L’EVOLUTION DU METIER DE DIPLOMATE

Auteur: 
Raoul DELCORDE
Date de publication: 
14/3/2012

Le métier de diplomate suscite bien des préjugés, voire des caricatures. Il y a les inévitables clichés au sujet des réceptions de l’ambassadeur menant grand train de vie dans de somptueuses résidences. D’aucuns voient encore dans le diplomate la figure – si finement décrite par Marcel Proust – de Monsieur de Norpois fréquentant les salons de la duchesse de Guermantes. La diplomatie ne serait qu’un exercice de mondanités réservé à la haute société et aux détenteurs d’un nom à particules1. Il est vrai que cela s’explique aussi par des raisons sociologiques, le corps diplomatique ayant beaucoup recruté à l’origine − c’est-à-dire au XIXe siècle − au sein de l’aristocratie. La noblesse2 a fourni des lignées de diplomates et cette tradition persiste dans un certain nombre de pays européens, mais également au Japon. La « carrière » s’est largement démocratisée depuis un siècle, mais il en reste un certain code social, un fort attachement à l’esprit de corps et aux spécificités d’une carrière que l’on distingue de toutes les autres en l’écrivant avec un C majuscule.

Il y aurait une étude à faire sur la représentation du diplomate dans la littérature : on y retrouverait les clichés qui réduisent ce métier tantôt à une forme d’oisiveté élégante, tantôt à une fonction s’apparentant à celle d’agent secret. La diplomatie de salon ou « diplomatie de la tasse de thé » a inspiré les auteurs de théâtre et les romanciers sans faire justice au métier de diplomate. Témoin, le dramaturge français Georges de Porto-Riche, bien oublié aujourd’hui, mais qui écrivit dans sa pièce Le Passé cette phrase assez drôle qui circule dans tous les dictionnaires de citation : « un diplomate qui s’amuse est moins dangereux qu’un diplomate qui travaille ». Pour d’autres, le diplomate est quelqu’un qui est presque toujours tenu en marge des décisions importantes en raison des relations directes existant entre les chefs d’Etat et les ministres de tous les pays du monde, comme si le téléphone avait remplacé la diplomatie. Il y a, heureusement, des exceptions à ces représentations assez caricaturales de la diplomatie. Ainsi la remarquable pièce du dramaturge français d’origine polonaise Slawomir Mrozek, intitulée L’Ambassade : le rôle principal est celui d’un ambassadeur dont lepays disparaît progressivement et qui est confronté à une réflexion tragique sur sa raison d’être. Ceux qui eurent le privilège d’assister à la création de la pièce à Paris en 1983, avec Laurent Terzieff dans le rôle de l’ambassadeur, auront longtemps gardé en mémoire l’image de ce diplomate déchiré entre ses devoirs de représentation et l’absurdité d’une situation où le pays qui l’a envoyé n’existe plus.

La fonction de représentation est celle qui est le plus souvent associée au travail du diplomate. Elle consiste, selon les termes du Traité de Vienne, à représenter l’Etat accréditant auprès de l’Etat accréditaire. Un ambassadeur représente donc le chef de l’Etat ainsi que le gouvernement. Il est, dès lors, investi d’un pouvoir particulier, qui dérive de celui reconnu aux souverains et aux chefs d’Etat. Cela est important, non pas pour le décorum, mais parce que cela donne une dimension particulière aux actes posés dans l’exercice de ses fonctions : étant le représentant accrédité d’un Etat, il est l’intermédiaire attitré et permanent entre les autorités officielles de deux pays ou entre la délégation d’un pays et une organisation internationale. Un certain nombre d’attributs est lié aux fonctions de représentation : cela va du fanion sur le véhicule de l’ambassadeur aux démarches que l’ambassadeur va effectuer au nom de ses autorités auprès des autorités de l’Etat d’accueil.

C’est précisément parce qu’il est le plus haut représentant de l’Etat d’envoi dans l’Etat d’accueil que l’ambassadeur est invité à participer à une série d’activités publiques et sociales où il est mis au contact des notabilités du pays. Il devra se construire un réseau de relations et sera jugé en fonction du crédit politique dont il bénéficiera au sein des autorités de l’Etat d’accueil. Représenter son pays n’est donc nullement de la figuration : c’est une démarche active, qui requiert un réel effort pour gagner la confiance de ses interlocuteurs et interdit d’agir à la légère ou par vanité. Comme l’écrivait fort justement Alain Plantey, « dans la vie diplomatique, on est souvent ce que l’on représente »3.

