DIPLOMATIE ET STRATEGIE. FONDEMENTS ET PRINCIPES DE POLITIQUE ETRANGERE

Le dilemme de l'ordre, le rôle de la paix et le défi de la force
Auteur: 
Irnerio SEMINATORE
Date de publication: 
15/2/2020

TABLE DES MATIÈRES

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QU'EST CE QU'UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE?

SUR LA LOGIQUE DES COALITIONS

PAIX ET GUERRE. SUR LE RAPPORT DE FORCES, LES TYPES DE PAIX ET LES CONFLITS PROBABLES

LA GUERRE ET SON CARACTERE ENDEMIQUE

L'ENTENDEMENT POLITIQUE, L'INTENTION HOSTILE ET LA DECISION D'EXCEPTION

GUERRE ET STRATÉGIE. SUR LA SUBORDINATION DE LA STRATEGIE A LA GUERRE ET DE LA GUERRE A LA POLITIQUE. CLAUSEWITZ ET ARON

H.MORGENTHAU OU LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE COMME DÉFENSE DE L’INTÉRÊT NATIONAL LIMITE

D.HUME, M.KAPLAN, R.ARON ET LA THÉORIE DE LA BALANCE

LE SYSTEME PLANETAIRE ET LE RÔLE DE LA DIPLOMATIE ET DE LA FORCE. STRAUSZ-HUPÉ, G.F. KENNAN ET H.KISSINGER. . DE LA GUERRE TOTALE AUX CONFLITS LIMITES

LE DILEMME DE L'ORDRE INTERNATIONAL ET LE RÔLE DE LA DIPLOMATIE À L'ÂGE NUCLÉAIRE

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QU'EST CE QU'UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE?

Nous entendons pour politique étrangère la politique extérieure d'un État, qui baigne dans un terrain de compétition et de rivalités et qui se déroule à l'ombre d'un conflit

Il s'agit d'une action qui vise en priorité les équilibres de sécurité et la "Balance of Power", et, en conséquence, la recherche par anticipation de la stabilité d'un système, dont elle est partie.

Puisque tout acteur étatique, demeure en son fond une unité combattante, qui ambitionne un gain, en influence, autorité, prestige ou ressources, la pluralité des objectifs, d'un acteur international, justifie la définition de la politique étrangère comme unité du verbe diplomatique et de l'action militaire.

Cette solidarité est subordonnée à la politique générale de l' État, qui détermine à la fois l'intérêt national et les objectifs à faire valoir vis à vis des adversaires, par la voie de la négociation ou par celle de la force, autrement dit par la persuasion ou par une politique de contrainte.

Dans tous les systèmes internationaux,l'exigence de se protéger et de se défendre ou, à l'inverse, d'imposer sa suprématie, pousse les États à rechercher une prévention et donc un équilibre qui garantisse la sécurité collective par une politique d'alliance.

Le but en est, au niveau régional, de s'opposer à la puissance perturbatrice et, au niveau du système, d’empêcher l'établissement d'une paix de suprématie ou d'empire,à l'intérieur de laquelle chaque acteur aurait aliéné totalement son autonomie stratégique et son indépendance politique.

SUR LA LOGIQUE DES COALITIONS

L'impératif d'une coalition militaire, polarisée autour d'un acteur principal et face à la coalition adverse, consiste à empêcher l'autre d'acquérir des capacités supérieures et de les faire valoir, de manière permanente ou circonstancielle, pour acquérir une suprématie périlleuse.

Il en découle au sein de chaque alliance que la politique étrangère des unités composantes, exclut la solidarité totale des alliés, car la force d'une coalition est toujours inférieure à la somme des capacités dont elle dispose sur papier.

Les raisons en sont multiples, à partir de la divergence irréductible des intérêts nationaux et de la discorde sur la stratégie entre les chefs militaires de la coalition, jusqu'aux mésententes entre  stratèges et décideurs politiques.

Le principe de la paix, qui est un rapport de forces et un rapport d'équilibre comme tout autre,ne peut avoir un autre fondement que celui qui lui est essentiel, l'assurance de l'équilibre et de la sécurité.

Or, la paix recherchée, influence les modèles de conflit, de telle sorte qu'elle préside à la dialectique de l'antagonisme, la paix belliqueuse (ou de soumission ), la paix de persuasion (ou de compromis) et la paix dissuasive (ou de la terreur).

PAIX ET GUERRE

L’objectif d’une politique étrangère n’est jamais la guerre en elle-même. La guerre n’est que l’objet d’une recherche anxieuse ou calculée, celle d'un équilibre de pacification.

