigide à une forme ouverte et qu'elle a été capable d'absorber des situations de crise difficiles à surmonter.
La promotion de la démocratie dans le monde depuis les année 1980 et celle des droits de l'homme qui s'y accompagne nous poussent à revenir sur les conceptions réalistes du système international et sur l'idée de « modèle politique », en ses connexions juridiques et constitutionnelles.
En ce qui concerne la première, Henry Kissinger a longuement soutenu que la démocratie, les droits de l'homme, le moralisme ou les désidérata ethniques, bref les idéologies politiques ou les doctrines économiques et sociales, ne peuvent offusquer les problèmes de la stabilité politique ou l'enracinement historique et géopolitique des États, ni leurs intérêts permanents, qui transcendent les choix individuels ou les préférences personnelles.
En ce qui concerne la deuxième, autrement dit l'idée de modèle politique, l'impossibilité théorique d'affirmer la supériorité d'un « modèle » sur les autres, nous incite d'une part à approfondir l'histoire du concept de démocratie et de l'autre à tenir compte de son étrangeté et de son applicabilité limitée aux sociétés traditionnelles
En effet toute philosophie politique à prétention universaliste est étrangère aux particularismes des traditions et des mœurs.
Les sociétés traditionnelles ne connaissent pas les notions d'individu, de droit individuel, des théories garantistes et de contre-poids, mais exclusivement les idées de corps social unitaire et de pouvoir personnel ou tribunal.
Les sociétés asiatiques ignoraient la séparation des pouvoirs élaborée en Europe par le grand Montesquieu et méconnaissaient la distinction agostinienne du pouvoir civil et du pouvoir religieux.
Mais l'ignorance occidentale de cette réalité sociologique et culturelle a été source de multiples incompréhensions, d'infinis préjudices et d'erreurs militaire majeures.
En effet elle ne permet pas d'établir des alliances, des stratégies politiques à long terme ainsi que des formes de coexistence avec les anciennes croyances et interdit surtout la compréhension de « l'Histoire globale », comme pluralisme de l'expérience humaine et comme différenciation du développement historique.
D'où deux grandes questions-
Comment s'émanciper, en Occident, d'une vision du monde prétentieuse et arrogante, fondée sur l'esprit missionnaire et sur l'élargissement indéfini de la démocratie?
Comment reconnaître dans les sociétés non occidentales la disposition de l'homme traditionnel à plus de bonheur et à plus de liberté, en gardant sa fidélité à la tradition et à l'enchantement du monde? En conclusion Mesdames et Messieurs toute forme de stabilité politique oscille perpétuellement entre les raisons du cœur, des sentiments et des passions, dans lesquels vivent les hommes, les opinions et les peuples, enracinés dans le passé et les prétentions orgueilleuses de l'esprit moderne et de la raison pure dans lesquels s'est forgée l'histoire des idées contemporaines et la volonté utopique de bouleverser le monde, de faire table rase du passé et de recommencer radicalement l'Histoire humaine « ab imis fundamentis » 1
Par Pierre-Emmanuel Thomann,
Directeur de recherches en géopolitique, IERI, Bruxelles
L’Ouzbékistan est indépendant depuis seulement 20 ans2. Durant cette période courte mais intense tant les défis à affronter étaient importants au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, ce jeune Etat-nation récolte les succès de sa stratégie de long terme reposant sur la stabilité et la souveraineté que l’on peut qualifier de modèle Ouzbek. Au niveau national, la stabilité politique et l’économie se sont consolidées. Au niveau international, le pays a renforcé son indépendance et contribué à la stabilité régionale grâce à une politique d’endiguement des nombreuses sources d’instabilité issues des tensions ethniques, des mouvements islamistes, des différends interétatiques, et la menace d’extension du conflit afghan. L’Ouzbékistan n’a été entraîné dans aucun conflit militaire depuis son accession à l’indépendance.
Le modèle ouzbek repose sur une palette de stratégies multidimensionnelles :
- la reconnexion avec le passé du peuple ouzbek soulignant une conscience historique forte sur les temps longs
- la modernisation et l’ouverture du pays selon une approche progressive avec l’Etat comme acteur stratégique central
- la volonté de faire de l’Ouzbékistan un acteur géopolitique international à partir d’un ancrage territorial fort
Le positionnement du gouvernement ouzbek s’inscrit dans le contexte géopolitique mondial. L’évolution internationale est caractérisée par une mutation rapide des rapports de puissance depuis la fin de la guerre froide, particulièrement à l’échelle eurasienne. Ces bouleversements sont de plus en plus difficiles à maîtriser par les Etats qui font face à de grandes incertitudes stratégiques.
En obtenant son indépendance en 1991, l’Ouzbékistan est passé d’une situation géopolitique périphérique comme composante de l’empire soviétique à une position centrale parmi les nouveaux Etats d’Asie centrale. Le peuple Ouzbek, simple sujet dans la configuration géopolitique de l’Union soviétique, est devenu un acteur autonome.
Dans les rapports de forces internationaux qui caractérisaient la guerre froide, le centre de l’Europe était le point focal principal de la confrontation entre le bloc communiste et le bloc occidental. La zone pivot d’Asie centrale est aujourd’hui l’une des zones de collision majeures entre les projets géopolitiques concurrents dans le contexte de la mondialisation. La disparition des blocs redonne à l’Asie centrale sa fonction de carrefour sur le continent eurasien qui l’a toujours caractérisé sur les temps longs de l’histoire. L’Ouzbékistan est une terre où se sont succédé Alexandre le Grand, Gengis Khan, Tamerlan, les tsars, les soviétiques.