UN MÉTIER AU DIAPASON DE LA RÉALITE CONTEMPORAINE

Le travail diplomatique épouse les changements internationaux. La fin de la bipolarité et le nouveau désordre international ont correspondu à une ère nouvelle, marquée par la fin des idéologies et des confrontations classiques entre les camps. La diplomatie est désormais moins dans une logique de confrontation que dans une logique d’influence. En d’autres termes, le diplomate n’exerce plus un rôle confiné par les contraintes de la Guerre froide, mais il peut déployer son action dans un espace beaucoup plus large, un espace multipolaire, où la négociation reprend une place prépondérante. Dans cette optique, le diplomate est quelqu’un qui développe une véritable empathie pour les autres cultures et dont tout l’art est de détecter les éléments favorisant un rapprochement entre son pays et celui où il se trouve.

Il arrive que des crises éclatent. Depuis la fin du monde bipolaire, on se trouve dans un système brouillé, où il faut être capable de déchiffrer les signes avant-coureurs d’une crise et d’expliquer sa survenance. Il y a aujourd’hui beaucoup plus de crises que durant la Guerre froide ; il convient de les anticiper et d’aider les gouvernements à adopter la meilleure posture face à aux tensions d’un monde multipolaire. Le diplomate informe mais interprète aussi − ou décrypte − les signaux qu’il perçoit dans l’environnement dans lequel il se trouve. La communication diplomatique comporte toute une série de gestes, messages, déclarations, qui signalent une intention. La diplomatie du ping-pong fut un signal diplomatique indiquantque les Etats-Unis et la Chine étaient prêts à l’apaisement, prélude à une reconnaissance diplomatique. Il faut savoir interpréter les signaux, ce qui peut être difficile et conduire à des malentendus. Un silence peut être un signal en soi, mais signifie-t-il accord ou refus ? Ainsi, par exemple, l’ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, en 1990, ne mit pas en garde Saddam Hussein au moment où ce dernier préparait l’occupation du Koweït, ce qui fut interprété par le dictateur iraquien comme une forme d’indifférence − voire d’acceptation − de ses projets d’offensive contre son petit voisin. Les faits et gestes d’un diplomate sont autant de signaux : retour précipité dans sa capitale pour des consultations, départ précipité d’une cérémonie.

COMPRENDRE ET NÉGOCIER

L’action diplomatique est constituée d’une multitude de signaux : il faut savoir les repérer, en évaluer l’importance et réagir de manière opportune. La diplomatie des crises est une diplomatie des signaux, avec le risque qu’une mauvaise interprétation conduise au conflit.

Il ressort de tout cela que le diplomate doit d’abord comprendre ce que les autres pensent et être capable d’évaluer leurs forces et leurs faiblesses. Cela paraît sans doute élémentaire, mais force est de constater que les crises éclatent bien souvent parce qu’on n’a pas bien évalué ce que pense ou ressent « l’autre ». Quelque soit l’angle adopté, « l’autre » est le principal objet d’attention du diplomate. Que cet autre soit un adversaire stratégique, un partenaire commercial, un allié idéologique… Que ce soit en négociant un accord de paix ou en utilisant des pressions internationales, le diplomate est d’abord celui qui traite avec « l’autre ». On peut être en désaccord avec « l’autre », mais cela ne doit pas conduire à le condamner ou à l’ignorer.

La négociation diplomatique a souvent été considérée comme l’art de la ruse et de la dissimulation. C’est Machiavel qui l’a sans doute le mieux théorisée : la diplomatie fait appel à la ruse pour convaincre. Cela part du constat que la négociation est un exercice de longue haleine et qu’il n’est pas opportun de dévoiler toutes ses cartes dès le début. Le diplomate est discret par nature.

Il ne dissimule pas, mais attend le moment propice avant de dévoiler sa position. Pour influencer les tiers, le diplomate peut recourir à toute une série de « manoeuvres obliques » : alliances de circonstances, manoeuvres dilatoires, multiplication des exigences. Toutefois, si la ruse peut être un moyen, elle n’est jamais une fin : une diplomatie fiable est, à long terme, préférable aux subtilités florentines, où tous les coups sont permis. Les intérêts sont beaucoup trop imbriqués pour qu’on se permette de faire prévaloir son point de vue au moyen de « coups » : on aurait tôt fait de se retrouver affaibli dans le cadre d’une autre négociation ; on ne gagne pas en réduisant la partie adverse a quia. Le diplomate peut être habile mais son point de vue ne prévaudra que s’il est solidement étayé et argumenté.

LES NOUVEAUX DÉFIS DE LA DIPLOMATIE MULTILATÉRALE

Le diplomate agit de nos jours dans un monde globalisé. C’est un nouveau défi, celui d’une perte progressive de la souveraineté des pays ou, plus exactement, celui de la souveraineté partagée, comme l’illustre bien la construction européenne. Ce phénomène des intégrations régionales et sous-régionales se note aussi dans les autres continents. Alors quele diplomate devait traditionnellement prendre la défense des intérêts de son pays, le contexte actuel se prête davantage à une défense des intérêts d’un groupe d’Etats. De nos jours, la diplomatie se déploie de plus en plus dans le cadre multilatéral : que ce soit l’Union européenne, le G77 ou l’ASEAN, l’appartenance à de telles organisations influence grandement le travail diplomatique. Cela ne veut pas dire que certains pays ne poursuivent encore des intérêts nationaux : des notions comme la « Françafrique » ou le « pré carré » se réfèrent à cette diplomatie centrée sur l’intérêt national.

