L’État d'exception, comme concept juridique inhérent à la doctrine générale de l'État est lié à la définition de la souveraineté et à l'exercice personnel du pouvoir en situation d'émergence. Or les décisions d'État d'exception ne peuvent être dérivées du contenu d'une norme ni du formalisme de l'ordonnancement constitutionnel en tant que tel. Elles découlent uniquement d'une situation politique concrète, imposée par l'exigence de « salut public », autrement dit par une urgence intérieure ou extérieure de danger pour l'existence de l'État ou pour la survie de la Nation. Par ailleurs elles relèvent d'une compétence strictement individuelle et non consensuelle, d'ordre public et non privé, à caractère général et guère particulier, résultant de convictions philosophiques, historiques, ou métaphysique du décideur.
La situation d'exception pose le problème de la relation du souverain à la loi et de son indépendance par rapport aux promesses faites antérieurement à des classes ou catégories de citoyens qui ne peuvent plus être tenues en situation d'urgence et de nécessité. En effet, elles risquent d'anéantir le concept de souveraineté comme « pouvoir de décision hors norme » et « hors limite ». En ce sens le souverain ne peut obtenir ni négocier préalablement une autorisation à la décision, ni avec le peuple, ni avec les autres organes de l'État, Parlement ou Sénat, ni avec les diverses bureaucraties, civiles et militaires, in fine avec les organisations confessionnelles, politiques ou syndicales. Encore moins avec des institutions et des organes, fussent-ils des alliés de l'OTAN ou des États membres de l'Union Européenne.
La décision du souverain suspend le droit ordinaire en situation d'exception, sur la base du principe d'auto conservation de l'État, car la situation d'exception vise le rétablissement de l'ordre et le retour à la normalité du fonctionnement de l'ordonnancement juridique. Elle est de la compétence du souverain qui la garantit comme un tout et en sa totalité, puisqu'il y exerce le monopole de la décision ultime.
Si l'autorité du souverain n'a pas besoin du droit pour créer du droit, confrontés à une situation d'exception somme-nous encore dans l'État de droit? La question n'est pas sans impact politique car l'instauration de l'État d'exception produit la bifurcation de deux tendances opposées :
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La tendance rationaliste et positiviste, dont le souci est de réguler dans le détail les modes par lesquels l'ordonnancement juridique se suspend de lui même, même s'il parvient au paradoxe par lequel la normalité devient l'objet d'un intérêt juridique préalable et catégoriel, car le rationalisme et le positivisme travaillent à partir de données positives et guère d'« exceptions ».
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La tendance réaliste qui conçoit l'exception comme plus importante que « la normalité », car la règle vit de l'exception et l'exception explique la généralité de la vie historique comme irréductibilité quasi permanente à la prévisibilité d'une norme.
Ainsi la menace interne et extérieure, imprévisibles et fatales, doivent être résolues sur un terrain exclusivement politique. Et cela du point de vue non pas d'une « tolérance » propre à « l'État de droit » mais d'une mesure qui tient uniquement au principe d'auto-défense et de droit naturel
C'est pourquoi à l'encontre des formalistes, le fondement de l'efficacité d'une norme ne peut-être une autre norme, supérieure à la première et à l'ordonnancement juridique de « l'État de droit » dans son ensemble, mais le monocratisme radical du pouvoir souverain, la synthèse personnalisée d'un rapport de force politique.
Or ils existent deux ordres distincts :
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l'ordre naturel, comme ordre originel et non dérivé,
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et l'ordre juridique, par lequel l'efficacité d'une norme découle d'une autre norme et, du bas vers le haut, selon une logique de renvoi purement formelle, de telle sorte qu'aucun problème de sécurité ne peut être résolu à l'intérieur d'un « État de droit », puisque cet ordonnancement ne peut trancher que des cas, des situations et des problèmes qui lui sont dévolus, sans statuer sur l'imprévu et le risque existentiel.
Ainsi l'approche selon laquelle la réalité juridique ne peut être comprise que par une logique inclusive, dans le cadre de la réalité politique et historique, ou encore par une correspondance étroite entre État et société, ce raisonnement signifie que l'appartenance sociale, culturelle et morale à un peuple-nation est constitutive d'un certain type d'État de droit et que ce dernier ne peut créer de lui-même l'appartenance, la cohésion et la solidarité du peuple, par une simple « fiction » juridique ou par une loi électorale.