Les stratégies étatiques dans la mondialisation se traduisent aujourd’hui en luttes d’influence pour la répartition d’espaces politiques et économiques entre grandes puissances, acteurs régionaux et locaux, acteurs transnationaux. Un territoire carrefour en Asie centrale comme l’Ouzbékistan devient un atout, et non pas un handicap pour ses habitants, à condition de se constituer en centre politique fortement structuré. Une zone de transit occupée par un Etat faible sans maîtrise territoriale se transformerait inévitablement en enjeu de pouvoir entre les puissances voisines dans un monde multicentré.
Le dilemme fondamental de la jeune République d’Ouzbékistan est donc le suivant : maîtriser son destin ou devenir un enjeu convoité par les acteurs extérieurs.
L’Asie centrale est un territoire situé au carrefour des zones géographiques d’intérêt des pôles politiques mondiaux : la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, le Japon, la Corée du Sud, la Turquie, l’Europe et les Etats–Unis comme puissance extra eurasienne pratiquant une politique de balance pour écarter la domination éventuelle de l’Eurasie par une nouvelle superpuissance ou une alliance hostile. Le territoire d’Asie centrale fait la couture spatiale entre les espaces de manœuvre de ces grandes puissances.
La préservation d’une ossature politique forte au niveau régional est non seulement un enjeu national pour l’Ouzbékistan, mais aussi un enjeu international. La stabilité de l’Eurasie dépend en grande partie de la stabilité de l’Asie centrale, et la stabilité de l’Asie centrale dépend en grande partie de la stabilité de l’Ouzbékistan. L’Ouzbékistan est un verrou qu’il est essentiel de préserver vis-à-vis des instabilités provenant du conflit en Afghanistan.
L’Ouzbékistan occupe la position du milieu en Asie centrale, en contact territorial direct avec tous les pays d’Asie centrale, Kazakhstan, Turkménistan, Afghanistan, Tadjikistan, et Kirghizistan. Pays le plus peuplé d’Asie centrale, la démographie du pays est aussi un atout avec environ 28 millions d’habitants. Des minorités ouzbeks sont aussi présentes au Kazakhstan, au Turkménistan, en Afghanistan, au Tadjikistan, au Kirghizistan et même en Chine.
L’Ouzbékistan, par sa position géographique, ses ressources, et son poids démographique est un territoire que l’on peut qualifier de double pivot. L’évolution politique du pays est un facteur important pour l’évolution géopolitique de l’Asie centrale, et par ricochet, exerce une influence potentielle importante sur l’évolution géopolitique du continent eurasien. L’Ouzbékistan comme Etat souverain est un pays charnière dont les décisions peuvent avoir des conséquences géopolitiques selon différents axes géographiques. Dans l’hypothèse d’un Etat défaillant provoquant un vide de puissance, une déstabilisation par effet domino pourrait se propager au delà du territoire ouzbek. Le pays pourrait se faire aspirer dans la manœuvre territoriale d’une puissance extérieure visant au déséquilibre de la situation géopolitique pour en tirer profit.
La position géographique, les ressources et la démographie ne se transforment en atouts que par la volonté politique. Le gouvernement ouzbek a choisit précisément de maîtriser son destin selon une stratégie volontariste.
La superficie de l’Ouzbékistan est de 447 400 km², dans une position intermédiaire entre l’Allemagne (357 026 km²) et la France (551 500 km²). Le territoire de l’Ouzbékistan est marqué par de fortes disparités régionales. Les contrastes géographiques sont énormes entre les zones désertiques à l’Ouest et les sommets enneigés de 4 000 mètres sur la frontière à l’Est. Les terres arables et la population sont inégalement réparties. La plus forte densité est atteinte dans la riche vallée de Ferghana qui constitue le grenier du pays avec la majeure partie des terres fertiles, tandis que la plus faible densité se trouve dans le désert du Kyzyl Kum.
La démographie du pays est dynamique avec environ 28 millions d’habitants dont un tiers a moins de 14 ans. La population a pratiquement doublé depuis le milieu des années 70. Le groupe ethnique ouzbek est majoritaire et forme près de 80 % de la population, suivi des groupes minoritaires russe, tadjik, kazakh, tatar, karakalpak, kirghiz, coréen, turkmène, arménien, azéri, ukrainien, yiddish, ouïgour, bachkir, farsi…
Une démographie en croissance est un atout si les structures étatiques sont capables d’accompagner l’augmentation de la population selon une approche prospective intégrant les tendances de long terme.
La construction de l’Etat-nation ouzbek sur un territoire marqué par l’extrême diversité géographique, la mixité ethnique et religieuse, et une forte démographie exige un Etat stratège qui maintient et développe des outils de pouvoir adéquats pour consolider sa cohésion interne et maintenir un équilibre territorial en matière d’aménagement et de distribution du pouvoir politique.
L’Ouzbékistan, est la terre de légende qui était traversée par la route de la soie sur laquelle se sont bâties les perles urbaines comme Samarcande, Boukhara et Khiva, trésors du patrimoine mondial. Carrefour de cultures depuis des millénaires, son patrimoine architectural, mais aussi musical, littéraire, culinaire, ainsi que la danse, le théâtre, la peinture et les arts appliqués sont extrêmement riches.