Il est un autre élément qui a modifié le travail diplomatique : l’irruption de sujets transversaux regroupés sous l’expression « diplomatie de la globalisation ». Il s’agit des négociations internationales concernant l’environnement, la lutte contre le terrorisme ou la politique commerciale. Le diplomate devient donc un spécialiste de la négociation, quel que soit le domaine concerné. Et de plus en plus de dossiers qu’il traite ont des répercussions concrètes et immédiates sur la vie quotidienne des gens.

La mondialisation est un processus historique profond, qui peut générer un développement planétaire, mais dont les bienfaits ne sont pas également répartis. Du fait qu’elle débouche sur des tensions, la gestion de la mondialisation doit figurer au centre de l’agenda diplomatique. Les diplomates devront, pour ce faire, disposer d’une grille d’analyse des relations internationales qui tienne pleinement compte de l’impact de la mondialisation en mettant en exergue la dialectique entre sécurité et développement.

En passant de la Guerre froide à l’ère de la mondialisation, les questions de développement ont supplanté celles de la défense en tant que fondements sur lesquels on peut bâtir un avenir commun. L’éventail des menaces et défis générés par ce changement dans les relations internationales nécessite une réponse adéquate, non pas en termes de forces armées, mais sous la forme d’une recherche inlassable d’un développement centré autour des besoins de l’humanité (human-centred development). La diplomatie devra mettre l’accent désormais sur le rôle de la communication, de la culture, des acteurs non étatiques et de la « déterritorialisation » de l’espace politique.

Les défis importants du XXIe siècle − tels la qualité de la vie dans les mégalopoles, les armes de destruction massive, les fournitures d’énergie, les pandémies, le changement climatique − sont fondamentaux tant pour la sécurité que pour le développement. Il faudra à la diplomatie de nouvelles aptitudes et de nouveaux instruments pour les insérer dans les négociations internationales.

Face à ces nouveaux défis, la diplomatie doit s’adapter. Jusqu’à présent, on doit bien reconnaître que la diplomatie a tardé à prendre la mesure de la mondialisation. Longtemps la politique étrangère a été conçue comme la conduite des affaires entre des Etats et ressortait du domaine exclusif des gouvernements. Aujourd’hui, la politique internationale inclut un grand nombre d’acteurs extérieurs au ministère des Affaires étrangères : départements techniques, défense nationale, parlements, villes, entreprises, société civile, etc. Cela est évidemment le reflet de la disparition progressive des démarcations entre affaires étrangères et affaires intérieures et la manifestation du passage de l’ère de la Guerre froide à celle de la mondialisation.

La montée en puissance des nouveaux acteurs renforce, paradoxalement, le rôle des Etats dans le système international, dans des domaines où ces derniers n’avaient pas l’intention d’agir. Jamais les acteurs de la société civile n’ont autant réclamé l’intervention de l’Etat et de ses représentants sur la scène mondiale, dans des domaines comme l’économiela justice, le développement, les droits de l’homme, l’environnement, etc. Alors que la bipolarité limitait la marge de manoeuvre de la négociation diplomatique, la mondialisation élargit le domaine d’action diplomatique. La situation internationale est tout à la fois illisible, menaçante et encore plus complexe. Les turbulences mondiales nécessitent davantage de vigilance et, si possible, de régulation. Le rôle du ministère des Affaires Etrangères s’en trouve renforcé, pour autant qu’il ait fait l’indispensable effort de modernisation.

LA MONDIALISATION, NOUVEL ATOUT DE LA DIPLOMATIE

Les relations diplomatiques sont traversées par les forces de la mondialisation. Elle est tout à la fois un élément de compétition et un facteur de coopération. Elle stimule la compétition diplomatique parce que les Etats se font concurrence sur les marchés mondiaux, que ce soient les marchés de l’énergie ou des matières premières, et cette compétition a gagné en ampleur et férocité sous l’influence des pays émergents. Dans le même temps, la mondialisation suscite des réflexes de coopération : un Etat ne peut lutter seul contre la pollution maritime, le changement climatique ou les épidémies. Il convient de développer des modalités de coopération, même si cela est sur fond de rapport de force. Par là même, la mondialisation renforce la nécessité de la négociation et, donc, de la diplomatie. Dans ce monde global interdépendant, caractérisé par un nombre croissant d’acteurs et de défis multiples, il faut une grande capacité à négocier avec un nombre important de partenaires.