La paix elle-même, est un rapport de forces, hégémonique ou de soumission. Les typologies de la paix, d’équilibre ou d’empire, influencent les hypothèses et les modèles de conflit et éclairent sur les scénarios des guerres probables ?

LA GUERRE ET SON CARACTERE ENDEMIQUE

Quant à la guerre, sa définition doit être intégrée aujourd’hui à la notion plus générale de conflit. La guerre apparaît comme une espèce particulière de conflit. Elle met aux prises des États constitués, au même temps qu’elle fait partie du processus par lequel ceux-ci se font ou se défont dans l’histoire. En tant que phénomène social, la guerre « n’est jamais un acte isolé, sans relation avec la vie antérieure de l’État », car la guerre ressemble aux sociétés qui la combattent et elle en
reflète l’originalité historique. En tant que violence organisée et finalisée, elle est tout autant créatrice que destructrice de liens sociaux.

Comme dialogue sanglant, la guerre ne comporte guère de rationalité ou de cohérence dans l’ascension de la violence, point de restriction dans l’intensité de ses formes. Elle se situe entre le jeu et la violence totale, et elle est tout aussi proche d’une institution régulière que de la fureur élémentaire.

Elle présente enfin un caractère endémique dans toutes les cultures, les époques et les civilisations, s’inscrivant dans une logique irréductible à la morale irénique de l’histoire, celle de la raison, de la religion et du droit.

Un univers pacifié est de fait inconcevable et la différence entre les formes violentes de la lutte, perd toute sa signification lorsqu’il est question de définir l’essentiel dans l’ordre politique, à savoir qui a le droit de commander et de s’imposer, et qui a le devoir d’obéir et de se soumettre.

La guerre naît d’une situation politique, découle d’une décision politique et demeure un acte politique, puisque c’est l’État qui crée l’ennemi et il appartient à l’État de le désigner.

L'ENTENDEMENT POLITIQUE, L'INTENTION HOSTILE, ET LA DECISION D'EXCEPTION

Plus en profondeur, la cause originelle  de la guerre est l’intention hostile, se nourrissant des tensions qui la précèdent et relevant de l’intelligence politique de la souveraineté.

L’entendement politique domine toutes les phases du conflit. Il pondère et décide de l’importance de la bataille et du choix des théâtres, de l’effort civil et de l’effort militaire, du début et de la fin des hostilités. Il fait constamment référence à l’ensemble de la conjoncture et ne peut se limiter au calcul exclusivement militaire des forces.

L’élément passionnel et le sentiment d’hostilité, qui animent le peuple et l’armée et qui naissent et grandissent avec le conflit, ne sont décisifs que lorsqu’ils font défaut.

Lorsqu’il y a crise de puissance entre souverainetés politiques, qu’elle qu’en soit la forme, par le vide, par l’attrition, ou par la manœuvre, c’est la souveraineté, homme ou office, qui décide aujourd'hui, encore plus qu’hier, du « risque extrême dans le conflit extrême », essayant de discerner le but politique (Zweck) du but militaire (Ziel), la fin positive de la fin négative, l’intimidation de l’interdiction, la coercition de la dissuasion.

La guerre est, en sa définition moniste, conceptuelle ou abstraite, un « duel à vaste échelle » et donc, « un acte de violence, destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté » (Clausewitz).

Elle se développe dans le temps et a donc une durée. Elle se meut dans un élément quotidien, le danger, le risque, le hasard et comporte « la force d’âme suprême qu’est le courage » (Clausewitz).

La volonté qui se prévaut de la guerre, veut s’affermir sur d’autres, contre l’interdiction combinée de l’ambiance (environnement naturel ou social) et contre la coercition variable des hommes (dialectique des alliances et modification constante de la relation de l’ami et de l’ennemi).

Une pareille considération nous ramène encore une fois en amont, à la cause profonde et à l’intention politique.

GUERRE ET STRATÉGIE. SUR LA SUBORDINATION DE LA STRATEGIE A LA GUERRE ET DE LA GUERRE A LA POLITIQUE. CLAUSEWITZ ET ARON

Si la guerre se modèle sur la politique et si la stratégie doit servir les objectifs et les buts que celle-ci lui assigne, la nature multiforme de la politique à l’âge planétaire impose à l’analyste de saisir le sens de la relation originelle entre guerre et stratégie.

« La tactique- écrit Clausewitz- est l’enseignement de l’emploi des forces armées dans le combat, la stratégie, l’enseignement de l’emploi des combats en fonction du but de la guerre. »

Selon R. Aron, la nature du moyen employé, les troupes ou les combats, différencient chez Clausewitz, tactique et stratégie. Le souci de R. Aron consiste à maintenir ferme, conceptuellement, une série de distinctions.