La politique culturelle exercée par l’Etat est l’une des plus actives au monde afin de valoriser l’héritage culturel et historique immense de l’Ouzbékistan. Le rôle donné à la science dans la recherche et l’enseignement est destiné à renouer avec une tradition scientifique plusieurs fois centenaire qui a laissé à l’histoire des noms comme Mirzon Ulughbek, Akhmad Al-Ferghani, Abu Raikahn Beruny.
L’héritage culturel et historique de l’Ouzbékistan n’est pas seulement un atout touristique à entretenir pour des raisons économiques. Il est avant tout identitaire pour renforcer le ciment national. La valorisation des personnages historiques positifs est un exemple pour la jeunesse et un facteur de résilience dans le Maelström de la mondialisation. Le maintien d’un équilibre entre la tradition et modernité est nécessaire pour éviter la dilution identitaire qui peut être fatale à de nombreuses sociétés par la perte de leurs repères historiques.
L’ancrage de l’identité nationale dans une histoire longue est une stratégie de l’Etat qui révèle une conscience politique très forte des enjeux de long terme. Cette vision se démarque de l’évolution de nombreux pays dont l’action est caractérisée par la recherche du gain à court terme, ou de l’adaptation trop rapide menant au chaos et l’aliénation des citoyens.
La valorisation des personnages historiques comme Amir Timour, ou Tamerlan (1336-1405), né près de Samarcande et ancêtre fondateur de la nation ouzbèque redonne une légitimité historique à L’Ouzbékistan comme Etat-nation en soulignant sa continuité spatiale et temporelle. Il exprime aussi l’ambition de la nation ouzbèque à un rôle régional par le rappel de l’étendue de son empire. Il souligne également les liens très anciens entre l’Asie centrale et l’Europe, comme la correspondance entre Amir Timour et le roi de France Charles VI en 1403, et Henri III, roi de Castille pour établir des relations commerciales après sa victoire sur le sultan ottoman Bajazet, qui donna un coup d’arrêt à l’expansionnisme ottoman pour les européens et un répit aux byzantins. La figure d’Amir Timour en Ouzbékistan est destinée à jouer un rôle dans la mémoire collective ouzbèque, comme Clovis 1er roi des Francs, ou Napoléon Bonaparte dans la mémoire collective française, Charlemagne dans la mémoire collective européenne.
Au niveau institutionnel, le régime présidentiel ouzbek, doté d’un parlement composé de deux chambres, est adapté pour piloter une transition difficile dans un environnement régional marqué par les incertitudes géopolitiques. La figure d’un président actif élu est aussi essentielle pour la visibilité internationale face à la multiplicité croissante des acteurs. Un régime exclusivement parlementaire aux pouvoirs écartelés entre des visions nationales contradictoires affaiblirait la stratégie de réforme pilotée par l’Etat.
Le régime qui prône la stabilité procède néanmoins à des réformes pour moderniser progressivement la vie politique du pays. En novembre 2010, un concept d’approfondissement des réformes démocratiques et d’établissement de la société civile a été présenté par le Président. Ce paquet de réformes inclut un meilleur équilibre entre les trois branches du pouvoir d’Etat formé par le chef d’Etat, les pouvoirs exécutifs et les pouvoirs législatifs. La réforme est destinée à donner plus de poids au Premier ministre qui sera désigné par la majorité parlementaire. Le Président garde le pouvoir d’agréer ce candidat, et de dissoudre le parlement si deux candidatures qui se suivent étaient refusées. Le Président du Sénat assurera l’intérim en cas de vacance du pouvoir présidentiel.
Une réforme du pouvoir judiciaire et législatif, la réforme dans le domaine de l’information annonce une liberté de parole renforcée, une amélioration de la législation électorale, le développement des institutions de la société civile, et une libéralisation renforcée de l’économie.
Le régime politique de l’Ouzbékistan ne devrait toutefois pas être évalué à travers les lunettes de la démocratie de type occidental selon une approche européocentriste. Le régime s’est constitué en fonction des défis spécifiques à l’Ouzbékistan et de ses singularités historique et géographique.
L’origine familiale et le territoire jouent un rôle important dans le jeu politique en Ouzbékistan, pays qui a des traditions et des coutumes et qui souhaite les préserver. Les identités locales, village ou cité sont parfois plus prégnantes que les identités ethniques. La société ouzbèque est aussi organisée en réseaux régionaux de familles, d’amis, et de confiance qui ont des obligations les uns avec les autres et qui apporte solidarité et ressources. L’Ouzbékistan a aussi conservé un héritage laïc qui est un atout pour l’élaboration d’une identité nationale.
La construction progressive d’un Etat de droit qui intègre les différentes composantes ethniques, territoriales, et religieuses dans un ensemble national stable ne peut être élaborée que par les Ouzbeks selon un processus nécessairement mesuré et constructif pour la légitimation des citoyens. Un modèle de démocratie occidentale importé dans la précipitation, serait illégitime, inapproprié, et inefficace.
Chaque pays devrait avoir la légitimité reconnue de défendre son propre modèle. Le régime politique de l’Ouzbékistan ne ressemblera jamais complètement à celui d’un pays occidental, au même titre que le régime semi-présidentiel de la République Française ne ressemblera jamais à celui d’un régime parlementaire d’une démocratie nordique, ou d’un Etat fédéral.