On peut affirmer, dès lors, que la mondialisation est la chance du ministère des Affaires Etrangères, si les diplomates savent relever ce défi. Il convient pour cela de ne pas céder à une double appréhension : celle de voir le champ d’action diplomatique bilatéral perdre de son importance à un moment où la PESC se développe et celle que l’on peut ressentir face à de nouveaux sujets (le climat, l’énergie, les migrations internationales) auxquels le diplomate n’est pas préparé d’emblée. Si, en revanche, les Affaires étrangères sont capables de s’adapter à ce nouvel environnement des relations internationales, elles pourront continuer à jouer ce rôle central dans la conduite des négociations internationales. La mondialisation est caractérisée, on l’a vu, par la multiplicité des acteurs, quand bien même le rôle des Etats reste central. Il n’y a quasi plus aucun problème qui ne se négocie à deux : nos pays sont continuellement engagés dans des négociations dans les domaines les plus divers avec des dizaines d’autres Etats et organisations internationales. On y débat le plus souvent des thèmes transversaux, qui requièrent les connaissances de véritables spécialistes. Une négociation sur le changement climatique requiert l’intervention d’un économiste pour les tractations sur les échanges de droits d’émission, d’un agronome connaissant bien les questions de biodiversité, d’un administrateur des fonds de coopération environnementale, etc. Il n’est pas possible pour un diplomate de cumuler tous ces métiers. En revanche, il est une fonction spécifique qui revient aux Affaires étrangères, qui est celle de la coordination des négociations, parfois comparée à une « tour de contrôle ».

Pour mener une négociation sur un thème horizontal, il convient d’anticiper les positions des Etats ou des acteurs de la société civile, de détecter les alliances, les divisions chez les autres acteurs de la négociation, d’évaluer les possibilités de compromis. Le « département » est le seul à disposer des capacités globales d’analyse, de synthèse, d’information et de coordination pour assumer ce rôle. Le ministère bénéficie, grâce au réseau des ambassades, d’une bonne compréhension des enjeux en présence.

C’est dans cet esprit qu’a été mise en place une direction de la mondialisation au sein du ministère belge des Affaires étrangères. Ses atouts majeurs consistent en trois éléments :

connaissance technique, coordination et communication. Elle regroupe des services traitant des questions dites transversales, comme les négociations sur l’environnement et le développement durable, l’énergie, la coopération économique internationale, les institutions financières internationales, les matières premières, le G8, la politique scientifique et les migrations internationales. Compte tenu de la technicité de ces problématiques, des fonctionnaires ayant une longue expérience de ces dossiers en assurent la gestion avec le renfort de deux économistes. Cette direction de la mondialisation travaille en étroite relation avec le service de la coordination multilatérale. Ce dernier est le lieu où peut s’élaborer la synthèse politique entre les différents intérêts contradictoires, où la vision géopolitique peut trouver une place. Périodiquement, une concertation est également organisée avec les acteurs non étatiques de la mondialisation que sont les ONG, les fédérations d’entreprises et les syndicats.

Les postes diplomatiques devront, eux aussi, se familiariser progressivement avec les dossiers de la mondialisation. Peut-être qu’un jour nous pourrions nous inspirer du Danemark, qui vient de nommer des « attachés en matière de climat » dans ses ambassades situées à Washington et dans quatre pays émergents. Enfin, il serait utile que les jeunes diplomates bénéficient d’une formation assez approfondie sur la mondialisation, par exemple à l’issue de leur stage.

Les relations internationales se sont complexifiées. Aujourd’hui, il y a des négociations entre 192 Etats à l’ONU, 149 à l’OMC, 27 au sein de l’Union européenne. Les règles du jeu sont devenues plus complexes, les interférences extérieures dans les négociations diplomatiques viennent ajouter encore un élément de complexité à un ensemble déjà très chargé. Garder les idées claires en négociant en permanence devient le véritable défi du diplomate d’aujourd’hui. Cet état de choses traduit une réalité plus profonde : les questions internationales sont toujours plus liées entre elles et concernent davantage de pays, ce qui explique la montée en puissance des négociations multilatérales. Les missions classiques du diplomate ne disparaissent pas, mais elles doivent tenir compte de leur nouvel environnement et, en conséquence, se complexifient. La figure du diplomate classique était celle d’un généraliste qui menait son action dans un domaine très vaste : tout ce qui relevait d’un contact avec l’extérieur. Le diplomate d’aujourd’hui conserve cette capacité à percevoir globalement les questions internationales, ce que l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, a bien résumé : « avoir une véritable expérience de la négociation, éprouvée sur toute une carrière, suppose une connaissance du passé des négociations et des relations internationales, une connaissance globale et intime à la fois de l’interlocuteur, un savoir-négocier qui s’apprend et se transmet. On ne négocie pas seulement avec un ministre de l’Agriculture ou de la Culture, mais avec un pays. Il faut avoir une vision large des autres intérêts qui peuvent contredire les intérêts précis en jeu dans la négociation. Une appréciation globale est indispensable »1

