LA BELGIQUE, TERRE D'IMMIGRATION

A propos d'une politique de migration
Auteur: 
Michel POULAIN, Irnerio SEMINATORE et Marie LABOUTIQUE
Date de publication: 
2/3/2012

Compte-rendu
Par Marie Laboutique

Lors d'une conférence du 21 février 2012 à l'Academia Diplomatica Europaea, le Professeur Michel Poulain a développé le thème de la politique d'immigration dans le contexte actuel d'une Europe, en principe, sans frontière intérieure.

Le Professeur Michel Poulain est actuellement chercheur au Centre d'étude de Gestion Démographique pour les Administrations Publiques, à l'Université Catholique de Louvain, en Belgique.

Que ce soit en Belgique ou dans un autre pays, la migration apparaît comme une réponse à un contexte socio-économique perturbé par une forte pression démographique. Jadis terre d'émigration, la Belgique est devenue une terre d'immigration dès la fin du XIXème siècle. Dans ce contexte, de nombreux problèmes d'intégration ont apparu.

A ce sujet, il convient de distinguer la migration individuelle ou familiale, la migration de masse et la migration voulue ou forcée. Les critères utilisés afin d'identifier les individus qui sont rattachés à un territoire donné et qui composent sa population sont très variés et permettent d'identifier le degré d'intégration des individus dans cette population.

La question qui se pose est de savoir s'il existe des « limites » légitimes au droit à l'immigration qui transformeraient une frontière en une réelle barrière au passage des frontières de l'Europe?

Par la détermination même du terme de frontière, il s'agit d'ores-et-déjà d'un obstacle, aussi bien géographique et historique que culturel et linguistique. L'objectif de l'Union européenne est toutefois de favoriser la libre circulation des ressortissants des États membres, du moins au sein de l' « espace Schengen ». Parmi les migrations internationales, les deux principales causes des flux migratoires sont le facteur démographique et le contexte économique (situation du marché de l'emploi). Il s'est avéré que les pays qui se sont ouverts à l'immigration sont le plus souvent ceux qui s'en sont très bien sortis d'un point de vue économique.

Suit in extenso l'article du Professeur Poulain sur le sujet.

 

Article de Michel POULAIN

 

Il sied à l'homme heureux de rester chez lui

On a tous besoin de vivre quelque part

On n'a pas le droit de vivre n'importe où

L'homme vit là où il trouve à se rassasier, pas où il naît


Avertissement : les réflexions présentées ci-après constituent le fruit d'un cheminement jalonné de certitudes scientifiques et de convictions idéologiques. Elles découlent de rencontres, d'échanges et de lectures. L'apport de l'auteur se limite bien souvent au choix opéré parmi plusieurs idées scientifiquement défendables émises par d'autres et à l'agencement de ces idées en une suite qui lui paraisse logique. A aucun moment, nous ne voudrions laisser supposer que l'auteur soit le premier à émettre ces idées, ni que la façon de les présenter soit la seule qui puisse être scientifiquement justifiée. Le seul mérite que nous pensons garder est celui d'avoir énoncé relativement clairement les principales composantes d'un problème dont l'importance n'est pas à démontrer.

1. Le concept de migration

Changer le lieu où l'on a l'habitude de vivre, ce que l'on appelle son "chez soi" : tel est la façon la plus simple de définir une migration. De tout temps, la migration a existé comme mécanisme régulateur de l'équilibre entre l'évolution démographique et celle des ressources disponibles en un lieu donné. Elles furent aussi le fait des guerres et des invasions dictées par une intolérance ou une volonté d'hégémonie liées à la religion, la race, la langue, la culture… Par comparaison au règne animal, la migration s'inscrit comme un ajustement du territoire propre à chaque homme, à chaque famille ou ménage et à chaque groupe, communauté ou société.

2. La Belgique, jadis terre d'émigration

Dès le début du XIXe siècle et plus significativement à partir de 1846 par suite de la crise économique des Flandres et des effets désastreux de la maladie de la pomme de terre, l'émigration flamande prend une ampleur considérable aussi bien vers les cités industrielles du sillon Sambre-et-Meuse au cœur d'une Wallonie prospère que vers le Nord de la France avec son industrie textiles et ses exploitations houillères. En Wallonie, les campagnes ne seront pas épargnées avec, dès 1852, une émigration des Brabançons vers le Wisconsin et d'autres états américains en pleine phase de peuplement. Par la suite, les Luxembourgeois défavorisés par une industrie du fer qui périclite et les verriers de la région de Charleroi prendront également le chemin des Etats-Unis en grands nombres et ce, jusqu'avant la Première Guerre Mondiale.

Ainsi, pour la Belgique comme souvent partout ailleurs, la migration apparaît le plus souvent comme une réponse à un contexte socio-économique modifié ou perturbé face à une pression démographique.