La transition difficile depuis l’indépendance du pays à partir d’une économie et une société planifiée vers une économie plus ouverte et libre nécessite l’intervention de l’Etat pour guider les choix et mettre en œuvre la stratégie de modernisation. Cette approche évolutive est basée sur le principe exprimé par la formule de bon sens du président Islam Karimov « ne pas détruire l’ancienne maison avant de construire la nouvelle ». L’Etat est le réformateur central pour construire le nouveau modèle d’une « économie de marché libre orientée vers le social ». Les situations chaotiques des Etats qui ont expérimenté la thérapie de choc a incité le gouvernement ouzbek à choisir la transition graduelle, la priorité donnée au social, et la maîtrise des secteurs stratégiques.
La stratégie de substitution aux importations pour atteindre une autosuffisance en matière énergétique grâce à ses ressources de gaz et une autosuffisance alimentaire est une réussite pour la souveraineté du pays. Les stocks de nourriture ont été particulièrement abondants en 2011, et leur volume a doublé en 10 ans grâce à une politique d’investissement active de maintenance et de réparation du réseau d’irrigation sur un territoire au climat difficile. L’agriculture reste l’un des principaux secteurs économiques (21% PIB, 40% population active). Spécialisé dans le coton, il en est le 5ème producteur et 2ème exportateur mondial. L’Ouzbékistan possède aussi d’importantes ressources comme l’or qui est le deuxième produit le plus exporté, le gaz avec les 3ème réserves de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) et le 10ème producteur mondial, l’uranium dont les réserves sont estimées au 10ème rang mondial.
Le gouvernement ouzbek vise à s’éloigner d’une économie trop dépendante dans le passé des exportations de matières premières brutes. Il cherche à implanter progressivement une industrie de transformation grâce à des partenariats avec des entreprises étrangères.
L’économie s’est diversifiée et les exportations de coton qui représentaient en 1992 près de la moitié des exportations totales ne représentent plus que 17%, tandis que les exportations des produits industriels manufacturés ont augmenté.
L’Ouzbékistan fait partie des 30 pays au monde et le seul pays d’Asie centrale qui fabrique des voitures et des camions avec UzdaewooAuto, Samkocauto et GM Uzbekistan. La Tashkent Aircraft Production Corporation (TAPOiCh) est un complexe agro-industriel depuis 1941 spécialisée dans la fabrication et réparation des avions. Dans le domaine des transports ferroviaires, un nouveau train à grande vitesse (« Afrosiyob » ; 250 km/h), de conception espagnole, a été mis en exploitation le 26 août 2011 sur la route de Tachkent-Samarcande dans le cadre d’une coopération entre les compagnies de chemin de fer ouzbèques et espagnoles.
La crise économique qui a débuté en 2008 a touché tous les pays producteurs comme l’Ouzbékistan à cause de la baisse des prix des matières premières et la baisse des exportations. L’économie ouzbèque a toutefois démontré une bonne résistance grâce à sa moindre exposition au secteur financier spéculatif, et une moindre interdépendance vis-à-vis de l’extérieur en termes commerciaux. Les bénéfices de la stratégie du gouvernement issus du choix des investissements productifs à long-terme et du refus des gains de court terme par la prolifération des produits financiers spéculatifs sont devenus visibles depuis la crise financière mondiale. Si l’objectif est d’élargir le secteur privé et d’attirer des investisseurs étrangers, l’Etat préserve son droit de regard sur l’évolution des secteurs et entreprises stratégiques.
Afin de garder une marge de manœuvre dans un environnement géopolitique difficile, l’Ouzbékistan cherche à préserver sa souveraineté par une politique d’indépendance.
Si la plupart des Etats de taille moyenne ou petite à l’échelle mondiale poursuivent une stratégie d’alliance cherchant à se mettre sous la protection d’un grand Etat pour assurer leur sécurité, l’Ouzbékistan cherche à se constituer comme un pôle politique régional selon le principe de l’indépendance nationale. L’Ouzbékistan, depuis sa position géographique du milieu, pratique une politique subtile d’équilibre visant à une équidistance entre ses voisins immédiats et les grandes puissances qui manœuvrent sur le continent eurasien. L’Ouzbékistan préserve des relations fortes avec la Russie et les pays de la CEI et diversifie ses partenariats, au delà de ses voisins immédiats, avec la Chine, le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam, l’Inde, le Pakistan, les Etats-Unis, la Turquie, l’Union européenne et ses membres selon une diplomatie multidirectionnelle.
L’appartenance de l’Ouzbékistan aux organisations internationales reflète cette volonté d’équilibre selon les différents axes : l’espace euro-atlantique, européen, russo-sibérien, l’Asie du Sud, l’Asie du Sud–est et Pacifique, l’espace méditerranéen et la péninsule arabique. L’Ouzbékistan est membre des Nations-Unies, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Communauté des Etats Indépendants (CEI) et son Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), l’Organisation de Coopération Centrasiatique (OCC) et l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI).
Les relations entre l’OTAN et l'Ouzbékistan ont débuté en 1992, lorsque le pays est devenu membre du Conseil de coopération Nord-atlantique. Il a adhéré au Partenariat pour la Paix (PPP), en 2002.
Un Accord de partenariat et de coopération entre l'Ouzbékistan et l'Union européenne, a été signé en 1996. La nouvelle stratégie de l’Union européenne pour l’Asie centrale relance la coopération depuis 2007 et une nouvelle délégation de l’Union européenne s’installe à Tachkent.
L’Ouzbékistan a aussi signé le traité de Semipalatinsk le 8 septembre 2006 qui institue une zone exempte d'armes nucléaires en Asie centrale : le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan s'engagent à ne pas développer, acquérir, tester ou détenir d'armes nucléaires.
