Demain, le rendez-vous politique de l'Europe avec l'Histoire sera-t-il encore démocratique ? Sera-t-il encore égalitariste, intégrationniste et libéral-réformiste ? Ou bien, le pouvoir que l'exigence de l'Europe appelle avec force sera à nouveau nationaliste, radical-populiste, cruellement réaliste et singulièrement souverainiste ? Le visage de ce pouvoir sera-t-il façonné par une nouvelle synthèse post-démocratique ou par un État d'exception et lequel ? Enfin, l'univers culturel et social portera-t-il la marque des deux modes d'acceptation de l'autorité, l'obéissance et la soumission au sein d'ensembles homogènes, ou bien l'hétérogénéité des populations fera-t-elle peser une lourde hypothèque sur la fragilité de l'ordre public, sous espèce de révoltes, d'inadaptations, d'insurrections, de luttes armées, et de conflits métapolitiques ? La manière de se déterminer vis-à-vis de l'avenir, ou pour le dire avec Ortega y Gasset, par rapport au passé, sera-t-elle la même? Et l'avenir de l'Europe et de ses États membres, vu avec les yeux de mémoires disparates, de traditions et des mythes antithétiques permettra-t-il la conciliation de philosophies et de croyances irréductibles ?
En ce qui concerne la cohésion nationale et la construction européenne, les rendez-vous avec l'Histoire ont été repoussés par le réflexe freudien du « transfert » et en conséquence oubliés dans les élections nationales. L'idée que l'Europe s’est commuée en une société pacifiée et en un monde harmonieux où il n’y aura plus de rendez-vous avec l'Histoire, ni d’hostilité et de sujets belliqueux a été radiée de la scène intellectuelle par les événements des vingt dernières années. Le vieux réflexe du politique comme lutte et conflit a été égaré. En effet, lorsque l’on redécouvre l’ennemi, on le fait aujourd'hui de manière primitive et ancestrale, dans la dimension pré-moderne et dans les zones grises de la planète, autrement dit, dans un sens pré-politique. Or la solution d’un conflit politique s’inscrit désormais dans le cadre d’une « guerre civile mondiale – la WeltbürgerKrieg », qui traverse également le sous-sol culturel des pays à immigration récente, aux actants multiples et aux métamorphoses incessantes. Ainsi la dépolitisation européenne est d’autant plus frappante que les nouveaux sujets de la politique s’expriment sur la scène des opinions avec les vieux concepts de la lutte à mort et des concepts radicaux d’ami et d’ennemi et l’Occident y fait figure d’adversaire, sans détours et sans nuances. Si la fin du marxisme a mis en crise les théories du progrès, la fin de la bipolarité a mis un terme à l’hégémonie de la rationalité occidentale et de sa politique conquérante.
Le XVIIIème siècle éclairé avait adopté une conception orientée du progrès, qui allait du fanatisme à la liberté, du dogme à la critique, de la superstition à l’illumination des esprits. Avec l’émergence d’un monde « désoccidentalisé » et hostile, ce cheminement s’est inversé. On passe de l’illumination à la superstition, de la critique au dogme et de la liberté au fanatisme. Cette inversion a une cible incontournable : l’Occident, objet a priori d’une haine absolue. Le conflit larvé entre d’une part ce qui est Occident et d’autre part ce qui ne l’est pas, est volontairement ignoré par les Européens car cela les dispense de s’armer spirituellement et de s’investir dans la création d’un outil de cohésion et d’action et d'une politique étrangère et de défense commune, qui est la condition préalable pour l’émergence d’une volonté forte et d’une stratégie unitaire.
La pensée officielle veut ignorer la notion même d’opposition car les vieilles oppositions ont eu pour enjeux des conflits. Ceci est dû au fait que nous vivons paisiblement une époque servile et docile, celle de l’âme désenchantée, prophétiquement annoncée par Ortega y Gasset. La notion d’opposition, que la dialectique hégélienne a commuée en contradiction, a été trahie par la conversion marxiste et néolibérale de la politique dans l’économie et dans l'économisme. La prise de conscience du conflit, qui s’effectue au niveau des idées, des grandes conceptions du monde et des cultures, n’élimine pas, mais se superpose à la Machtpolitik, aux logiques stratégiques et géopolitiques des acteurs majeurs de la scène mondiale. A l’inverse des classes dirigeantes européennes, la contestation des opinions au sujet d’une polarisation des débats entre l’éthique et l’économique n’a réussi ni à extirper la politique et l’État, ni à dépolitiser le monde, ni encore à étouffer la recherche du sentiment universel de liberté.