3. La Belgique devenue terre d'immigration

A la fin du XIXe siècle, on enregistre des changements majeurs au sein des classes ouvrières et de la société, plus en général : mobilité sociale, hausse des salaires et crises de subsistance, protection de l'ouvrier, l'enfant objet devenu l'enfant chéri… Les Flamands ne prendront plus le chemin des mines wallonnes parce qu'en outre le développement économique de la Flandre et plus particulièrement l'essor du Limbourg retiennent dorénavant les Flamands chez eux. Après les Flamands, ce sont des étrangers qui prendront le relais dans les mines dès la fin du XIXe. Le souci de la relance économique à l'issue des deux guerres mondiales va se traduire en Wallonie par un recrutement de main d'œuvre organisé. Les Italiens viendront en grand nombre et ils constituent encore aujourd'hui la plus forte colonie étrangère de Belgique et plus particulièrement de la Wallonie. Toutefois la catastrophe de Marcinelle en août 1956 va sonner la fin des grandes vagues de l'immigration italienne et on assistera à une multiplication des accords bilatéraux de fourniture de main-d'œuvre et à l'arrivée des Marocains et des Turcs.

La crise économique et la fermeture des frontières décidée dans la majeure partie des pays d'Europe Occidentale en 1974 laissera une porte ouverte vers le regroupement familial : la migration temporaire, conjoncturelle et économique touchant principalement les hommes devient une migration familiale de peuplement et pose d'emblée le problème de l'intégration. Avec la raréfaction des migrations par regroupement familial, l'immigration prendra la forme de mariages arrangés et mariages blancs, demande d'asile et clandestinité. Ce sont là les nouvelles façons d'entrer en Belgique dans un contexte où assez paradoxalement l'Europe se construit, le Mur de Berlin tombe et l'Union Européenne renforce ses frontières.

4. Quelques éléments de réflexion pour une politique migratoire

    La migration individuelle ou familiale, librement consentie, peut permettre à l'homme de répondre à ses besoins profonds et de se réaliser dans un autre lieu, dans un autre environnement. On migre le plus souvent parce que la probabilité de s'épanouir ailleurs devient objectivement et/ou subjectivement plus grande. On pourrait citer, par centaines, des exemples de telles migrations ayant contribué à l'épanouissement des personnes concernées, personnes qui, à leur tour, ont apporté un influx positif au développement de leur société d'accueil. La migration peut, par conséquent, être considérée comme un élément positif, pour autant qu'elle se fasse sans contrainte et soit librement décidée par l'intéressé. Le rôle moteur que certains migrants sont amenés à prendre au sein de la société d'accueil n'est pas étranger au caractère largement sélectif de la migration. Dans la plupart de ces cas, la force de caractère des migrants est franchement tranchée par rapport à celle des sédentaires et leur apport dans la société d'accueil tient principalement dans le fait d'un regard nouveau et de l'introduction d'idées neuves.

    A l'inverse, la migration de masse, par laquelle des centaines, des milliers de personnes quittent un même lieu, perçu comme répulsif, vers un autre qualifié d'attractif, résulte d'un contexte tout autre. Cette migration massive est généralement vécue par ceux qui l'expérimentent comme une contrainte nécessaire, voire forcée, un mal difficilement évitable. Certes, chacun des migrants, individuellement parlant, migre parce qu'il a le ferme espoir que la probabilité de se réaliser est plus grande ailleurs. Néanmoins, comme l'histoire récente l'atteste, ce phénomène de masse concerne des centaines de milliers d'individus et, à chaque fois, il apparaît comme étant une réponse socio-économique à des déséquilibres chroniques en matière de niveau de vie, de disparités économiques ou culturelles, régionales ou internationales. C'est dans cette catégorie que viennent s'insérer le phénomène de l'exode rural et de l'urbanisation ainsi que la plupart des mouvements migratoires d'envergure apparaissant au niveau international.

    Existe-t-il une éthique en matière de migration ? Nous partirons du principe initial selon lequel tous les hommes sont égaux, chaque individu ayant le droit de pouvoir se réaliser pleinement de la façon dont il souhaite pour autant que ceci se fasse en harmonie avec la réalisation des autres. La liberté de mouvement des individus est directement liée à la liberté de pouvoir mener ce projet individuel sans interférer avec celui des autres. Afin éviter les interférences et d'accorder l'égalité des chances et des opportunités à chacun, cette liberté de mouvement est indispensable. A priori, rien ne s'oppose à ce qu'un individu puisse s'établir et vivre là où il le désire, afin de développer ce projet, pour autant qu'il respecte autrui, mais également les règles de base de la société dans laquelle il s'insère et les principes de solidarité qui y règnent. Néanmoins, on constate que dans le concret des situations, un tel droit ne peut effectivement être reconnu, au niveau international.

    La migration forcée, celle qui ne correspond pas à un libre choix de l'intéressé, n'est, quant à elle, pas souhaitable. Une telle affirmation n'est pas étrangère au principe selon lequel toute société a l'obligation de créer un environnement socio-économique, mais également culturel et démocratique, tel que tout individu la composant ne soit pas forcé d'émigrer. Nous incluons au sein de ces migrations forcées, celles qui sont imposées par certaines raisons écologiques, telles que la désertification ou l’élévation du niveau des mers. Ces catastrophes naturelles encombrant également à la responsabilité d’un société qui se doit d’assumer correctement son équilibre avec son environnement.