En tant que pays doublement enclavé (il faut traverser au moins deux Etats avant d’atteindre l’océan mondial), l’une des priorités de la politique étrangère de l’Ouzbékistan est de désenclaver le pays pour diversifier les différents corridors de communication, les corridors énergétiques et les voies de communication pour le commerce et les transports.
La zone franche économique et industrielle de Navoï, située en territoire ouzbek, a été créée pour tirer profit de la position géographique centrale de l’Ouzbékistan sur le continent eurasien. Cette zone industrielle est liée au hub transcontinental et intermodal au sein de l'aéroport de Navoï géré en partenariat avec Korean Air depuis 2009. L’aéroport de Navoï dont le territoire est situé au carrefour des voies ferrées, aériennes, routières, d’Asie centrale reliera l'Asie du Sud-est, l'Asie du Sud, le M8888oyen Orient et l’Europe.
Un corridor ferroviaire est déjà praticable depuis Riga en Lettonie jusqu’en Afghanistan traversant la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan.
Un projet de corridor alternatif relierait l’Ouzbékistan et le Turkménistan vers l’Europe par un couloir transcaspien, où le Golfe Persique vers Oman et le Qatar en traversant l’Iran.
La traversée de l’Afghanistan vers la mer est le projet prospectif le plus prometteur. Le corridor transafghan fait partie du projet de relier l’Asie centrale au Golfe persique d’une part et l’océan indien d’autre part. Le projet ferait de l’Ouzbékistan un pays de transit continental de la Russie vers l’Asie du Sud avec accès aux mers chaudes.
La liaison ferroviaire de 75 km qui connecte la ville de Hairatan à la frontière entre l’Ouzbékistan et l’Afghanistan à la ville de Mazar-i-Sharif dans le nord Afghanistan est le premier projet ferroviaire substantiel en Afghanistan. Il a été construit par la société des chemins de fer ouzbeks. La construction a commencé en janvier 2010 et fut complétée en mai 2010.
Le projet fait partie d’une stratégie en matière de transport du programme de coopération économique de l’Asie centrale. Il a pour objectif de renforcer les volumes de fret et de faire de l’Afghanistan un hub de transit pour le transport de marchandises d’Asie centrale vers le Pakistan, l’Asie du Sud-est et l’Europe.
Il existe des plans pour poursuivre la voie ferrée vers l’Ouest vers Herat et continuer ensuite vers l’Iran à l’Ouest et vers Shirkhan Bnadar vers le Tadjikistan à l’Est. Ces lignes ont pour objectif de créer un corridor ferroviaire à travers le nord de l’Afghanistan et permettre aux marchandises de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan d’atteindre les ports du Golfe persique.
Le réseau actuel de gazoducs et d’oléoducs est principalement hérité de la période soviétique et lie l’Ouzbékistan à la Russie via le Kazakhstan. Le projet de « Caspian gas pipeline » entre la Russie, le Turkménistan et l’Ouzbékistan est destiné à conforter ce corridor énergétique vers le Nord. Le nouveau « gazoduc de l’Asie centrale » Turkménistan-Ouzbékistan-Kazakhstan-Chine diversifie les échanges énergétiques depuis 2009, et donne un accès direct à la Chine aux réserves gazières de la région.
Le potentiel de diversification des exportations énergétiques existe à l’Ouest et au Sud. Un gazoduc transcaspien entre le Turkménistan et l’Azerbaïdjan offrirait à l’Ouzbékistan une ouverture vers l’Europe. Une infrastructure traversant l’Afghanistan ouvrirait les perspectives vers l’Asie du Sud, notamment, l’Inde et le Pakistan.
La question de l’eau est aussi un enjeu crucial pour l’Ouzbékistan en raison de sa rareté et des problèmes d’environnement et de sécurité. Une gestion commune des ressources entre les pays riverains d’Asie centrale est rendue très difficile par les projets d’infrastructures non concertés. Les projets d’infrastructures en amont fleuve Amou-Daria et Syr-Daria au Tadjikistan et Kirghizistan, dans des zones sismiques font peser des menaces de sécurité à l’Ouzbékistan dont le territoire se trouve en aval. L’assèchement de la mer d’Aral se poursuit sur le territoire ouzbek. Cette thématique souligne la nécessité pour les pays d’Asie centrale de progresser vers une plus grande intégration régionale, qui reste un potentiel de coopération encore sous-exploité pour former une alliance entre pays d’Asie centrale sur le modèle de l’Union européenne.
L’Ouzbékistan, en première ligne vis-à-vis du conflit afghan est naturellement préoccupé par les menaces à la sécurité du pays et des répercussions sur ses voisins.
Les propositions du président Islam Karimov en matière de sécurité internationale de créer le groupe de contact « 6+3 », souligne la nécessité pour les acteurs régionaux d’être associés aux discussions sur la question afghane. L’Ouzbékistan a offert à l’OTAN une voie ferroviaire logistique vers l’Afghanistan comme alternative à la voie sud depuis le Pakistan. La base aérienne de Termez à la frontière afghane est utilisée par la Bundeswehr comme élément logistique de la participation allemande à l’opération de l’OTAN en Afghanistan. Le gouvernement a cependant toujours estimé que la solution était politique et non pas militaire en Afghanistan.