De bas en haut, la distinction entre tactique et stratégie,puis, dans le cadre de l’unité de la politique étrangère, la solidarité et le partage des deux fonctions capitales de la diplomatie et de la stratégie militaire ; au niveau de l’histoire, la démarcation entre paix et guerre et enfin, quant à l’évolution de la stratégie et à son extension, la non-confusion et la non-identité entre stratégie et politique et le primat de celle-ci sur celle-là.

Pour R. Aron, la subordination de la guerre à la politique, comme subordination de l’instrument à son but, comporte une subordination de la stratégie à la politique, conçue comme « faculté intelligente » et comme considération générale de toutes les circonstances.

L'existence des armes nucléaires et la stabilité dissuasive qu’elles imposent aux duellistes majeurs du système, se concilie donc avec des situations régionales instables, où la décharge de la violence armée, décentralise et limite les enjeux, sans miner la stabilité du niveau nucléaire central.

Au point de vue du système international et de sa gouvernabilité, la dialectique entre influence des puissances globales et revendications locales, justifie la thèse selon laquelle, dans un contexte planétaire fragmenté, « tout système à conflictualité centrale faible, apparaît couronné par une violence périphérique forte et inversement".

H.MORGENTHAU OU LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE COMME DÉFENSE DE L’INTÉRÊT NATIONAL LIMITE

Le retour à la théorie du système international est dû aujourd'hui aux interrogations sur la fin du globalisme et sur l'organisation du monde autour de pôles de puissances en compétition, ce  qui induit une rédistribution du pouvoir global, une remise en cause de la paix et une crise sécuritaire en Europe.

Ici, la limite évidente est celle des institutions européennes et la permanence de l'organisation de défense collective de l'Atlantique Nord (Otan), qui tiennent liées les deux parties fissurées du continent, la Grande Bretagne et les pays membres de l'UE et prolonge les questionnement sur l'autonomie stratégique et l'indépendance politique de l'Europe vis à vis des États-Unis.

L'ensemble de ces éléments pousse les analystes non seulement à revenir vers les classiques, en vue d'une simplification des réalités, mais à distinguer entre ce qui est variable et ce qui est permanent dans la logique de la sécurité et dans la psychologie des décideurs.

Selon Hans Morgenthau, l'un des représentants les plus éminents de l'école réaliste des relations internationales, les rapports inter-étatiques s'expliquent par deux référents,la nature humaine et l'intérêt du pouvoir. L'Histoire démontre que tous les États conçoivent leurs politiques étrangères en termes "d'intérêt"national, défini comme pouvoir-puissance et que cet intérêt s’identifie à la survie et à la logique des choix rationnels. En tant que tel, l'intérêt national protège l'identité d'un peuple dans la jungle de l'état de nature de la société des nations, où règne la guerre de tous contre tous. Ici la règle de l'intérêt des unités politiques,représente à la fois "l'ultima ratio regum" et l'essence même de la politique, déduite d'une moralité qui diffère de la moralité des individus.

Selon Morghentau,la politique interne et la politique internationale,peuvent être réduites à trois options:
- le maintien du "status-quo" (États conservateurs)

- la remise en cause de la distribution conjoncturelle du pouvoir international ( révisionnisme étatique)

- la démonstration de force, comme expression d'une politique de prestige, obtenant un gain assuré normalement par la guerre ou par une action militaire.

A la preuve de l'expérience le révisionnisme le plus radical a pour fondement la révision mémorielle de l'histoire et la réécrituredu passé; un passé qui commande toujours au futur.

D.HUME, M.KAPLAN, R.ARON ET LA THÉORIE DE LA BALANCE

La théorie de la "Balance of Power", élaborée par David Hume et typiquement anglaise, représente une forme d'équilibrage du pouvoir, conçu pour prévenir une hégémonie universelle et garantir la sécurité de certains pays.

Au même temps elle préserve les éléments du système et le système lui même.

La théorie de la balance est considérée par Morgenthau comme inadéquate par rapport à la finalité fondamentale des relations internationales, consistante à assurer la sécurité , car elle est à la fois incertaine, réaliste et inadéquate.

Incertaine, quant à l'évaluation des intentions et des moyens des perturbateurs; réaliste, car elle fait pencher la balance sur le concept de supériorité et inadéquate, puisqu'elle n'accorde l'importance que mérite l'homogénéité intellectuelle de l'Europe entre le Traité de Westphalie (1648) et la première guerre mondiale(1914).