A titre de paradoxe et en cas d'immigration massive, « l'État de droit » français ne pourrait créer une « France en grand » mais seulement une « autre » France, artificielle, cosmopolite et multiculturelle, sans relation spirituelle avec sa matrice historique. Il pourrait parvenir à créer, toujours artificiellement, par cécité, par aveuglement ou par négation, une France chinoise, russe, indienne ou arabe, déliée de toute relation d'appartenance sociologique, anthropologique ou culturelle. L’État de droit s'opposerait ainsi à une société constituée sur la base d'une matrice d'origine, et il ferait ainsi disparaître le « bien à protéger », la France historique.
Dans ce fil logique, le droit peut construire du droit et l'État de droit une copie, plus pâle, de l'État de droit, mais pas une société, un mode de vie, une conception du monde, bref une identité ou une Nation.
« L’État d'exception » a donc pour finalité essentielle, à l'intérieur, de parer à toute menace existentielle venant de ceux qui, par l'usage perverti d'une « démocratie désarmée » ou encore par esprit partisan, prétendent accoucher des sociétés fictives et donc des sociétés ingouvernables. Ces dernières, issues de vagues de peuplement successives opposeraient alors des communautés coalisées, déracinées, dépourvues d'une histoire commune contre la nation historique venant du fond des âges.
A l'extérieur et dans les relations internationales, la survie et la sécurité relèvent de la logique existentielle propre à l’état de nature et guère d'une « communauté policée ». Or l'identification de la menace extérieure relève d’un état latent d’hostilité (condition vérifiable) et de la « nature » politique de l’adversaire (psychologie du décideur, régime politique, enjeux géostratégiques, etc.) et exige un « État d'exception » particulier et donc une « démocratie armée ».
L'activation extérieure de la menace n'est pas sans liaison avec la « cohésion interne », vu le caractère composite ou « multiculturel » des « sociétés occidentales » modernes. Les choix des fins et la détermination des moyens, dans toute politique active à l’échelle internationale ne peuvent être dissociés de la considération que la guerre n’est pas un acte isolé et que celle-ci est marquée par l’expression culturelle et sociétale de l’acteur qui la mène et donc par sens de la mission que cet acteur poursuit à l’échelle historique, par la vision du monde qu’il prétend construire et par l'homogénéité politique et morale du peuple.
Il a été question dans les élections françaises d'un débat entre norme et « exception », présidence normale et présidence décisionniste et ce débat, traduit en termes théoriques scande la différence non seulement entre deux systèmes politiques, mais entre deux temporalités du pouvoir et deux contenus éthiques qui ont trait à l'orientation intérieure de la nation.
En termes sociologiques et historiques, l'État d'exception est l'exercice du pouvoir de décision à l'état pur, autrement dit l'exercice du politique et de la politique comme fusion rationnelle de la légalité, de la légitimité et la force. L'exception n'est pas dictée par l'immanence de la figure de l'ennemi mais par celle de la menace, du changement soudain et d'une montée des risques, vis-à-vis desquelles le décideurs est le seul à pouvoir trancher. Le concept de menace est plus large de celui d'ennemi car il configure des éléments subjectifs, conjoints et collatéraux (certitudes, catégories de pensée, cultures des alliés, tiers intéressés, coalitions adverses, indécisions diverses, dissensions moralistes, humanistes et religieuses etc) et des éléments objectifs (situations de crise élargies, dangers imminents d'ordre génocidaires ou identitaires, etc), et c'est sur la menace que le décideur est souverain, juge suprême et responsable ultime.