    Pour un territoire donné, les critères utilisés afin d'identifier les individus qui y sont rattachés et composent sa population sont divers et multiples. Ceci pose directement le principe d'appartenance à une société donnée. Considérons une société, une population, un groupe ayant une inscription spatiale bien définie, un territoire sur lequel cette population jouit d'une large autonomie. Quels sont les critères pour déterminer qui appartient ou non à cette population, qui est rattaché à ce territoire ?

  • le fait d'y être né
  • le fait que le père et la mère, ou le père seulement, appartiennent à cette population
  • le fait de détenir la nationalité propre à cette population (artifice juridique permettant de figer cette appartenance)
  • le fait d'y vivre de facto et la durée de cette résidence
  • le fait d'y posséder des biens immobiliers
  • le fait de parler la même langue, de pratiquer la même religion, de suivre les mêmes coutumes culturelles
  • le fait d'y exercer une activité professionnelle ou de dépendre directement de quelqu'un exerçant une telle activité

    Selon ces différents critères, l'individu sera plus ou moins intégré dans cette population, sur ce territoire. Mais entre le touriste étranger de passage et l'indigène qui se sent parfaitement chez lui, il y a toute une gradation que le simple statut de nationalité ne permet pas de rendre compte. Celui qui satisfait à tous ces critères peut être considéré comme appartenant à la population de ce territoire : c'est un indigène à part entière. Concrètement, il vit manifestement "chez lui" sur ce territoire, il peut en user et participer aux prises de décisions communes. Cela est moins vrai, selon des proportions variables, si l'un de ces critères n'est pas rencontré. Lorsque plusieurs critères ne sont pas satisfaits, on en arrive à la notion d'étranger, mais il est clair que le passage progressif du concept d' étranger à celui d’indigène varie selon un continuum. En outre, d'une société à l'autre, selon que celle-ci soit plus ouverte ou plus fermée sur elle-même, l'intéressé sera perçu soit comme appartenant à la population du territoire concerné, soit comme un étranger.

    Jadis, chaque bourgade possédait ses "bourgeois" et ses "masuirs" qui étaient opposés aux "forains", les étrangers ; un ensemble de droits et privilèges n'étaient accordés qu'aux premiers. Ainsi, un effet de frontière se marquait généralement dès que l'on quittait une cité pour rejoindre une autre communauté. De nos jours, à l'intérieur d'une même région administrative ou d'un même pays, il n'y a plus guère de frontières intérieures et l'on peut généralement modifier à loisir son lieu de résidence sans que cela ne change fondamentalement les droits et les devoirs de l'intéressé par rapport à la société dans laquelle il vit. Il reste néanmoins que le nouvel arrivé sera perçu toujours comme un étranger pendant toute une période qualifiée d'intégration. La libre circulation à l'intérieur d'un territoire souverain est perçue comme étant une des composantes essentielles de nos sociétés libérales à tel point qu'en France et au Royaume-Uni, on n'envisage pas de pouvoir introduire un système de registre de population, car il serait perçu comme une contrainte à la liberté individuelle de se déplacer. Une question essentielle se pose, par conséquent : en quoi le fait de passer une frontière nationale donne-t-il un statut distinct à une migration? Pourquoi, dans ce cas, les mouvements migratoires changent-ils, aussi bien en importance qu'en caractéristiques ? Finalement, existe-t-il des limitations légitimes du droit à l’immigration qui pourrait transformer une frontière en une barrière ?

    Si, dans la pratique, l'être humain n'a pas le droit de vivre n'importe où sur la planète, ce droit doit lui être reconnu dans un lieu, une contrée, un pays qu'à juste titre il considère comme son lieu d'origine. Ceci implique un devoir de la société d'origine à son égard, celui de créer les conditions socio-économiques lui permettant de vivre une vie décente et normale en lui accordant notamment les droits fondamentaux dignes de la personne humaine (droit au travail, à se nourrir, se vêtir et se loger, liberté d'expression...). C'est en l'absence de telles conditions qu'est généralement prise la décision d'émigrer et ce, après avoir apprécié le pour et le contre et recherché un équilibre subtil entre des éléments savamment pesés. Faut-il le rappeler, la migration est le phénomène démographique qui traduit le mieux le choix raisonné de l'individu face à un ensemble de données objectives et subjectives et un univers de contraintes propres à chacun. En fait, le phénomène migratoire, qu'il soit interne ou externe à un pays, peut être considérer à certains égards comme une réponse sociale imposée par une situation de rupture devenue insupportable. Et c'est dans ce sens qu'il y a une différente flagrante entre la migration individuelle et la migration de masse.