Réduire les fractures ethniques, religieuses et politiques est une priorité de l’Ouzbékistan. Une déstabilisation de l’Ouzbékistan induirait un effet domino sur l’Asie centrale et aurait des répercussions sur le continent eurasien. Le scénario de guerre civile qui a caractérisé le Tadjikistan dans les années 90 ne s’est pas transmis à l’Ouzbékistan grâce à son ossature étatique forte. Les tensions entre l’Ouzbékistan et le Kirghizistan ont également été gérées de manière mesurée et constructive par le gouvernement ouzbek après les massacres de minorités ouzbèques en juin 2010.
Une autre priorité du gouvernement ouzbek est l’endiguement des réseaux islamistes. L’islam militant que certains groupes cherchent à importer en Ouzbékistan doit être distingué de l’islam local traditionnel, tolérant et hospitalier, qui fait partie de l’identité du pays. Les menaces de déstabilisations envisagées par le Mouvement Islamique d’Ouzbékistan (MIO) et le Hiz-ut Tahrir ont été contenues grâce à une politique de défense et de promotion du modèle laïque partagé avec de nombreux pays européens.
La crise économique qui perdure depuis 2008 se transforme en crise politique et sociale. Elle a révélé les effets pervers d’une idéologisation de la mondialisation, associée à une croyance irraisonnée dans le néolibéralisme sans régulation. Cette idéologie hors–sol mène au chaos social et politique, favorise le déracinement territorial, la perte de sens, la perte de mémoire historique. Ces dérives sont renforcées par la nouvelle utopie d’une société de l’information mondiale qui ferait fi des frontières, des nations et des Etats valorisant la rapidité de circulation de l’information par rapport à la réflexion et la prudence. Derrière le discours de la mondialisation, se profilent surtout des rivalités de pouvoir entre Etats, modèles socio-économiques, et acteurs privés.
Le choix ouzbek de construire un Etat nation sur la base d’une identité nationale forte, selon le principe de la souveraineté, et doublé d’une capacité à construire des alliances interétatiques et économiques, sera un facteur de résilience et un atout croissant dans le contexte de la mondialisation.
L’Ouzbékistan, grâce à son endettement très faible et l’absence de dépendance vis-à-vis des institutions de crédits internationales, préserve la maîtrise de ses choix économiques. La libéralisation de l’économie se déroule selon une stratégie géoéconomique de diversification des partenariats avec les entreprises publiques et privées introduisant des innovations technologiques.
L’accélération des mutations dans le domaine des technologies de l’information est source de nouvelles opportunités pour la connaissance et le développement économique si elle est accompagnée d’une politique publique adéquate. Ces mutations peuvent aussi porter atteinte à la souveraineté des Etats et la liberté des citoyens transformés en simples consommateurs. L’instrumentalisation des réseaux sociaux sur internet par la criminalité, des groupes terroristes ou des mouvements sécessionnistes est aussi une réalité. Certains acteurs privés de la toile, soutenus par certains Etats, cherchent aussi à contourner les lois nationales sur la diversité culturelle qui s’exercent au travers des politiques audiovisuelles. Ces nouveaux outils de puissance dans la guerre de l’information à l’échelle de la mondialisation dans un contexte de rivalité entre modèles économico-politiques, doivent être régulés par les Etats afin d’y exercer leur souveraineté territoriale nationale, y compris dans l’espace virtuel, et être mieux concertés aux Nations-Unies.
L’Ouzbékistan met en œuvre une politique graduelle de libéralisation des médias et de modernisation technologique très réfléchie pour préserver ses intérêts culturels et nationaux. Ses choix sont guidés par la comparaison des modèles internationaux afin de s’approprier les meilleurs choix technologiques et la législation adaptée à ses spécificités nationales.
L’Ouzbékistan a déposé aux Nations-Unies conjointement avec la Russie, la Chine et le Tadjikistan un « Code de Conduite international pour la Sécurité de l'Information » le 12 septembre 2011 soulignant le risque d’utilisation d’internet pour des actes d'hostilité ou d'agression créant des menaces pour la paix et la sécurité internationale. Cette proposition vise à une gestion commune plus équilibrée du réseau internet. Cette résolution démontre une conscience et une volonté politique très en pointe par rapport à de nombreux pays dans le monde des enjeux de pouvoir liés à la société de l’information.
A l’inverse des gouvernements qui ont choisi la thérapie de choc et les seules forces du marché comme aiguillon de l’adaptation de leur pays à la mondialisation, le gouvernement ouzbek a choisi de maîtriser son processus de développement pour préserver sa souveraineté en adoptant une approche prospective selon ses intérêts nationaux. Le maintien des traditions, l’accent mis sur la culture et la volonté ouzbek de guider son destin contraste avec la politique du « laissez-faire » de nombreux Etats acceptant le nivellement culturel provoqué par une fuite en avant anarchique vis à vis des dernières innovations.
Les pays européens ont à ce propos beaucoup à apprendre de l’expérience de l’Ouzbékistan.
Comprendre les enjeux auxquels fait face l’Ouzbékistan nécessite une grille de lecture privilégiant la position géographique du pays et son héritage historique, en s’éloignant d’un placage du prisme occidentaliste.