La nature de son jugement est sans appel, car il est l'arbitre des choix décisifs, hors de toute norme, de toute limite, de toute vérité, de tout précédent ou de tout dogme. Crise, surprise, menace, risque, aléas et survie constituent alors les amonts de la légitimité et du droit. Dans ces conditions, la décision est l'expression d'une force éthique particulière et fondatrice, « statu nascenti ». L'expression de l'affrontement radical entre prévisible et imprévisible, comportant un choix tranchant entre maîtrise des événements et désordre chaotique immanent. « Est souverain qui décide de l'état d'exception ». L'unité décisive est ici, par définition, l'unité politique, l'intelligence politique, le chef de la Nation en armes. C'est le monopole de l'unité sur le pluralisme, qui impose la supériorité d'une éthique particulière sur la pluralité éthique, du concept moniste universel sur les coalitions idéologiques et sur le fédéralisme de groupes multiples, situés hors et au dessous de l'État. Le but de l'État d'exception est de rétablir le pouvoir de commandement autour d'une autorité hiérarchique suprême, d'un monocratisme légal et légitime et d'une vision de la société et de l'Histoire, hors d'un système de délibérations émiettées, conflictuelles et dévoyantes.
L’État d'exception a une caractéristique marquante, la concentration du pouvoir et d'abord la subordination du législatif à l'exécutif, de la loi au décret et à l'ordonnance, et donc le renversement du garantisme en pouvoir discrétionnaire, voire même en pouvoir arbitraire. Le pouvoir et guère le peuple arbitre et décide, l'exception dicte la norme. Or dicter ce n'est guère débattre, car le temps est stratégique, dramatique et tragique. La compression et l'intensité du temps de décision imposent une distinction entre le temps tactique (politiques internes) et le temps stratégique (politique internationale, grande stratégie etc.). Dans les deux dimensions, changent en effet la conception de l'ami, de l'ennemi et du danger, change la signification de la conjoncture et de la circonstance, l'appel à la légalité ou à la légitimité et donc à la violence, pour contrer une menace ou parer à un danger. Le temps désigne la riposte elle même, liée aux capacités d'exécution et donc à la géopolitique du champ conflictuel, à la dimension de l'échiquier et à l'éventail des menaces.
Ce temps se mesure en intensité et en compression de l'Histoire. Un État d'exception est toujours transitoire, car il désigne le passage entre formes politiques dissemblables et douées, en perspective, d'une plus grande stabilité. Il prépare un changement de la formule politique (régime) ou de la forme d'État (constitution) et accomplit ainsi à la tache du renouvellement du personnel politique que la formule antérieure s'est révélée inefficace à produire.
L' État d'exception hiérarchise et ordonne la société, il la redéfinit et la rénove, d'abord dans sa loi fondamental et donc dans sa constitution. En termes de justification historique, dans toute situation de crise et en particulier dans l'État d'exception, la construction de la figure de l'ennemi n'est pas juridique mais politique et métaphysique, car elle a une parenté systématique avec la théologie. Elle se révèle par ailleurs comme une conception antithétique à celle de la tolérance, de la critique et du doute, propre du cartésianisme et des Lumières, celles-ci favorisant aujourd'hui l'activation des menaces extérieures qui agissent sur le multiculturalisme ambiant et engendrent une fissuration de la cohésion intérieure.
Au niveau de la connaissance, la sociologie des concepts juridiques se révèle indispensable pour illustrer non pas la mentalité axiologique des différentes catégories d'analystes, mais en France et en Occident leurs complicité partisane. Elle dévoile la conflictualité réelle des forces anti-modernes, transposées de la sphère téléologique à la sphère proprement stratégique. Si le rationalisme du XVIII siècle eut pour devise « d'imiter les décrets immuables de la Divinité » dans la construction de certitudes et de dogmes, propres à la structure juridique de l'État national moderne, l'âge post-démocratique, qui est celui de la mondialisation, applique à la vie politique actuelle les conceptions polythéistes et relativistes d'une connaissance où ont disparues les présupposés métaphysiques de celle-ci, et il n'est plus question de faire appel à la raison, comme autorité légitimante de la décision d'État, face aux déraisons périlleuses et montantes.
La force de la raison comme législateur unique est dissoute et la validité juridique des normes pensées comme semblables, en leurs efficacité, aux effets des lois naturelles, repose uniquement sur une équivalence fragile entre les causalités d'ordre social et les conceptions d'ordre séculier. La correspondance culturelle entre gouvernants et gouvernés n'est plus possible à l'âge post-moderne, puisque la bataille contre la religiosité traditionnelle a vu en Europe le triomphe du positivisme d'abord, puis de panthéisme immanentiste et aujourd'hui du relativisme historique.