Nous retrouvons aujourd’hui dans la lutte contre la politique, non seulement les ennemis extérieurs qui combattent au nom de leurs « vérités » métaphysiques mais ceux qui s’unissent à l’intérieur, intellectuels, économistes, technocrates, minorités non intégrées, ailes cosmopolitiques des élites de progrès, pour demander que soit mis un terme à la passionnalité de l'affrontement et à l’interdépendance de la vie économique, par l’objectivisme des tâches administratives, institutionnelles, managériales et financières, ou par des techniques de régulation internationales, la gouvernance multilatéraliste et l'approche démocratique de la politique.
Les épigones post-modernes de la neutralisation du politique, montrent leur absence de foi dans l’Histoire, car dans leur passivité et indifférence face aux menaces, ils ont perdu de vue l’essence métaphysique de toute politique, une métaphysique qui ne connaît pas de synthèse, ni de troisième voie. En effet, la lutte et la guerre comme possibilités réelles sont aujourd’hui émiettées et pulvérisées sous forme de « guerre civile mondiale ». Cette pulvérisation concerne tout autant la grammaire (les moyens, les techniques et les doctrines de combat) que la logique propre de la guerre (l’entendement et les visées recherchées, le type de paix dans l'échiquier mondial, les choix et les regroupements entre amis et ennemis).
L'homogénéité ou l'hétérogénéité de culture sont à la base de la distinction entre les acteurs et influencent profondément les alignements politiques et militaires. L'univers culturel se confond avec l'univers historique s'identifiant à ce dernier. Il départage les unités politiques qui ont la même conception de l'État, de la légitimité et du pouvoir. Dans ce cadre, l'élément de différenciation le plus important est celui de la légitimité, car les deux invariantes, de l'État et du pouvoir, comportent partout des fortes ressemblances structurelles. En effet, tout État ne peut exercer son autorité sans une bureaucratie et tout pouvoir ne peut éliminer la hiérarchie, sociologique et naturelle, entre dirigeants et dirigés. Le principe de légitimité, comme principe d'adhésion volontaire à l'autorité, est ce qui différencie une forme de pouvoir ou une forme de régime des autres.
La conduite extérieure des États est influencée par des sentiments et des représentations où l'affinité devient un facteur influent les décisions des acteurs. Les alliances sont la résultante d'une distinction entre l'adversaire et l'ennemi. Si l'ennemi est un rival étatique, un hostis, l'adversaire est celui qui professe des idées et des principes différents et opposés. L'ennemi étatique ne se confond pas avec l'adversaire politique, porteur d'une autre conception de l'homme, de la société et de l'histoire et partisan d'un autre principe de légitimité.
Ainsi, dans le cadre d’une conception moralisante, démocratique et légalitaire de la vie publique interne et internationale, le caractère radical de la distinction de l’ami et de l’ennemi est éclipsé par la confusion anti-machiavélienne du politique et des valeurs et par la soumission de ces dernières aux normes instituées, celles de l’économique et du droit. Suivant cette confusion, le concept politique de mouvement et de lutte devient, par l’influence de la pensée libérale, au plan économique, « concurrence » et, au plan spirituel, « discussion ». Par une fiction abstraite, l'étranger devient citoyen. Il ne devient pas « civis romanus » soumis au préteur de Rome, mais soldat d'une « revanche de Dieu » qui peut élire et renverser les Césars.
Ainsi, les différends dans les relations internationales se soldent par des approches d’indécision, des options mixtes de légalité (manifestation du nomos, de la voluntas, de l’« éthos » étatiques, comme coercition et force contraignante) et légitimité (fidélité formelle à une autorité ou à un consensus occasionnel dépourvus de sanction, démocratique ou juridique) ou encore de négociation et de refus d’engagement.
A l'inverse de ces courants, fonctionnalistes et néokantiens, les théoriciens de la conception « pessimiste » du monde – les réalistes radicaux, les réalistes classiques, les conservateurs utopistes et messianiques, et par le passé Hobbes et Machiavel – fondent la distinction entre amis et ennemis sur la conviction, ancrée dans les parties antagonistes, d’être dans le « vrai », dans le « juste » et dans le « bon », ce qui provoque le conflit de tous contre tous.