Le paradigme  de supériorité des forces, selon Spykman ,semble constituer , le référent alternatif au consensus et au compromis diplomatique de Morgenthau , assurant plus de sécurité et préférable ,de ce fait ,à la politique de la Balance.

Cependant, depuis les années 1970, celui qui a expliqué de manière plus conséquente le modèle de la "Balance of Power", comme facteur structurant des systèmes internationaux est Morton Kaplan.

En comparant le système grec des villes-États, puis le système des villes italiennes de la renaissance et enfin le concert européen des XVIII et XIXème siècle, il en conclut que l'aspect le plus stable d'équilibre, est un ensemble constitué de cinq puissances, ou d'un nombre supérieur, à condition qu'elles soient impaires, indépendantes et de force presque égale.

La modélisation de Kaplan prouve, au delà de l'abstraction, le tribut indispensable que la politique internationale doit payer à l'Histoire.

Or la réfutation la plus probante de la politique internationale comme doctrine de l'intérêt, vient de R.Aron, selon lequel l'intérêt national est un moyen et pas une fin en soi de l'action extérieure d'un État.

La notion d'intérêt est remplacée par celle d'objectifs nationaux, plus large et plus prospective.

C'est à ce point qu'il faut s'interroger si l'on parle de la politique étrangère d'un État et donc de relations de rivalité et d'antagonisme ,exclusivement inter-étatiques, comme champ politique englobant et général, ou, en revanche,  de relations compétitives et coopératives extérieures, relatives à l'économie ou à la société civile.

Celle-ci est élaborée dans la scène interne et a comme protagonistes les opinions, les citoyens et les acteurs économiques, et la première, rigoureusement politique ,  fait ses preuves dans l'interaction et le  dynamisme vigoureux d'un champ d'acteurs, qui ont comme protagonistes et décideurs, ministres ,diplomates et soldats, avec à leur tête des Chefs d"Etats et de gouvernement.

Les premiers ont comme références les desiderata éthiques et les requêtes sociales, les deuxièmes les ambitions personnelles, les contraintes capacitaires et les calculs rationnels.

LE SYSTEME PLANETAIRE, LE  RÔLE DE LA DIPLOMATIE ET  CELUI  DE LA FORCE.

STRAUSZ-HUPÉ, G.F. KENNAN ET H.KISSINGER . DE LA GUERRE TOTALE AUX CONFLITS LIMITES

L'emploi de la diplomatie devient difficile en l'absence d'un consensus entre grandes puissances sur la nature et la gestion du pouvoir international, à cause du caractère irréconciliable  des régimes politiques  ou des ojectifs politiques illimités.

Selon  Strausz-Hupé le conflit international intervient essentiellement sous la poussée divergeante, voire antagonique des pouvoirs établis(ex. actuels, Macron/Trump,>Trump/Poutine, Ouest atlantique>Grand Occident-plurivers romain, réformé et orthodoxe de l'émisphère Nord ).

Strausz-Hupé analyse  le rapport entre pouvoir et transformation du système et, après avoir pris en considération les objectifs de politique étrangère des différentes unités politiques, il attribue une importance décisive aux issues d'une série de révolutions ,qui ont transformé les institutions politiques et les conceptions du pouvoir de toute une époque historique.

Il  conclut que le futur de l'organisation du monde, dépendra de l'issue de la révolution en cours. D'où son intérêt pour les concepts stratégiques plus adéquats aux défis que l'Occident doit affronter.

En effet, l'étude des concepts stratégiques soviétiques, lui fit découvrir, à l'époque, les conditions et  la doctrine du un "conflit prolongé" que  l'Union Soviétique mènait contre l'Occident et qui prescrivait le collapse des systèmes politiques, une doctrine d'anéantissement des forces , fondée sur le principe d'un objectif total,  l'élimination de son acteur principal et  la refonte du système.

Avec George F.Kennan la diplomatie infléchit toute radicalité  dans l'utilisation de la violence et contribue à formuler des limites à la politique étrangère américaine, en facilitant le changement, par une modération des conflits et l'abandon de buts universalistes, au profit d'objectifs limités en politique étrangère, qui permette un "containement" géopolitique de l'adversaire.

Dans le but de limiter les conflits, Kennan identifie dans la tradition américaine, la création d'un espace juridico-moraliste, pratiqué par la diplomatie, qui vise à minimiser les conflits par le recours au droit international , à la négociation et aux traités.

En revanche une guerre ou des conflits, combattus au nom de principes moraux élevés, conduisent les Etats à poursuivre des objectifs nationaux illimités et à choisir "la guerre totale".