L’intérêt des européens pour l’Ouzbékistan n’est pas seulement énergétique, ou sécuritaire comme territoire utile pour faire transiter des troupes et du matériel vers l’Afghanistan. Il existe un intérêt commun plus fondamental entre les européens et l’Ouzbékistan. Il réside dans la redécouverte de la maîtrise du territoire et la mémoire historique longue sans lesquels l’Etat n’a pas de légitimité. Le patrimoine historique caractérise le cœur des civilisations de l’ancien monde et forme le socle d’une forte identité. La préservation de cette richesse culturelle peut devenir un ciment commun face aux nouvelles utopies associées aux nouvelles technologies de communication orientant la société de l’information vers la mondialisation égalisatrice, l’aplanissement des identités et des cultures, pour dériver vers l’idéologie utopique du « village global » a-territorial (utopie signifie sans lieu en grec).
Face aux idéologies de l’interdépendance, l’Ouzbékistan a fait le choix de l’indépendance, dans un environnement international de plus en plus incertain. Il n’y a pas d’avenir pour une nation sans ancrage historico-territorial. L'Ouzbékistan, territoire à l’héritage millénaire, a donné la priorité à la transmission des héritages passés aux générations futures en parallèle d’une modernisation progressive. La tradition ouzbek qui consiste à planter un jardin lorsqu’un enfant nait, illustre cette volonté de perpétuation des héritages passés aux générations futures.
Le modèle ouzbek est aussi un modèle intéressant pour les européens traversant une crise de sens à propos de la construction européenne par affaiblissement de la notion de souveraineté et de volontarisme politique. L’unique légitimité d’un Etat en fonction de son degré de démocratie selon des critères occidentaux ou européo-centrée est obsolète. La légitimité historique et culturelle, l’ancrage territorial, la notion d’indépendance et de résilience face aux incertitudes de la mondialisation devraient être remise en valeur et faire l’objet de stratégies communes.
La stratégie ouzbek a besoin de soutiens internationaux devant la rapidité et la force de mutations géopolitiques déstabilisatrices qui s’annoncent. Les bouleversements au sud de la Méditerranée ne doivent pas faire oublier aux européens que le flanc oriental de l’Union européenne est vital pour leur sécurité et leur prospérité dans cette zone vaste incluant la Russie et son hinterland sibérien, le Caucase, l’Asie centrale dont l’Ouzbékistan en constitue le double pivot.
La nécessité de la construction d’alliances dans la mondialisation exige une meilleure compréhension du modèle ouzbek par les européens.
Par Jean Blankoff
Professeur Émérite à l'Université Libre de Bruxelles
L'Ouzbékistan consacre a l’enseignement,la culture et la science une attention et des moyens supérieurs a ceux de la plupart de »s pays d’Asie,en tout cas d’Asie centrale. C’est une vieille tradition dans ce pays…
L'Ouzbékistan est peuple de puis l’age de la pierre ; en témoignent les vestiges de plusieurs habitats,notamment prés de Samarkand. Cette contrée connaît un développement continu,grâce a son irrigation naturelle, puis provoquée,dans laquelle les deux fleuves Amu-Daria et Syr-Daria jouent un rôle considérable,créant des oasis et vallées fertiles entre les déserts. Très tôt se développe une civilisation Sédentaire—plus avancée que celles des voisins nomades. Des royaumes assez puissants sont connus dans l’Antiquité : Sogdiane, Bactriane, Khorezme. Les invasions de nomades turcs du nord freinent le processus,mais ne l'arrêtent pas, de mémé que les guerres Intestines. Des empires puissants se créent sur ces territoires en relations permanentes avec l’empire perse voisin. Herat devient un Grand centre international de culture et d'échanges : mathématiques, géométrie, astronomie, médecine, mais aussi littérature connaissent un grand essor. L’empire fragile de Gengis-khan et,plus tard, celui du redoutable conquérant et excellent administrateur Tamerlan attirent l’attention inquiété du roi de France et du pape de Rome et de leurs ambassadeurs…
Ouloug-bek est souverain et remarquable astronome. Le grand poète et philologue Alisher Navoi écrit aussi bien en ouzbek qu’en Persan et domine culturellement son époque. L'unité du pays est réalisée de nouveau et le terme d’Ouzbek se répand jusqu’en Occident. Les 17e et 18e s. sont une période de relative stagnation,mais non d'arrêt. Au 19e s ; la conquête par l’empire russe,vers 1870-1880 met l'Ouzbékistan en contact suivi avec la culture russe, sans que le pays perde ses traditions nationales. La période soviétique verra la modernisation du pays, son accession a la technologie et la libération de la femme : l'université de Tachkent est créée et reste un centre excellent.
L'Ouzbékistan actuel investit dans l’enseignement et la culture et montre ainsi,avec sagesse,qu’il voit loin et assure son avenir….
Par Aiman Zhekeyeva
Conseillère de l'Ambassade de Kazakhstan
When Kazakhstan became independent in the turbulent days of December 1991, few people thought the country would achieve as much as it did in its first 20 years. In fact, a lot of experts were predicting then that Kazakhstan, under the heavy burden of the enormous economic, environmental, social, and political problems it had inherited from the Soviet Union, would disintegrate and fail as a sovereign state.
Instead of disintegrating, Kazakhstan’s economy became one of the fastest growing in the world, and the country has built a robust political system of presidential and parliamentary democracy with its media and NGOs enjoying a growing voice and role in shaping the society.
Kazakhstan, a nation considered by many as one of the most successful in the post-Soviet area, will celebrate its 20th anniversary as an independent state on December 16.
As an independent state, Kazakhstan inherited both positive and negative legacies from the former Soviet Union. On the upside, Kazakhstan was a relatively industrialized economy with developed infrastructure, high levels of literacy, skilled and educated labour force.