    Au niveau interne à chaque pays, on reconnaît généralement à l'individu le droit de circuler librement et de s'établir là où il le souhaite pour autant qu'il respecte le droit à la propriété. La problématique migratoire entre les pays du Sud et ceux du Nord ne répond manifestement pas à la même logique fondamentale, la réglementation des pays d'accueil et leur politique migratoire constituant un obstacle déterminant à l'entrée des migrants et à leur insertion dans la société d'accueil. Parmi les migrations internationales, les principaux courants de masse nous concernant partent des pays du Sud vers ceux du Nord. Les deux principales causes de ces flux migratoires sont sans conteste le facteur démographique et le contexte économique. On observe, entre les pays du Nord et ceux du Sud, un déséquilibre démo-économique majeur qui est particulièrement frappant entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, entre l'Amérique anglo-saxonne et l'Amérique latine, entre l'Asie du Sud et l'Insulinde, d'une part, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, d'autre part, ou encore entre les républiques européennes et musulmanes de l'ex-URSS.

    Le facteur démographique a trop souvent été négligé probablement par manque de documentation fiable ou plus certainement parce que ses effets échappent à l'observation à court terme. En matière de population, l'unité de temps n'est ni l'heure ni l'année, mais le temps de renouvellement d'une génération, c'est-à-dire un bon quart de siècle. Or les faits sont clairs. Les populations des pays du Sud connaissent, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une expansion qui a atteint son zénith dans les années 70. A cette époque, avec un taux de croissance annuel proche de 3%, les effectifs des populations concernées doublent en un quart de siècle. Cette croissance démographique est, de par son ampleur, un phénomène inédit pour l'histoire de la planète. Elle est le résultat d'une réduction brutale de la mortalité, réduction consécutive à l'application massive en deux ou trois décennies des techniques médicales modernes que l'Europe a mis deux siècles à découvrir. Or, dans le Tiers Monde, la natalité reste en général très élevée parce qu'elle est liée à des fonctions de production archaïques, à forte intensité de travail non qualifié : l'enfant y "rapporte" dès l'âge de cinq ans. Et, dans une structure sociale de "famille élargie", le chef de ménage garde très tard la disposition du fruit du travail des plus jeunes. Il faut bien comprendre que cette natalité élevée n'est pas la cause de la pauvreté du Tiers Monde, elle est en la conséquence.

    Les deux dernières décennies ont vu certes une diminution de la fécondité sous l'effet des programmes de planification et d'émancipation familiale, le tout évoluant sous le regard attentif et intéressé des nations développées et des organismes internationaux. L'impact de ces changements fut assez inégal, selon le degré de réceptivité et l'intérêt des nations concernées. De la sorte, il ne convient plus de parler de nos jours de la forte fécondité des populations du Tiers-Monde, mais plutôt d'une grande diversité de situations qui se traduit également en termes de croissance démographique. Néanmoins, par le fait de l'inertie des évolutions démographiques, la croissance démographique reste généralement soutenue et le restera vraisemblablement pendant quelques décennies encore et, même si la part des jeunes de moins de 15 ans diminuera vraisemblablement dans la plupart de ces pays, le nombre de ceux qui viendront à leur tour se presser sur le marché de l'emploi de la planète, restera conséquent durant un demi-siècle au moins.

    Dans les pays du Nord, c'est plutôt d'une implosion démographique dont on devrait parler. La diminution de la mortalité a été suivie par une régression de la natalité observée depuis plus de deux siècles en France et depuis un siècle au moins, par ailleurs. Cette réduction s'explique également par des raisons économiques, avec l'apparition de fonctions de production dites "modernes" à forte intensité de capital et de travail qualifié. Dans ces conditions économiques, l'enfant n'acquiert la formation requise qu'au terme d'une longue et dispendieuse scolarité. Par conséquent, il représente un coût non négligeable dans une structure sociale où prédomine la famille nucléaire et où l'enfant se libère très jeune de la tutelle parentale et dispose pleinement des fruits de son travail. La diminution non simultanée de la mortalité et de la natalité s'est traduite, dans un passé récent, par une croissance importante, mais temporaire, des populations européennes au cours d'une phase dite de transition démographique. Mais à aucun moment, cette croissance n'a été semblable à celle qui emporte la plupart des pays du Tiers-Monde, depuis les années 70.

    Le déclin de la fécondité des populations d'Europe Occidentale s'est fortement accéléré durant la décennie '70, après une reprise généralisée faisant suite à la seconde guerre mondiale. Conçue pour lutter contre l'exubérance des pauvres et pour tenter de résorber l'explosion démographique des populations du Tiers-Monde, la pilule a eu pour effet premier de favoriser la stérilité des riches. L'efficacité de ces moyens contraceptifs modernes a donc provoqué dans les pays du Nord un véritable effondrement de la fécondité avec une rapidité, ou plutôt une soudaineté, bien supérieure à celle de l'explosion démographique du Tiers-Monde. Cette évolution a une double conséquence : le vieillissement démographique de la population et la réduction de son volume. L'un et l'autre ne sont pas sans lien avec l'existence de flux migratoires en provenance du Sud, puisqu'ils agissent sur le volume, la qualification et le dynamisme de la force de travail des pays concernés.