Depuis que l'humanité a remplacé Dieu dans le gouvernement des affaires du monde, la construction d'un nouveau concept de légitimité a abandonné la pensée théiste justifiant le pouvoir et l'essence métaphysique de toute politique qu'est devenue l'apanage de l'Islam politique, seule conception dogmatique restante et présente en Europe, où la vérité fait autorité et l'autorité vérité. Celle-ci occupe et perce le champs des relativismes et de l'égalitarisme dominant, grâce à la brèche intellectuelle du cosmopolitisme mondialiste, ouverte par des élites européennes aliénées et décadentes.
La contre-révolution spiritualiste et radicale des temps post-modernes devient la philosophie musulmane, une religiosité étrangère et hostile à l'Occident. La trahison des clercs et des classes de progrès en Europe est justifiée par le recours à l'humanisme et aux Droit de l'Homme car elle assigne au politique une fonction « d'arbitre » et pas de garant de la sécurité, ce qui équivaut à la négation pure et simple du contrat social. Ces faiseurs d’opinion, mobilisés et actifs en cours de campagne pour la présidentielle française, sont parvenus à déterminer le choix du politique, influençant indirectement les options de la stratégie et de la géopolitique française d'aujourd'hui et de demain.
L'époque des grands systèmes de pensée, théistes ou idéologiques est terminée et l'idée même de l'État d'exception le confirme et en préfigure la dissolution ultime, par l'impossibilité de faire recours à une norme, théologique ou morale, qui discipline la société. Or l'État d'exception qui désigne une crise des conceptions légalitaires en vigueur et de la rationalité qui les justifient, s'est donné historiquement comme affirmation d'une nouvelle légitimité, fondée sur le besoin de sécurité.
En termes strictement démocratiques et juridiques, l'âge post-démocratique résulte du déclin, évident et latent, des structures politiques fondées sur :
le normativisme (norme ou loi d'un ordonnancement stable et formel), qui a cessé d'être représentatifle pouvoir monocratique et décisionniste (présidentialisme) qui devient antinomique par rapport à ses propres présupposés d'origine (le gouvernement d'en haut de la société, jadis encore nationale)la mixité de normativisme (démocratie représentative) et de monocratisme décisionniste (présidentialisme), dont la caractéristique historique est d'être la condition même d'une transition instable entre situations conjoncturelles changeantes ?
Ce débat, aux sous-entendus multiples, ne sera jamais clos définitivement, car il résulte de trois grandes variables en interaction, celle du système social, celle du système politique interne et celle du système culturel transnational. En même temps, cet État d'exception demeure le référent doctrinal et institutionnel de toute forme de transition du pouvoir dans « l'arc de crise » arabo-musulman, où le pluralisme ethnique et confessionnel fait d'une forme transitoire l'arbitre de la stabilité et le garant des transformations générales ambiantes, freinant les tendances auto-destructices de la société et la poursuite d'une « guerre civile ouverte et en même temps latente » (Égypte).
En poussant plus loin les analyses et les références une série de distinctions apparaissent nécessaires afin de fixer sommairement les concepts. Ainsi, nous cernerons sommairement trois figures du débat politologique : l’État post-national, le régime post-démocratique et l’État d'exception.
Est un État post-national la forme d'organisation politique marquée par une crise de la souveraineté. C'est un État qui annexe à sa loi fondamentale des amendements et des protocoles constitutionnels, qui résultent d'accords d'intégration régionaux ou de traités conclus avec des organisations supranationales, sous forme bi ou multilatérales, et qui limitent de manière plus ou moins significative la souveraineté de l’État. Ces divers amendements ou protocoles se répercutent ainsi dans une série d'obligations, adoptées par voie référendaire ou parlementaire, visant l'exécution, la transposition ou la légifération ordinaire de dispositions régaliennes. Lorsque des États se constituent en « communautés de valeurs » ou en « communautés intégrées », les amendements constitutionnels peuvent s'étendre à la forme du « régime politique » et spécifiquement au « régime démocratique ». Dans des contextes exogènes à la tradition occidentale, ces régimes et ces États sont loins de correspondre aux modèles historiques et sociaux du pays pris comme référents. Hors d'Europe, à la forme souvent autoritaire de la souveraineté, s'ajoute la greffe d'un fonctionnement du régime, qui ne peut calquer aucun modèle d'emprunt. Dans ces cas, la forme d’État et la forme du régime se confondent dans la figure présidentielle du chef de l'exécutif, médiateur et interprète de toute mixité historique. La résultante en est un modèle, à chaque fois original ou impur, fondamentalement étranger au « Volkgeist » et souvent prétexte ou masque pour l'exercice prémoderne du pouvoir.