LA RÉCOLTE ET LA DIFFUSION D’INFORMATIONS

Les missions diplomatiques ont notamment pour tâche de recueillir l’information. Cette tâche était particulièrement importante à l’époque où il était très difficile de savoir ce qui se passait dans le monde. Elle reste utile à l’âge de l’Internet : l’information rapportée et analysée par l’ambassade est revêtue du sceau de l’authenticité ; elle contient une valeurajoutée en termes d’analyse. Pour ce faire, le diplomate doit être constamment aux aguets, il doit savoir écouter, interroger, glaner des informations. De nos jours, c’est la surabondance d’information qui est le véritable problème. On doit, cependant, garder en mémoire que l’information diplomatique est tournée vers l’action : à la différence d’une agence de presse, on ne communique pas une information « brute », mais une information étayée par une analyse destinée à être utilisée par les décideurs que sont le ministre et son administration. Ce qui intéresse le destinataire principal de l’information diplomatique, c’est qu’elle soit accompagnée de propositions et de recommandations de nature à aider à la prise de décision.

Le diplomate moderne est ouvert sur la société du pays où il est accrédité et essaie d’en comprendre les rouages. Cette écoute approfondie doit lui permettre aussi de mieux communiquer avec les décideurs politiques et économiques du pays d’accueil. Il ne peut se contenter de fréquenter des cercles mondains, où son audience serait finalement très restreinte. Il doit atteindre le grand public. C’est de là qu’est née la diplomatie publique, un concept anglo-saxon à l’origine. Elle est contemporaine de la Guerre froide : il s’agissait alors de contrer la propagande soviétique en diffusant une information destinée à promouvoir l’intérêt national américain auprès de l’opinion publique étrangère ; pour ce faire, de puissants organes d’information furent créés. La diplomatie publique concerne aussi la diffusion d’informations dans les universités, les contacts avec les médias locaux, la diffusion de matériel audio-visuel, pour donner une image positive du pays concerné. Certains diront que la diplomatie publique n’est, au fond, qu’un synonyme de propagande. Elle constitue, de toute manière, une dimension nouvelle du travail diplomatique : elle s’adresse aux faiseurs d’opinion, à tous ceux qui sont susceptibles, à l’étranger, d’influer sur la perception qu’on peut avoir des relations avec tel ou tel Etat. La diplomatie publique requiert des moyens importants et n’est utilisée, dès lors, que par des Etats menant une politique étrangère couvrant un large spectre d’activités.

Dans des mégalopoles comme Londres, Tokyo, New York et Sao Paulo, la diplomatie publique fonctionne bien : la mondialisation a créé un terrain culturel commun et les publics-cibles sont aisément accessibles. La diplomatie publique doit cependant aussi s’appliquer dans des zones moins aisément accessibles, en particulier dans des situations marquées par l’insécurité et les conflits. La recherche et la communication d’informations ne se limite plus aux corridors discrets et aux salons feutrés de New York, Genève et Bruxelles. Le diplomate sait que l’information doit être recueillie et diffusée à Kaboul et à Rangoon, à Lima et à Accra. Ce n’est plus alors de son titre de « ministre plénipotentiaire » que le diplomate devra exciper, mais bien de ses connaissances linguistiques, de ses talents de communicateur, de sa capacité à défendre une cause et à négocier un dossier.

Le diplomate moderne est celui qui est capable de se connecter directement aux acteurs de la mondialisation et de prévoir les conséquences des changements sociétaux. Dans cette conception du travail diplomatique, il devient aussi important de nouer des relations avec les citoyens d’un pays que de parler aux représentants du gouvernement. Aujourd’hui, le diplomate occidental est impliqué dans des négociations sur « la responsabilité de protéger », la lutte contre le trafic des diamants ou les mines antipersonnel. Ce sont là des thèmes qui le connectent directement avec les préoccupations de l’opinion publique.

Dans la pratique contemporaine, la politique étrangère doit prendre en compte les vues des citoyens et plus seulement des Etats. On est entré dans l’ère des groupes d’opinion et des intérêts particuliers : leur somme véhicule une représentation du monde à laquelle un gouvernement ne peut vraiment se soustraire. Bertrand Badie a ainsi expliqué5 que coexistent aujourd’huil’appel citoyen, l’appel utilitaire − celui des lobbies − et l’appel identitaire, à une époque où les mouvements ethniques ou religieux ont une influence croissante dans la conduite des affaires politiques. Cet auteur résume cette situation nouvelle, caractérisée par une perte d’autonomie de l’Etat, par cette phrase : « aussi, pour survivre, le prince doit-il entacher sa politique étrangère de culturalisme, de religiosité ou d’ethnicisme ».