    Au déséquilibre démographique que nous venons de décrire, se superpose un déséquilibre économique. Dans la majorité des pays du Sud, le problème économique se traduit par un déficit alimentaire inquiétant. On ne peut l'attribuer trop vite à la "surpopulation". Ce déficit croissant dans un secteur de base est bien plus la conséquence d'une politique de développement outrageusement favorable aux cultures exportables et à l'industrie lourde. Si l'on considère également l'importance des investissements de prestige, on constate que l'agriculture vivrière a été systématiquement délaissée. De surcroît, une importante partie du revenu national a été, dans plusieurs pays du Sud, détournée par une bourgeoisie au pouvoir. Certains sons de cloche n'ayant pas le caractère officiel, mais circulant dans le couloir des réunions d'experts internationaux, ne font-ils pas état d'une proportion de 60% de l'aide au développement qui se retrouverait dans les coffres des banques suisses ?

    Un examen rapide du marché de l'emploi et de l'évolution de la demande d'emploi dans les pays du Sud montre que ce sont principalement les effectifs des cadres moyens, des cadres supérieurs et des professions libérales qui se sont accrus. Par ailleurs, on dénote une stagnation du nombre d'ouvriers qualifiés ou d'exploitants agricoles alors que les ouvriers non qualifiés et manœuvres sont en faible augmentation. On constate généralement une incapacité des économies du Sud à absorber un excédent de la population d'âges actifs aussi bien au bas qu'en haut de la hiérarchie des produits du système éducatif. Et cette incapacité n'ira pas en diminuant, puisque la tendance structurelle du système éducatif est plutôt encline à former des profils professionnels non demandés par le marché du travail. Et toute cette évolution relève d'une tendance lourde si l'on tient compte de la donnée démographique qui, à elle seule, est susceptible de neutraliser tout redémarrage rapide de l'activité économique.

    Face à ce potentiel migratoire dans les pays du Sud, fruit d'une expansion démographique et d'une économie incapable d'absorber les effets de cette démographie, des courants de migration se créent et s'amplifient vers les pays du Nord, de l'autre côté de la fracture créée par ce profond déséquilibre socio-économique. L'expérience du passé le démontre, certains flux migratoires massifs n'ont guère posé de problèmes, dans un premier temps, car ils satisfaisaient les responsables des deux parties concernées, le pays de départ et celui d'accueil. Ce fut le cas, par exemple, des flux migratoires de l'après-guerre amenant les Européens du Sud dans les mines et les industries des pays du nord-ouest de l'Europe qui souhaitaient relancer leur économie. C'était du troc, en quelque sorte, une rencontre immédiate d'intérêts essentiellement d'ordre économique. Mais qu'advient-il si une partie reste demandeuse alors que l'autre ne marque plus son intérêt ? L'équilibre factice est rompu et d'autres voies doivent être trouvées pour résoudre les problèmes persistants au sein du pays qui reste demandeur, qu'il s'agisse du pays de départ ou de celui d'accueil. Agressés par une pression émigratoire sans précédent, les pays du Nord ont été amenés, dans le contexte de la crise économique des années '70, à fermer leurs frontières et à renforcer progressivement des mesures de protection de leur économie et de leur territoire. Dans les faits, ceci s'est traduit par la mise sur pied de politiques migratoires plus ou moins restrictives. Bien souvent, on constate un association évidente entre les sociétés fortement libérales où la politique migratoire est peu restrictive et celles où le réseau de solidarité sociale est de faible intensité. A l'inverse, dans la plupart de nos sociétés européennes où le système de solidarité sociale est largement développé, les politiques migratoires apparaissent plus restrictives, en relation avec les avantages divers que l'appartenance au territoire apporte.

    C'est dans un tel contexte que des nouvelles voies d'immigration ont vu le jour. Dans un premier temps, pour des raisons d'ordre moral et humanitaire (droit des immigrés à mener une vie normale), mais également aussi pour des considérations d'ordre démographique (tenter de corriger la fécondité européenne partout déclinante), les autorités des pays d'accueil ont été amenés à adopter des politiques de regroupement familial en permettant à l'immigré de faire venir son conjoint et ses enfants. En fait, ces décisions constituent le trait marquant de la transition entre une immigration temporaire d'une force de travail essentiellement adulte et masculine et une immigration permanente de peuplement au niveau familial.