The downside factors were, however, much more serious. They included a lack of traditions in democratic governance, no experience in living under a market economy, significant risks of domestic confrontations along ethnic, religious or ideological lines, terrible environmental problems brought about by the Soviet military programmes and careless management of natural resources.
Subsequent history proved, however, that Kazakhstan is a nation not shy to meet tough challenges head on. In a few years, the country of 16 million managed to implement a number of significant reforms and introduce large-scale institutional changes into the economy and public life.
Under President Nursultan Nazarbayev, the first democratically elected leader in Kazakh history, the country has made major strides towards developing a strong market economy, laying the foundations of democratic institutions and encouraging a vibrant civil society.
Today, a multi-party system and more than 5,000 non-governmental organizations function in the country, reflecting political plurality and commitment to social stability. People from more than 130 ethnic groups and 40 different religious denominations live peacefully with each other in Kazakhstan, and none are discriminated against or abused.
Located at the confluence of Asia and Europe, having maintained peace and accord in a multi-ethnic and multi-religious country, Kazakhstan is eager to promote mutual understanding and respect between the East and the West.
Kazakhstan has opened itself for integration into the global economy and has attracted more than 150 billion dollars in foreign direct investment since independence, becoming the largest investment magnet in Central Asia. According to the World Bank, Kazakhstan is now among the world’s top twenty nations that are most attractive for foreign investments, and the presence of global companies such as Chevron, GE, British Gas, Samsung, Chinese National Petroleum Company and others is a vivid proof of that.
Prudent management of oil revenues, including the creation of the National Fund with reserves now standing at 38.5 billion dollars, and early economic reforms have allowed Kazakhstan to weather well the current economic woes stemming from the world financial crisis. These days, Kazakhstan’s economy, taken at purchasing power parity, is larger than the economies of other four countries in Central Asia combined.
Meanwhile, reforms of the government structure and the civil sector have allowed the creation of a socially responsible state which provides efficient management of public funds and proper delivery of social services to the people. Today, many international experts consider economic reforms and political modernization implemented in Kazakhstan a model for other post-Soviet states.
In foreign policy, Kazakhstan is a respected and responsible partner for the international community. Kazakhstan’s successful chairmanship of the Organization for Security and Cooperation in Europe (OSCE) in 2010 has helped strengthen the organization in its key role of ensuring security in areas stretching from Vancouver to Vladivostok. Kazakhstan led the organization in convening the first OSCE Summit in 11 years, which concluded in December 2010 with the adoption of the Astana Commemorative Declaration reconfirming the Organization’s comprehensive approach to security based on trust and transparency.
Being a secular state with a predominantly Muslim population and serving as a bridge between the West and the East, Kazakhstan also plays an important role in the Muslim world. In June 2011, Astana assumed the one-year rotating chairmanship in the Council of Foreign Ministers of the newly renamed Organization of Islamic Cooperation (OIC). This event was historic both for Kazakhstan and for the group itself. It concluded with the adoption of the OIC Astana Declaration on June 30. Kazakhstan has provided a unique dialogue platform for the 57 OIC member states, having moderated intensive negotiations on the most urgent and complex issues. All member states expressed their readiness to further examine the organization’s capacity in the area of international security, peace and conflict resolution. Great importance has been attached to the coordination of actions in preparation for the 2012 international conference on the establishment of a zone free of nuclear weapons in the Middle East. And this summer, Kazakhstan has worked with its partners in the OIC to arrange for assistance to the hunger-stricken Somalia, managing to collect pledges of assistance to that country of up to 350 million dollars.
Kazakhstan participates in a vast majority of other global and regional international organizations. Astana itself proposed a number of initiatives designed to promote peaceful and mutually beneficial cooperation between nations, such as the Conference on Interaction and Confidence Building Measures in Asia (CICA), which now brings together 22 countries with a population of more than three billion people. At President Nazarbayev’s initiative, Astana has already hosted three sessions of the triennial Congress of Leaders of World and Traditional Religions bringing together leaders of all major confessions in the world in a call for tolerance and dialogue.
Perhaps, Kazakhstan’s best known contribution to international security has been its voluntary renunciation of the world’s fourth largest nuclear arsenal inherited from the former Soviet Union. The country, whose people had experienced the full horror of nuclear tests, shut down the world’s second largest nuclear test site on August 29, 1991. Recognizing the global importance of that decision taken by President Nazarbayev, the United Nations General Assembly in December 2009 declared August 29 an International Day against Nuclear Tests.
The move of the capital from Almaty to Astana in December 1997 has been a critical moment in the life of a new nation. As the capital moved into a town which was then called Aqmola and was a declining provincial town of 280,000, the country still faced persisting economic hardships. Now, fourteen years on, the new capital is a dynamic centre of a rapidly growing Kazakhstan and a beautiful vibrant city of 750,000 people. As one of the few metropolis built chiefly in the 21st century, Astana is also among the world’s youngest capitals. It has now become a symbol of the nation’s accomplishments and the Kazakhs’ belief in their ability to do much more than they dared to dream.
Kazakhstan is approaching its 20th anniversary of independence as a nation that is rightly proud of its achievements. In a short period, Kazakhstan has managed to turn into a modern nation with notable achievements, growing potential and strengthening friendly and mutually beneficial relations with its key partners. The anniversary is a good reason for the whole nation to look back, pay tribute to the past and advance steadily forward.
1 en ses fondements premières et ultimes
2 La République d’Ouzbékistan a déclaré son indépendance le 1er septembre 1991.