Il se forme alors un espace public international qui n’est plus centré sur l’interaction entre les Etats. Pour citer Bertrand Badie une fois encore6, on assiste à une « communauté politique cosmopolitique, faite de sensibilité croissante à l’international, de compassion, de solidarité et de mobilisation, s’indignant de la passivité des Etats en Bosnie-Herzégovine, poussant à l’intervention au Kosovo ou, naguère, dans la région des Grands Lacs, rendant publics les manquements aux droits de l’homme en Tchétchénie ou en Tunisie, plaçant la question du Timor Oriental au centre des enjeux internationaux ». Le diplomate doit s’insérer dans ce nouveau contexte des relations internationales, qui s’inscrit dans une vision renouvelée de l’action diplomatique, caractérisée par les sujets dits transversaux davantage que par une grammaire strictement interétatique2.

 DIFFUSEUR DE CULTURE

La culture est une autre dimension de la diplomatie moderne. Les ambassades sont des diffuseurs de culture. Dans certains cas, elles disposent même d’un véritable service culturel, qui abrite une bibliothèque, organise des conférences ou des récitals, faisant venir dans le pays tel ou tel écrivain ou artiste renommé. Un orchestre national en tournée, c’est un événement culturel mais aussi diplomatique, dans la mesure où les artistes sont les ambassadeurs de la culture de leur pays.

Enfin, tout cela n’est pas sans retombées économiques : un festival de la bande dessinée belge, organisé avec l’appui d’une ambassade, donnera à de jeunes artistes l’envie d’aller se perfectionner dans les écoles de dessin de Bruxelles ou de Charleroi.

Ainsi, il n’est nullement incongru qu’une ambassade organise un séminaire littéraire avec des auteurs du pays représenté pour familiariser le public des amateurs de littérature avec tel romancier ou tel poète, dont les oeuvres sont en partie traduites dans la langue locale. Une représentation de Britannicus donnée par la troupe de la Comédie française en 1970 dans la plus belle salle de spectacles de Téhéran laissa des souvenirs éblouis à l’auteur de ces lignes, qui découvrit avec ravissement le théâtre français. L’Académicien Hector Bianciotti rappelle volontiers que c’est le passage à Buenos Aires de la célèbre comédienne Simone Valère qui lui fit découvrir et aimer le français.

Une résidence d’ambassadeur peut se transformer en salle de concert de musique de chambre, voire, quand il s’agit d’un palais, en décor d’opéra. Ainsi, un récent article du Monde8 nous apprend que Pierre Sellal, l’actuel Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, organisa avec Placido Domingo une représentation de la Tosca de Puccini sur les lieux même de l’opéra, dont le second acte avait pour décor le Palais Farnèse, qui est la résidence de l’ambassadeur de France à Rome.

UN MÉTIER À RISQUES

Tout cela pourrait faire croire que le diplomate mène, somme toute, une vie de patachon, sans risque particulier. Ce serait oublier que la diplomatie est confrontée, davantage qu’avant, à l’irruption de crises, souvent imprévisibles. Qu’il soit en Côte d’Ivoire ou au Liban, le diplomate se voit confronté à ce qu’on a appelé la « dictature de l’urgence » ; il doit venir en aide à ses compatriotes, négocier avec les autorités, gagner du temps aussi, pour éviter que les canaux diplomatiques ne soient complètement fermés : tant que les hommes se parlent, on peut éviter la guerre dit la sagesse populaire. Certes, la crise est également gérée dans les enceintes internationales (ONU, Union européenne) : la concertation diplomatique tend à freiner la crise et à conduire à son règlement. Toutefois, sur le terrain, l’ambassadeur reste un acteur important dans une situation de tension : il doit être capable de détecter des signaux d’apaisement, trouver un modus vivendi pour que subsiste le dialogue. Comme il est le plus haut représentant de l’Etat dans un Etat étranger, il est également une cible de choix lors des situations de crise.

Ce sont les actions terroristes qui sont le plus à craindre : l’ambassadeur américain Dodd à Kaboul (février 1979), l’ambassadeur de France Louis Delamare à Beyrouth (septembre 1981) ou encore le consul général britannique à Istanbul (janvier 2004) ont perdu la vie suite à des attentats terroristes les visant directement. L’ambassadeur britannique à Montevideo fut, quant à lui, kidnappé et maintenu dans une cellule pendant neuf mois, en 1971, par l’organisation des Tupamaros. L’ambassadeur de Belgique à Rabat, Marcel Dupret, fut tué lors d’un attentat conduit par les cadets de l’armée marocaine contre le Roi Hassan II, au Palais d’été de Skhirat, le 10 juillet 1971. Son collègue au Caire, Claude Ruelle, fut blessé lors de l’attentat qui coûta la vie au président Sadate, le 6 octobre 1981. On peut aussi citer la mort tragique de l’ambassadeur de France dans l’ex-Zaïre, en République démocratique du Congo, Philippe Bernard, qui survint le 28 janvier 1993 au cours d’une mutinerie de militaires qui fit une cinquantaine de victimes. Des ambassadeurs doivent se déplacer en voitures blindées, reçoivent des primes de risque et en viennent à transformer leur résidence en véritable forteresse.