Les hommes paisibles en général et les Européens en particulier, épris d'esprit démocratique, cultivent l’illusion d’une paix sans menaces et ne tolèrent guère les « pessimistes ». Machiavel, Hegel et Fichte écrivaient dans une situation de « défensive idéologique » et il fallait, dès lors, se prémunir de l’ennemi qui règne à l’intérieur, par la démission spirituelle et les concepts démilitarisés, perçus par l’Islam comme logés dans la demeure de la trêve provisoire, « Dar al Koufi » (l’Europe) et, à l’extérieur, par une pensée inspirée à la violence et à la vision antagonique du monde. Hors, pour terminer, de toute notion de juste ou d’injuste, car il n’y a pas de normes universellement partagées à partir desquelles pourrait se dégager un concept commun de justice.
Cette vision repose dans la conjoncture actuelle sur la distinction du « Peuple du Livre » en « Dar al Harbi » (la demeure de la guerre, l’Occident) et en « Dar al Islam » (la demeure de la paix et de la vraie religion). En conséquence, l’Occident comme constellation démocratisée et pacifiée d’États de droits, lorsqu’il est attaqué, doit porter la lutte hors du système du « jus publicum », car la lutte est toujours décidée hors du champ de la Constitution et du droit, hors des institutions intergouvernementales et supranationales, hors de l’interdépendance économique, de la diplomatie et de la gouvernance, et d'abord dans le domaine de l'esprit et de la métaphysique.
Le politique a ses critères propres et indépendants au sein de la pensée et de l’action humaine. En effet la distinction spécifique à laquelle il est possible de rapporter les actions et les mobiles politiques est la dialectique de l’ami (Freund) et de l’ennemi (Feind). Cette distinction n’est pas déductible d’autres critères et n’est guère fondée sur d’autres antithèses. La signification de cette distinction originelle et non dérivée, consiste à indiquer le degré d’intensité extrême d’une union ou d’une dissociation (C. Schmitt).
Ainsi, la force du « désenchantement » des « catégories du politique » apparaît avec la plus grande pertinence mais aussi dans ses limites car, d’une part, l’État a perdu le monopole du politique, suite à la naissance de pôles de pouvoir et de nouveaux sujets de la conflictualité à l’échelle nationale et internationale (terrorisme, êtres politiques quelconques, mouvements idéologiques ou identitaires, etc.), ce qui assigne à la politique mondiale une fonction de « gouvernabilité » et non d’intégration et, d’autre part, car la naissance de théories sur le « pouvoir diffus » relativise la fonction existentielle du « politique pur » en dépolitisant ses « options ».
Cependant, puisque la vie spirituelle de toute époque est polycentrique et la philosophie de l’Histoire représente l’orientation imprimée à un sujet politique par ses élites- guides, le processus de sécularisation de l’Europe, que nous vivons depuis un siècle, affaiblit celle-ci par rapport à l’offensive théologique, téléologique et métaphysique d’autres peuples, en lutte pour la vie, la survie ou l’hégémonie, offensive conduite aujourd’hui au nom de la « revanche de Dieu », en France, en Europe et dans le Monde et visant à fermer définitivement, par l'intolérance et le dogme, la grande page des Lumières historiques.
La tension agonale de la vue internationale est ainsi étouffée dans le cadre d’une situation régulière et homogène, susceptible de permettre l’application de la règle démocratique et celle de la norme constitutionnelle. Or, l’influence de la démocratie et celle de l’ordonnancement juridique, voire même de la constitution ne reposent guère sur la « normalité » ou sur les équilibres régulés et gouvernables mais sur l’exception, sur les situations extrêmes, fondatrices et originelles. Dans le premier cas, l’essence de la norme s’appuie sur une logique rationaliste et formelle, dans le deuxième, sur l’expérience de la vie historique, existentielle et radicale. Philosophiquement, la norme ne prouve rien et l’exception y est tout, car la règle vit de l’exception et celle-ci seulement intègre l’anarchie des sens et des forces de la vie du monde.