    Durant cette période, on découvre l'importance du problème de l'intégration, concept qui pourra donner lieu à une politique d’insertion, selon les uns, d'assimilation, selon les autres ou encore de cohabitation. Dans ce contexte, ressort la difficulté liée à la seconde génération née dans le pays d'accueil, génération qui risque de n'être rattachée ni au pays d'origine des migrants, ni à leur pays d'accueil. Nier que l'intégration des populations étrangères dans les pays du Nord pose problème serait se voiler la face. Le logement est avec l'enseignement et l'emploi l'un des trois axes primordiaux de lutte contre la régression sociale et la ségrégation des étrangers. La précarité du logement n'est certes pas une exclusivité des familles immigrées, il n'empêche que l'occupation d'un logement décent doit être assurée aux populations immigrées. La ségrégation spatiale des étrangers dans nos espaces urbains et la constitution de ghettos viennent renforcer cette différentiation entre nationaux et étrangers quant à l'accession à des logements viables. Le rôle des pouvoirs publics dans ce domaine est prépondérant afin d'assurer aux familles immigrées ce besoin vital que constitue la sécurité d'un habitat salubre et approprié à leurs besoins familiaux. L'occupation d'un emploi est également une composante essentielle du processus d'intégration des immigrés. Il ne fait pas de doute, les immigrés ont plus de difficultés que les nationaux à trouver un emploi, même lorsqu'ils ont suivi une formation professionnelle. Aussi les pouvoirs publics ont-ils fort à faire dans ce domaine afin d'assurer aux travailleurs immigrés une égalité de traitement aussi bien en matière de formation, de promotion et d'accès à l'emploi qu'en matière de conditions de travail et de niveau de rémunération. En matière d'enseignement, une attention toute particulière doit être portée aux femmes issues de l'immigration en assurant leur alphabétisation et l'apprentissage de la langue nationale, la non-interruption de leur scolarité, et l'éducation à la santé. Il n'est pas besoin de faire état des liens importants entre logement et santé d'une part, entre emploi et santé de l'autre. Dans tous les cas, l'éducation à la santé s'avère un des moyens essentiels d'égalité entre nationaux et étrangers.

    Si le regroupement familial a permis, dans un premier temps, de contourner la fermeture des frontières dans les pays traditionnels d'immigration, les candidats potentiels à l'émigration ont dû, par la suite, avoir recours à d'autres solutions qui sont apparues dès le milieu de la décennie 80. Le recours à l'immigration humanitaire à titre de demandeur d'asile et plus rarement à titre de réfugié politique reconnu, constitue dorénavant la première voie permettant de maintenir une certaine immigration des gens du Sud dans les pays du Nord-Ouest de l'Europe. Ces nouveaux courants d'immigration camouflés sous le couvert de demandeurs d'asile plus ou moins authentiques, fuient des situations politiques et humanitaires considérées comme intenables dans leurs propres pays. L'accroissement soudain, observé ces quelques dernières années dans le domaine des demandes d'asile, est également une source d'inquiétude supplémentaire pour les pays du Nord. Les pays réputés par leur tradition de tolérance et d'hospitalité ont été amenés à revoir leur politique en la matière et à prendre des mesures de précaution pour s'assurer de la réalité de la condition de réfugié, pour toute personne déposant une demande d'asile. Par ce fait même, le taux de reconnaissance à titre de réfugié s'est largement réduit, mais la plupart des requérants déçus sont souvent forcés de rentrer dans l'illégalité plutôt que de quitter, comme ils le devraient, le pays qui vient de leur refuser l'accueil. Illégale et clandestine, la migration irrégulière n'est pas un fait nouveau, mais l'échec de la procédure de demande d'asile gonfle sans conteste le volume de la population vivant en séjour illégal dans les pays du Nord. Cette même population clandestine est, en outre, amplifiée par ces touristes d'un jour qui s'empressent de disparaître officiellement et d'apporter leur bras à une économie souterraine bien structurée pour laquelle leur soutien est essentiel.

    Dans l'optique des pays du Nord, une question prospective a souvent été posée : l'immigration en provenance du Sud résout-elle le problème du vieillissement démographique des sociétés occidentales ? Le vieillissement de la pyramide des âges des populations du Nord est certain, mais ses effets devraient se faire sentir plus encore au début du XXIe siècle. C'est alors seulement qu'un déséquilibre entre population active et non active est prévisible dans la plupart des pays européens. Mais il s'agit d'un raisonnement du type "toutes choses restant égales par ailleurs", ce que l'histoire a le plus souvent démenti. Entre-temps, la part entre jeunes et moins jeunes, dans la population active, tournera à l'avantage des aînés et le dynamisme de la force de travail occidentale pourrait, selon une optique pessimiste, s'éroder. D'autres spectres sont brandis tels que l'équilibre du système de la sécurité sociale et plus particulièrement celui du paiement des pensions. Dans ce climat alarmiste, l'idée est venue qu'il était possible de contrer ce vieillissement démographique par une importation de population étrangère. La réponse des scientifiques est claire : il est illusoire de croire qu'une politique d'immigration puisse remédier au déséquilibre croissant de la pyramide des âges. La natalité étrangère contribue certes, de façon significative, au relèvement du niveau de la natalité générale, mais la situation est telle qu'il faudrait une immigration massive pour permettre d'atteindre le niveau fatidique de remplacement des générations. Seuls des flux continus et importants donnant lieu à un doublement, voire même dans certains cas, à un décuplement des effectifs des populations en place, pourraient modifier la situation actuelle et permettre de se rapprocher du niveau de remplacement proche de 2,1 enfants par femme.