L’occupation pendant plusieurs mois de la résidence de l’ambassadeur du Japon à Lima en décembre 1996 par des combattants du mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, la destruction des ambassades américaines à Dar es Salam et Nairobi en 2001 par Al Qaïda, l’attentat qui endommagea l’ambassade du Danemark à Islamabad en juin 2008 par une organisation wahhabite agissant avec l’aval de Al Qaïda démontrent la vulnérabilité des bâtiments diplomatiques dans un contexte d’internationalisation du terrorisme. Certes, cette insécurité n’existe que dans un certain nombre de pays, mais elle requiert des qualités particulières de la part des diplomates qui y travaillent. Dans son intéressante typologie des diplomates, Yvan Bazouni9 évoque les « baroudeurs » qui ont un penchant pour l’aventure et aiment les missions difficiles. Sans doute ces diplomates-là acceptent-ils plus facilement les postes dits à risque, mais il n’est pas sûr qu’ils en retirent souvent de réelles compensations professionnelles ou personnelles.

METTRE LES DIPLOMATES SUR LE TERRAIN :
LA DIPLOMATIE TRANSFORMATIONNELLE

On pourrait dire, en caricaturant légèrement, que le projet de « diplomatie transformationnelle » de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice10 est inspiré par le souci d’envoyer les diplomates sur le terrain, pour y faire du nation-building. L’idée est de faire participer les diplomates à des projets de (r)établissement de l’Etat de droit et de consolidation d’Etats fragiles. On se focalisera sur quelques Etats-clefs considérés comme fragiles : le Nigéria, la Colombie, l’Indonésie, mais surtout l’Iraq et l’Afghanistan. Il devient alors quasi indispensable, dans toute carrière diplomatique, de servir quelques années dans un poste difficile (hardship post) et, ce, même si on n’a pas l’âme d’un baroudeur.

La diplomatie transformationnelle considère, dès lors, que le diplomate, à côté de ses tâches traditionnelles d’analyse politique et économique et de protection des intérêts de ses concitoyens, doit aussi gérer des programmes de démocratisation et d’éducation dans des pays en reconstruction. Cela signifie, par exemple, que le diplomate quitte le confort de son ambassade pour aller travailler dans les grandes villes du pays, sans personnel local ni responsabilité consulaire. C’est le concept d’« American Presence Post » (APP), actuellement testé en Egypte (Alexandrie) et en Indonésie (Medan) et bientôt en Chine (Wuhan) et en Corée (Busan). Un diplomate américain décrit l’APP en ces termes : « l’avantage de l’APP, c’est que vous devenez un élément du tissu social local. Les journaux vous appellent.

Les gens demandent votre avis. Vous êtes mêlé à toutes ces questions et les gens se tournent vers les Etats-Unis comme vers un pays ayant un avis intéressant sur beaucoup de choses […] Je suis fondamentalement un homme politique local »11. Pourtant, s’il est louable de vouloir « agir au-delà des murs de l’ambassade », pour reprendre les termes utilisés dans un rapport sur The embassy of the future, force est de constater qu’il y a une contradiction entre le temps qu’il faut pour conduire une action comme celle du rétablissement de l’Etat de droit et la rotation des diplomates dans un poste, rotation d’autant plus rapide que le poste est difficile. Quelle peut être la crédibilité d’un diplomate envoyé sur le terrain s’il s’en va au moment où il est véritablement admis par la société locale ? On a fait remarquer que les administrateurs coloniaux12 restaient souvent entre cinq et dix ans dans un poste colonial et en tirait une connaissance des réalités locales qui était unanimement reconnue.

La carrière diplomatique ne permet pas des séjours longs, en général. Enfin, n’est-il pas un peu illusoire d’agir dans des domaines qui relèvent directement de la souveraineté des Etats ? Ces diplomates sur le terrain ne risquent-ils pas d’être accusés d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays ? Cela dit, même si le concept de « diplomatie transformationnelle » paraît déjà avoir vieilli, il a débouché sur des conclusions opérationnelles intéressantes, qu’on retrouve dans le rapport déjà cité sur « l’ambassade de l’avenir ». Une de ces conclusions est résumée en ces termes : « pour réaliser cet objectif, la diplomatie peut puiser dans une palette d’actions comme la diplomatie publique, les contacts avec les minorités nationales ou encore avec les décideurs économiques »3.