En niant les situations d’exception (Machtpolitik), et en même temps, l’exigence historique d’un pouvoir de décision, originel et non dérivé, les démocraties « désarmées », tournées vers les compromis intérieurs, ont exalté la métaphysique du « démocratisme pur » ou du « Dieu impuissant ». Les théories de la décision et l’exigence de choix d’action de l’Europe dans le monde se sont posées et se posent aux antipodes des stratégies fonctionnelles et des fictions juridiques, bien au-delà des scepticismes publics ou des pondérations de pouvoir. Une politique « neutralisée » est une politique dans laquelle la souveraineté, partagée et sans leader, est incapable d’établir une ligne de démarcation entre l’ami et l’ennemi dans un monde de menaces combinées, une politique inapte à redessiner dans une conjoncture déterminée le profil de l’antithèse politique radicale, au-delà de l’apparente normalité des équilibres constitutionnels. Le débat électoral français n'a valorisé que la norme et la prévisibilité au détriment de l'exception et de l'imprévisibilité.
Le noyau autour duquel se constitue la « volonté » étatique, comme « volonté générale », est le système de la représentation, l’ordonnancement juridique qui se distingue de la constitution. La constitution est une adaptation permanente de la lutte pour la vie, celle de l’unité politique qui, à l’échelle mondiale, intègre les affrontements incessants des intérêts, des opinions et des forces, déchaînés dans les oppositions et les conflits. L’épaisseur d’une constitution et sa « qualité historique » s’établissent dans la tension entre la politique comme conflit radical, issu de situations d’exception, et le système normativisé de la vie étatique intérieure, par lequel les cas extrêmes chargent la constitution d’énergie et de force existentielles, et à travers laquelle la « volonté » étatique se commue, dans la cité politique, en loyauté et obéissance des citoyens et sur la scène mondiale en stratégie visionnaire et volonté d’affirmation historiques.
Le nouveau conflit qui traverse subrepticement l'Occident est de nature téléologique et philosophique et remet en discussion, au-delà de la laïcité ou de la démocratie, au-delà de l'autorité formelle ou de la fiction démocratique, l'incompatibilité agostiniennes des deux règnes, temporel et spirituel. En effet, les nouveaux types de conflits omniprésents et diffus en Europe et dans le Monde sont de nature métapolitique.
Est conflit métapolitique celui qui transcende à la fois la sphère du pouvoir et celle du présent et qui s’étend bien au-delà des limites d’une frontière. Ce type de conflit appartient à la catégorie des défis non conventionnels. Opposant des morales différentes et des formes de spiritualités exacerbées, le « sens » de ces conflits et celui de la violence qui s’y inspire, est de nature téléologique, car il nourrit l’histoire des communautés aux prises. Il s’agit du « sens » assigné par les forces en lutte au prix du sang et à la valeur salvatrice d’un message et du « destin », transmis dans la mémoire des peuples, sous forme d’interprétations ritualisées ou vécues.
En termes de compréhension et d’approfondissements ultérieurs, si la distinction des conflits métapolitiques par rapport aux conflits conventionnels, réside en large partie ou essentiellement dans les fins et dans les objectifs poursuivis, leurs buts transcendent la notion et la sphère proprement occidentales de l’autorité, du pouvoir et de la légitimité et embrassent des systèmes de croyances et des systèmes de forces, issus de configurations civilisationnelles éloignées voire hétérogènes, mais présentes en Occident, préparant son déclin et activant sa chute .
Ceci est particulièrement visible en France qui demeure le pays le plus ouvert vers « l'étranger », dont le rôle politique prépondérant s'exerce par le biais du suffrage et dans l'élection du Président.
La cartographie des allégeances communautaires et des régimes politiques en est influencée. Les méthodes et les doctrines d’action sont reconfigurées à partir de ces allégeances qui s’enracinent dans des « principes de légitimité » divers et opposés. L’ère des idéologies du passé a représenté la liaison inextricable entre mouvements intellectuels, partis de contestation, régimes politiques et formes d’État. Les nouveaux paradigmes annoncent une résurgence des croyances
et apparaissent aujourd’hui comme métapolitiques et radicaux, car ils transcendent la sphère de l’autorité et tirent leurs sources des buts premiers et ultimes de l’action humaine.