 Dans la préservation de la paix et la modération des conflits, Kennan assigne un rôle très important à la diplomatie et au verbe diplomatique.

Le réalisme de Kennan, s'appuyant sur des concepts géopolitiques a joué un rôle de premier plan dans le développement de la politique des Etats- Unis, vis à vis de l'Urss.

Proposant une distinction entre le court terme et le long terme, il a fondé cette scansion  sur le "containement" du pouvoir soviétique et de ses visées expansionnistes, comme préalable , dans un deuxième temps à une politique d'intrusion,  visant à un changement du pouvoir à l'intérieur de l'URSS.

Dans cette perspective le désengagement militaire des Etats-Unis en Europe centrale et Orientale aurait contribué, selon ses suggestions à libéraliser les régimes communistes.

La contradiction de fond de la nouvelle situation politique du monde se situait désormais, à partir des années 1950,  dans la formulation d'un modèle de conception étatique, où le concept "d'intérêt national limité" prévault, comme au XIXème siècle, sur les buts universalistes et, de ce fait révolutionnaires, des puissances maleures

Rejetant toute influence de la sécurité collective sur la préservation de la paix, Kissinger, analyste de l'histoire diplomatique européenne, fonde sa démarche sur le système international de l'après guerre mondiale, sur les deux concepts,de "légitimité" ou de consensus étatique et sur la "stabilité"d'une certaine structure d'ordre.

Là,où la légitimité étatique prévault- sourient-il -le consensus des grandes puissances implique l'acceptation de la structure de l'ordre international établi.  Là où, en revanche, l'acceptation de maintenir la paix, comme absence de guerre, concerne une  puissance majeure insatisfaite, celle-ci,cherche à tranformer l'ordre existant d'un système , par la remise en cause du système lui même, comme contraire à ses intérêts et ambitions.

Ainsi, après un conflit de grandes proportions, la restauration d'un ordre stable entre vainqueurs et vainçus, repose sur la limitation des moyens et des fins de politique étrangère. En cas de marginalisation du vainçu ou de la puissance insatisfaite, le système devient révolutionnaire (Strausz-Hupé, Kissinger,Aron).

C'est avec Kissinger que le dilemme le plus dramatique de politique étrangère, le choix  "entre la capitulation et le suicide", pousse l'ancien secretaire d'Etat à formuler l'alternative de la doctrine des "moyens limités pour des objectifs limités".

Ainsi le rôle de la diplomatie de l'âge balistico-nucléaire demeure celui de limiter simultanément les moyens et les fins, rendant possible la restauration d'un équilibre de pouvoir entre duellistes (l'équilibre dissuasif ou d'anéantissement réciproque-MAD).

Ainsi, soutint il, si les États adopteront une stratégie de guerre limitée, il deviendra possible de combattre soit des conflits conventionnels que des conflits nucléaires "sans une escalation" vers la guerre totale.

Cette lecture de la conjoncture de la bipolarité, dans laquelle l'idéologie contribuait puissamment à développer des objectifs universalistes , posait le problème, confié à la diplomatie, de favoriser un accord entre les puissances majeures de la conjoncture, pour maintenir le système et et guère pour le subvertir.

LE DILEMME DE L'ORDRE INTERNATIONAL ET LE RÔLE DE LA DIPLOMATIE À L'ÂGE NUCLÉAIRE

Or, dans le monde d'aujourd'hui, à sructure multipolaire, comment parvenir à la constitution d'une structure d'ordre ,capable de préserver la paix ,dans un monde global?

C'est la question clé du système actuel.et par conséquent celle de la diplomatie.

Par un système de règles admises et respectées, qui limitent la liberté d'action des États, ou, en revanche, par un équilibre des forces, qui interviennent en cas d'effondrement des règles?

Deux éléments sont aujourd'hui communs à l'analyse des réalités internationales et apparaissent tout à fait incontournables, la multiplicité des acteurs, des civilisations et des cultures et, à l'opposé, l'unicité du cadre d'action, l'unité d' un monde clos, limité et interdépendant.

Deux moyens demeurent en revanche optionnels, celui des règles communes et celui du système des forces, aux références divergentes et aux objectifs incompatibles.

Nous retrouvons dans ce dilemme de l'art de gouverner et de la High Polics l'éternelle opposition entre la loi et la force, au service de l'idéal de la paix et de la sécurité.

Cette opposition revient, par une sorte de cycle récurrent, lorsque les crises, poussant les décideurs aux solutions extrêmes,interrogent la logique du risque et, simultanément  la survie à long terme de l'humanité.

 

Bruxelles 29 Janvier 2020