UN DIPLOMATE À L’ÉCOUTE DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES

A côté de ses responsabilités d’information et d’analyse, l’ambassadeur est aussi régulièrement appelé à soutenir les entreprises. Il s’agit de la diplomatie économique, qui consiste à accompagner les efforts de pénétration économique des entreprises sur un marché déterminé, notamment en les mettant en rapport avec des décideurs économiques et en organisant des actions de relations publiques afin de valoriser le savoir-faire économique et technique d’un pays.

La diplomatie économique est aussi au service de l’attraction des investissements. Dans les pays en développement, le diplomate peut être appelé à donner son avis sur la solvabilité par rapport à la dette extérieure ou encore sur les perspectives de croissance. Enfin, la diplomatie économique vise à lever certaines restrictions aux importations que l’un ou l’autre Etat impose dans le cadre d’une « guerre commerciale » ou de mesures de protection sanitaire (comme par exemple dans le cas de la crise de la dioxine). Cela nécessite de nombreuses démarches, un grand effort d’explication, mais le résultat, parce qu’il est tangible, offre des satisfactions plus immédiates qu’une longue négociation politique. Le diplomate se mue ainsi en consultant au service de l’industrie de son pays.

LES QUALITÉS DU DIPLOMATE

On a beaucoup daubé sur la soi-disant duplicité du diplomate. Dans ses Caractères, La Bruyère compare le diplomate à un caméléon : « toutes ses vues, […] tous les raffinements de sa politique tendent à une seule fin, qui est de n’être point trompé, et de tromper les autres ». C’est pourtant vouloir lui faire un mauvais procès : le diplomate qui ment arrive rarement à ses fins. La sincérité est une qualité appréciée chez le diplomate, de même qu’une réelle capacité d’écoute, ainsi que le résume joliment la formule du diplomate japonais Komura Jutaro : « un diplomate doit utiliser ses oreilles et non sa bouche ». La maîtrise de soi, dans les situations les plus troublées, est une qualité souvent citée, qui se confirme lorsqu’un diplomate organise le rapatriement de ses compatriotes dans un pays en proie à une catastrophe naturelle ou à un conflit armé. Ou encore lorsqu’une ambassade doit subir des critiques pour telle position adoptée par son gouvernement. Enfin, la modestie est – quoi qu’on en pense – une qualité importante pour un diplomate, car son contraire – la vanité – est la mère de toutes les indiscrétions.

Si l’on veut résumer les qualités du diplomate d’aujourd’hui, on perçoit bien les différences avec le passé. Loin des manoeuvres de couloir, il est amené à déployer ses activités dans un vaste champ d’actions, qui va de la politique commerciale à l’action culturelle, en passant par les questions militaires et celles de développement. Il ne prétend pas en être un expert, mais plutôt quelqu’un qui est capable d’en faire une synthèse destinée à nourrir une action.

Même s’il lui arrive de négocier en secret, il lui faut aussi savoir communiquer tant avec les partenaires qu’avec un plus large public. Pour autant, il n’est pas possible de faire ce métier sans être animé d’une foi dans l’aptitude de l’humanité à ordonner son développement et d’une capacité à privilégier le dialogue sur la force, l’intelligence sur les passions, les projets à long terme sur les « coups ». Il y a des constantes dans ce métier : intérêt pour les relations entre les Etats et entre les nations, attirance pour les autres cultures, sens du service de l’Etat. En ces temps de turbulence internationale, l’ambassade reste ce lieu d’accueil où l’on s’efforcera toujours d’apporter l’assistance (consulaire, économique, culturelle) qu’on est en droit d’attendre d’un service public incarnant la représentation d’un Etat auprès d’un autre Etat.

 1 Hubert VEDRINE , « Le monde va rester dur », in Samy COHEN (dir.), Les Diplomates : négocier dans un monde chaotique, Autrement, Paris, 2002, p. 74.
26 Id.
7 Bertrand BADIE , Le Diplomate et l’intrus, Fayard, Paris, 2008, 285 p.
8 « Pierre Sellal, l’homme de la France à Bruxelles », Le Monde , 1er juil. 2008, p. 15.
310 On lira à ce sujet The Secretary of States Advisory Committee on Transformational Diplomacy , State Department Publication n° 11 484, janv. 2008. Une analyse intéressante du concept de Mme Rice a été faite par Justin VAÏSSE , sous le titre « Etats-Unis : le temps de la diplomatie transformationnelle », Cahiers du Chaillot , n° 95, déc. 2006.
11 The Embassy of the future, CSIS, Washington, 2007, p. 38.
12 Jan HOLLANTS VAN LOOCKE , De