Est un « régime post-démocratique » un régime marqué par une crise de la légalité représentative, disloqué par la mondialisation et en crise quasi permanente de légitimité. C'est un régime qui ne dispose plus d'un équilibre interne stable et identifiable et qui est soumis à des influences médiatiques et culturelles, financières et politiques déstabilisantes et extérieures. C'est un régime influencé par les jeux perturbateurs et spéculatifs de la finance internationale arbitrant l'évolution économique interne. Les premières brouillent la convergence des coordonnées culturelles et émotionnelles de l'opinion, les deuxièmes les flux des épargnes, les investissements et des rapports productifs. Est post-démocratique en conclusion un régime où il n'existe plus un demos ni une opinion nationale ni une économie indépendante, mais plusieurs greffes et influences perturbatrices, transversales régionales et mondiales.
L’État d'exception est en revanche un État d'urgence ou de salut public, caractérisé par une crise de la société multiculturelle. Il est issu d'une remise en cause existentielle du pacte social et pas seulement du contrat politique. Il peut être tenu, dans cette dissertation schématique, pour un régime de transition, revendiquant une reprise en main nationale et intégrale des leviers du pouvoir. En tant que tel il peut concerner la forme d’État, la forme de régime, ou les deux à la fois. Ce qui est symptomatique c'est qu'il est caractérisé par une concentration et une réappropriation rapide du politique. Ainsi la revendication caricaturale du passage à une VIème République par Jean-Luc Mélenchon, candidat aux élections présidentielles françaises, est le signe avant coureur d'une probable réorganisation de la scène politique, incompatible à l'intérieur, avec le Présidentialisme de la Vème République, à base gaullienne ou stato-nationale, et à l'extérieur, avec les concessions et les ouvertures induites dans la culture, la société et l'économie, par une mondialisation sans frontières et sans freins ordinaires, tenue pour responsable de l'ingouvernabilité de la société. Cette réaction politique, de type protectionniste et souverainiste a comme équivalent, à droite de l'échiquier représentatif, les positions et les revendications de même nature de Marine Le Pen du Front National. L'hypothèse d'un État d'exception « à la française » pourrait être justifiée par l'exigence d'une crise interne – extérieure qui ne permette plus, immédiatement, à la représentation politique et au régime présidentiel d'atteindre un point d'équilibre interne stable et une base électorale majoritaire, même par le biais de marchandages, de compromis multiples et de coalitions. Cet « État » pourrait faire face alors à un système de conflit profonds et durables, aggravés par l'irruption violente des minorités et des banlieues, sous égide islamique et simultanément à une crise de gouvernance européenne, elle-même doublée d'une crise de gouvernabilité internationale. Cette hypothèse d'école n'est pas nulle et fait l'objet des conjectures possibles, caractéristiques, en leur formulations hypothétiques, de l'ensemble des sociétés occidentales ouvertes ». Conjectures d'exception où la légalité, la légitimité, la représentativité et la composition de la société seraient soumises au diktat d'une métamorphose radicale et à la capacité d'un chef charismatique, s'érigeant en garant du salut public et en porteur de décision, de trancher sur l'ordre public, le modèle social et la synthèse politique. Le but en serait de permettre de conserver les acquis et de remodeler stratégiquement les objectifs d'avenir. L’État d'exception représente ainsi la clé transfonctionnelle de trois crises, la crise de la souveraineté (crise de l’État post-national), la crise du régime post-démocratique (crise de la légalité représentative) et la crise de la société multiculturelle et donc la clé d'une nouvelle synthèse politique et d'un nouveau contrat social.