    On ne peut pas encore prédire ce que sera l'emploi des années 2010. Ainsi, ne peut-on imaginer un travail de quatre jours par semaine, une retraite à 75 ans, la mise sur pied d'une double carrière d'intensité distincte avec une nouvelle formation entre 45 et 50 ans ou encore la revalorisation importante des emplois considérés à ce jour comme peu qualifiés ? Comme dans de nombreuses situations passées, c'est dans le bas de l'échelle que l'offre d'emploi sera la plus pressante et ceci, à proximité de tout ce qui touche à l'économie souterraine. Les secteurs non-qualifiés, plus particulièrement dans les services, dans la construction et l'agriculture trouveront de moins en moins de bras parmi les populations locales. Les adéquations entre la formation, les aspirations et les offres d'emplois laisseront vraisemblablement inoccupés certains secteurs peu qualifiés. Sans nul doute, la demande se précisera à l'avenir et quelles que soient les conditions légales laissées à l'immigration, cette demande exercera une force d'attraction. Ainsi, l'immigration est à même de combler les lacunes sectorielles qui apparaîtront sur le marché de l'emploi. Entre les demandeurs d'emploi parmi la population locale et les immigrés, la balance risque fort bien de pencher à l'avantage des immigrés moins exigeants, mieux formés et plus enclins à accepter un travail ne concordant pas nécessairement avec leur formation initiale. Par ailleurs, il faut se rendre compte que les migrants auront des niveaux de qualification de plus en plus élevés qu'ils ne pourront faire valoir dans leur pays d'origine, faute de développement suffisant. Ainsi, par suite d'une éducation et d'une formation en amélioration nette dans certains pays du Sud, les pays du Nord devront trouver plus loin ces travailleurs non-qualifiés prêts à accepter n'importe quelles conditions de travail.

    En filigrane de ces considérations relatives à la nécessité ou non de maintenir une immigration dans les pays du Nord, il est bon de rappeler, qu'économiquement parlant, l'histoire passée prouve que les régions ou pays qui se sont ouverts à l'immigration sont le plus souvent ceux qui sont sortis en tête au point de vue économique. Qu'en sera-t-il, dès lors, de l'Europe industrialisée de demain ? Soyons clair, en avançant cet argument à consonance strictement économique, on vise uniquement l'intérêt des pays du Nord. Par ailleurs, on constate que, toutes réflexions faites, en dépit de la diversité de ces politiques hostiles à l'immigration et la multiplication des mesures restrictives, l'émigration en provenance du Sud vers les pays du Nord ne s'est jamais arrêtée. Elle a tout simplement changé de caractère en s'adaptant à chaque fois à des conjonctures spécifiques et à une évolution interne, mais ce, exclusivement dans les pays d'accueil. De façon assez constante, l'ensemble est essentiellement ponctué, au départ comme à l'arrivée, par des facteurs d'ordre économique.

    Revenons-en aux solutions à prôner pour tenter de satisfaire à la fois les besoins du Nord et du Sud. C'est l'aide au développement qui vient immédiatement à l'esprit, mais il doit s'agir d'une aide équitable entre partenaires qui se respectent. Dans ce sens, l'intégration des pays d'émigration dans des ensembles supranationaux liés par des règles de solidarité s'avère une solution prometteuse. C'est du moins ce que l'on peut espérer si l'on en juge par l'évolution de l'Espagne et du Portugal depuis leur adhésion dans la communauté européenne. De nos jours, l'émigration massive a disparu dans ces deux pays de la péninsule ibérique et tous deux s'avèrent même attractifs à l'intérieur de la Communauté. D'ailleurs, la suppression des migrations de masse est un objectif poursuivi en son sein par la Communauté Européenne à l'aide d'une politique explicite tendant à procurer du travail aux populations là où elles résident et à réduire parallèlement les inégalités socio-économiques régionales. Est-il imaginable d'étendre de telles actions politiques au-delà des frontières de l'Europe afin de couvrir, par exemple, l'ensemble du bassin méditerranéen ? Plus concrètement, cela signifierait-il que l'intégration de la Turquie et du Maroc dans la Communauté Européenne constituerait une solution miracle qui aurait pour conséquence le tarissement de l'exode en provenance de ces pays ? Peut-être, mais à quel prix et, sans nul doute, en reportant le problème plus loin, en Afrique sub-saharienne, avec le Mauritanie, le Sénégal ou le Mali.

    Face au risque très actuel d'une émigration massive dans les pays du Sud, seule une aide substantielle proposée par les pays riches peut aider à infléchir les tendances observées. Encore faut-il que cette coopération opère une véritable conversion et qu'elle profite réellement et de façon durable aux populations du Sud, plutôt qu'à une bourgeoisie locale associée à une poignée de politiciens et d'affairistes. La coopération dont nous parlons est une coopération équitable entre peuples ayant les même droits, y compris dans le domaine économique.