Les conflits ainsi suscités seront puissants et durables, car ils demeurent profondément enracinés dans les traditions et se ressourcent aux passions ancestrales, à la fois globales et locales. A l'intérieur de cette dimension s'affirme, par le biais du communautarisme, une résistance à leur résorption, intégration et assimilation qui se signale par :
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le déplacement des enjeux du conflit du terrain du combat à celui du « sens »
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l’émergence du facteur culturel et identitaire et l’apparition de clivages à base ethnique et civilisationnelle
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la liaison avec les nouveaux défis géopolitiques, car l’émergence du facteur religieux engendre des conflits inédits, prenant racine dans l’hétérogénéité structurelle du monde. Il en découle différentes politiques de l’identité et une insidieuse géopolitique de la menace.
C'est à propos de ces menaces que se définissent à l'heure actuelle, les enjeux nationaux de la sécurité, liés à une capacité d'assimilation renouvelée des pays d'accueil. Ces enjeux résultent de plus en plus d'une géopolitique et d'une cartographie régionales des défis mondiaux.
La « géopolitique des menaces » ne peut ignorer les atavismes culturels et les valeurs symboliques des pratique sociales qui conduisent à la confusion d’héritages, de cultures, de religions, de mœurs anciens et lointains, d’idéalités et de frustrations actuelles conjugués à des passions ancestrales. La réponse à ces menaces est politique et dépend de l’homogénéité ou de l’hétérogénéité des différents sous-systèmes régionaux, mais aussi de la cohésion stratégique de chaque unité politique.
Dans les conflits métapolitiques de l'espace européen entrechoquent, comme nous l’avons dit, trois dimensions de l’historicité : le prémoderne, le moderne et le postmoderne, autrement dit le religieux, le laïc et le post-idéologique. Et ces conflits sont soumis à trois conceptions diverses de la liberté, à trois types de rationalités stratégiques.
Ce sont des menaces qui englobent en les aggravant, les vides intellectuels du multiculturalisme et les impuissances politiques, des mots d'ordre et des coalitions de combats offensifs « blancs-blacks-beurs ». Elles proviennent d'ennemis idéocratiques et systémiques. Idéocratiques, car ces ennemis calquent la figure de l'actant interne, qui tend à instaurer une vision du monde ou un régime éthico-politique incompatible avec le système des droits, des valeurs et des croyances existantes au sein de sociétés européennes désormais multiculturelles. Systémiques, car il s'agit du perturbateur extérieur, stratégique et civilisationnel, logé dans la maison de la trêve provisoire (« Dar al koufi »), porteur d'une remise en cause de la « Balance of Power » et de la sécurité globale. Elle résulte d'un cocktail de culture de rejet de l’Occident mélangeant des épisodes d'affranchissement imaginaire du colonialiste, des revendications du kalifat d'antan, d’une volonté d’inversion des hiérarchies de puissance d'aujourd'hui. Cet ennemi vise à instaurer, directement ou indirectement, par la force, l'intimidation ou la menace et par une offensive identitaire, religieuse, culturelle ou ethnique, des régimes politiques et des visions de l’avenir négateurs, dans leurs fondements, des convictions populaires profondes, héritées par la tradition judéo-chrétienne, puis laïque de l’Europe. Il s'attaque aux conceptions du monde partagées par les opinions et par les modes de pensée dominants, en ce qui concerne la paix civile et la coexistence sociale, valeurs qui constituent les legs de l’Occident et les horizons souhaitables de l’évolution humaine pour les siècles à venir.
C'est dans ce vide de solutions socio-politiques majeures et dans une dramatique spirale de tensions, internes et internationales, c'est dans une impossible recherche des compromis et donc dans un épais brouillard d'incertitudes, que se fera la rencontre de la France et de l'Europe avec l'Histoire. Ce sera la rencontre soudaine avec le danger, avec un « soi-même » sociétal, divisé en factions et fracturé par l'irruption de l'ennemi de l'intérieur qui profitera des connivences et des complicités des groupes et des classes en déshérence, déracinés, sécularisées et sans salut métaphysique et politique, se fera par des coalitions tribales et révoltées entre pensée mondialisée et colère pré-moderne, dans le but historique de faire couler la « démocratie désarmée » et détruire de l'intérieur la société civile post-moderne. Une société inhabitée par l'esprit de combat d'antan, et devenue, avant son agonie politique, une « âme sociale morte », « servile et docile ».