Divergence britannique envers l'Europe

Ce mardi 15 novembre 2011, pour la neuvième année consécutive, l’Institut Européen des Relations Internationales (IERI) et l’Academia Diplomatica Europaea (ADE) ont ouvert leur année académique dans le cadre prestigieux des Musées d’Art et d’Histoire au Parc du Cinquantenaire.

Une centaine de personnes sont venues écouter un panel de sept experts sur la thématique : « Le leadership, l’Homme d’Etat, le Rôle de la Grande-Bretagne en Europe et dans le monde » qui introduit la « Promotion Winston Leonard Spencer Churchill », année 2011-2012.

Panel 

Irnerio Seminatore, Président de l’IERI, introduira cette ouverture solennelle en motivant le choix de la personnalité de Winston Churchill par sa qualité d’homme d’une double transition.

« La transition de l’âge victorien de l’équilibre de puissance caractéristique de la première et de seconde guerre mondiale et suite à l’effondrement du concert européen et l’instauration de la bipolarité. Nous sommes dans une phase nouvelle du système international dans laquelle l’Europe doit montrer qu’elle est capable de constituer un rôle influent dans le cadre d'une transition vers la multipolarité ».

En qualité de Chairman, Giles Merritt, Editor of Europe’s World & Heads of Friends of Europe and Security & Defense Agenda, introduira cette session en évoquant la schizophrénie des Anglais dans leur rapport à l’Europe. Il rappellera l’initiative britannique dans l'ouverture communautaire mais aussi sa volonté d’Empire, d’être un acteur influent sans être un partenaire européen.

S’il évoque la schizophrénie britannique dans son rapport à l’Europe actuelle, c'est pour distinguer la position conservatrice eurosceptique de la position socialiste, plus favorableme à l’Europe, percevant sa capacité à être une force collective. Il prendra l’exemple de la création du marché unique.

Sans oublier de mentionner l’activité stimulante des britanniques au sein de l’UE qui empêche parfois les commissaires de se laisser aller à une « pensée unique », il passera la parole à l’Ambassadeur polonais Slawomir CZARLEWSKI, représentant de la Présidence polonaise auprès de l’Union européenne.

 

Avant de rappeler les priorités de la Présidence polonaise auprès de l’Union européenne, l’Ambassadeur Czarlewski évoquera l’engagement sans failles de Winston Churchill lors de seconde guerre mondiale en insistant sur son attitude marquée par une association presque parfaite de bon sens et de courage de responsabilité et d’imagination politique.

 

Un éloge qui se verra nuancé par l’intervention de Jamie SHEA, Directeur de la planification des politiques au Cabinet du secrétaire Général de l’OTAN. Sans oublier le courage politique de Churchill dans son opposition à Hitler lorsque d'autres conseillers conseillaient une paix de compromis avec Hitler, Jamie Shea insistera sur le passé moins glorieux de Winston Churchill pour démystifier sa figure aujourd’hui célèbre. Il introduira son intervention en évoquant Alan Brooke, véritable autre héro de la seconde guerre mondiale.

L'engagement de Churchill pour la construction européenne lui vaudra un échec à deux reprises lors des élections qui ont suivi la seconde guerre mondiale. La raison évoquée est son faible investissement dans la politique intérieure. Mais bien au-delà de son engagement européen, Jamie Shea rappelera l'implication stratégique de Chuchill qui voulait une influence sans être engagé par une Union. L’adhésion britannique à l’Europe a d’ailleurs été motivée par la pression étasunienne qui souhaitait n'avoir à faire qu’à un seul interlocuteur, l’Union européenne.

 

Parmi les éléments empêchant encore aujourd'hui une intégration idéologique de la Grande-Bretagne à l'Europe, Jamie Shea évoquera la culture libérale des britanniques parallèlement au fonctionnement corporatiste européen. Si la Grande-Bretagne avançait vers le corporatisme européen ça serait nuisible à la ville de Londres qui se veut d'être une cité financière.

Une autre raison du manque d'intérêt britannique dans le projet européen est le faible intérêt que l'Union européenne accorde à l'intégration d'une armée européenne.

Il fait donc le portrait d'un pays qui veut un engagement européen basé sur des accords économiques et militaires mais qui ne veut pas entendre parler de compromis politiques.

John WYLES, éditorialiste pour European Voice et Directeur d'ECO-Communications, nuancera en énonçant la volonté européenne réelle de Churchill et son souhait d'intégration. Selon John Wyles, c'est le conflit avec son gouvernement qui a forcé la Grande-Bretagne à rester à l'écart de l'Union européenne.

 

En tant qu'expatrié depuis le plus jeune âge, John Wyles explique son affection pour la Grande-Bretagne mais aussi son recul critique. Et selon lui, les caractéristiques les plus troublantes de la culture britannique sont apparues lors de son adhésion à l'Europe.

D'une part, le pragmatisme britannique qui les empêche de se projeter dans un projet européen trop abstrait. A l'opposé de ses prédécesseurs il n'évoque pas la qualité « d'empêcheur de tourner en ronds » des britanniques mais plutôt leur manque de maturité pour adhérer à un projet complexe illustré par leur demande constante de traitement particulier. Il fera alors référence au traitement médiatique de l'Union européenne par les tabloïds et la vulgarité de ces derniers. Les mensonges relatifs aux actions de l'Union européenne qui y figurent ont donné naissance à une institution unique dont le but est de lutter contre ces mensonges.

Malgré une gouvernance britannique actuelle très sceptique envers l'Union européenne, John Wyles n'oublie pas certains de leurs gouvernants tels Tony BLAIR qui, au contraire, faisaient la promotion de l'intégration européenne. Ce qui a ruiné ce sentiment pro-européen est l'investissement de Blair dans la guerre en Irak qui a rappelé aux européens la volonté britannique d'un partenariat privilégié avec les États-Unis. De plus, la promotion européenne qu'il faisait était constamment dirigée à l'extérieur et donc vers l'Europe ce qui a terni son image en Grande-Bretagne.

L'actuel discours de Cameron donne l'impression que la Grande-Bretagne n'a qu'un rôle extérieur à l'Union.

 

Richard Corbett, chargé des relations avec les Parlements (nationaux et européens) dans le cabinet du Président du Conseil européen, Monsieur Herman Van Rompuy, rappellera le discours de Churchill de 1946 qui évoquait déjà les États-Unis d'Europe sous un leadership franco-allemand qui précédait de 20 ans l'officialisation de ce leadership dans le Traité de l'Élysée. Churchill énonça que le premier pas de la reconstruction européenne devrait se faire main dans la main avec l'Allemagne. Et il ajouta que cette unité devait se signaler par une absence de menace, une absence de guerre et de conflits.

Mais ce sentiment pro-européen changea pour laisser place à un euroscepticisme croissant que Richard Corbett perçoit comme un danger pour le futur de l'Union européenne. Il déplore un intérêt politique à court terme pour un parti politique précis plutôt qu'un intérêt politique à long terme pour l'avenir du pays.

 

 

Enfin, l'Ambassadeur de Grande-Bretagne à Bruxelles, Monsieur Jonathan Brenton, conclura cette ouverture solennelle rappellant le poid de l'intérêt national dans l'élaboration des politiques économiques et financières mais aussi institutionnelles et politiques avant de laisser place aux questions muries de l'assemblée.

 

Synthèse et propos recueillis par Mademoiselle Marie Verwilghen,

Chargée de Communication à l'IERI.