5. En guise de conclusion

Dans le contexte de l'Europe qui se forme et qui cherche son identité, la migration est un problème crucial. La pression migratoire en provenance du Sud n'est pas nouvelle et deux autres composantes sont entrées dans le concert des discussions de nos responsables politiques : le risque d'une explosion migratoire en provenance de l'Est, d'une part, les demandes d'asile de plus en plus nombreuses et de provenance de plus en plus lointaine, d'autre part. Aussi, les flux migratoires avec les pays du Sud nous semblent principalement un problème à traiter en priorité par un rapprochement des nations et des bonnes volontés au nord et au sud. Et c'est dans ce cadre que doit se développer sur la base d'initiatives publiques, mais également d'initiatives privées, la recherche d'un développement intégré et durable, à la fois des pays du Nord et des pays du Sud.

Dans le contexte actuel, deux questions se posent à l'Europe et à nous :

  • l'Europe choisit-elle de s'assumer en tant que partie du monde porteuse de progrès et de liberté ? L'Europe de demain sera-t-elle celle des polices ou celle des droits de l'homme ? Dans le second cas, il lui sera politiquement, moralement, voire économiquement difficile, sinon impossible, de s'enfermer sur elle-même et de laisser se développer à ses frontières une situation insurrectionnelle chronique qui peut s'avérer à terme fatalement subversive.
  • L'Europe perçoit-elle que ses rapports avec les pays du Sud peuvent influencer son propre devenir ? Dans ce cas, des formes de coopération nouvelles et innovatrices avec ce Sud doivent être trouvées et un rapprochement entre pays du Nord et pays du Sud devient incontournable.

Si la réponse à ces deux questions est positive, alors un nombre minimum d'immigrations est inévitable. Mieux, un nombre qualifié d'idéal d'immigrations et d'échanges migratoires à double sens devrait trouver sa place dans le contexte d'une solidarité accrue entre pays du Nord et pays du Sud1.

L'EUROPE ET LES MIGRATIONS MONDIALES
par Irnerio SEMINATORE

 Les migrations mondiales sont devenues un enjeu mondial au XXIème siècle et comportent trois grandes remises en question:

  • celle de la souveraineté et des frontières, donc de l'État;
  • celle de la citoyenneté et de l'identité de la nation;
  • celle de la régionalisation du rapport entre développement et migrations.

Ces trois aspects induisent une transformation des relations diplomatiques et donc des politiques extérieures des États.

En effet, par l'ampleur du phénomène, celles-ci font intervenir une continuité de politiques et d'acteurs qui peuvent être identifiés au sein d'une mondialisation désordonnée comme:

  • une prise de conscience multilatérale et globale du phénomène, impliquant une exigence de gouvernance et de régulation;
  • une contrainte collective en faveur d'une coopération régionale plus poussée, sous forme d'accords bilatéraux;
  • une véritable politique extérieure des diasporas nationales, autrement dit la mise en place d'instruments étatiques visant la relation entre puissance et démographie d'une part et la prise en charge de la part des États d'origine de solutions différentes, s'agissant de la pauvreté (Italie, Irlande, Pologne), du sous-développement (Afrique) et de la surpopulation (Allemagne) d'autre part, tout en exerçant une relation de tutelle, de protection et d'influence à l'égard des émigrants.

Le XXI ème siècle s'ouvre sur une ère de migrations mondialisées et celles-ci comportent pour l'Europe des traumatismes multiples et des adaptations contradictoires.

Les premiers sont constitués par l'échec des modèles nationaux d'intégration en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne et par l'essoufflement du multiculturalisme dans un repli communautariste.

L'ethnicisation de la pauvreté se relie ainsi à l'exclusion sociale, à l'islamisation des groupes radicaux, et à l'immigration clandestine. Les deuxièmes se définissent comme des enjeux mixtes, internes et extérieurs, liés à une sécurisation accrue des frontières et se confondent avec une préoccupation voire une hostilité croissante des populations. Ceci explique partiellement la nécessité d'une législation communautaire et les réactions démo-populistes des systèmes politiques.

Par ailleurs, la logique sécuritaire en Europe impose un effort grandissant aux États pour contrôler les frontières extérieures et limiter les violences venant des extrémismes religieux. Cette dimension superpose ainsi des approches stratégiques à des phénomènes humains et sociologiques ordinaires et séculaires qui ont scandé, non sans conflits, l'Histoire de l'Humanité.

1. Pour fixer ce nombre idéal et non plus minimal d'immigrations, il convient d'additionner différentes composantes, alliant à la fois les objectifs du nord et du sud : les demandes relatives au marché du travail dans les pays d'accueil, les immigrations par réunification familiale (dont l'intensité dépend du niveau de réunification et d'intégration que l'on souhaite poursuivre), les immigrations par suite de mariages mixtes (leur nombre augmente sensiblement), un partage équitable des véritables demandeurs d'asile et réfugiés entre les différents pays démocratiques de la planète, un certain nombre d'immigrations s'inscrivant dans un processus de solidarité humanitaire et dans le cadre d'une coopération équitable et d'un échange véritable de savoir-faire…