SORTIR DE LA CRISE IRLANDAISE: QUELLES SOLUTIONS?

Auteur: 
Paolo Ponzano
Date de publication: 
19/6/2008

Afin d'analyser et de trouver une solution permettant de sortir rapidement de la crise irlandaise, je passerais en revue les paramètres qui rendent très difficiles les différents scenarios envisagés :

1) Europe à deux vitesses (ou noyau dur ou avant-garde). Dans l'état actuel d'une Communauté de droit, il n'est pas possible de contourner la règle de l'unanimité inscrite dans les Traités pour mettre en place une Europe à deux vitesses (ou autre formule) excluant un État membre du premier cercle CONTRE sa volonté.

Je comprends bien qu'on veuille exercer une pression politique sur un EM, mais non pas au prix de déclarer possibles en droit ce qui était exclu jusqu'à présent. Par conséquent, l'appel éventuel à la clause "rebus sic stantibus" prévue par la Convention de Vienne sur le droit des Traités pour denoncer les Traités actuels et en conclure un autre (peu importe si à 13 ou à 26) reprenant le contenu du Traité de Lisbonne n'est pas juridiquement possible.

D'ailleurs, si cette possibilité avait existé, A. Spinelli n'aurait pas eu besoin d'inventer l'art. 82 de son projet de Traité de 1984, ni F. Lamoureux et ses collègues de la Task-force n'auraient eu besoin d'inventer la formule très imaginative mais complexe du projet "PENELOPE".

En outre, d'un point de vue politique, je vois mal comment certains EM accepteraient aujourd'hui d'appliquer à l'égard d'un pays de la zone Euro ce qu'ils n'ont jamais envisagé d'appliquer à l'égard d'autres pays "eurosceptiques" (et qui pourrait ensuite ètre appliqué à eux-mèmes !).

Bien entendu, la situation serait différente si les 27 EM étaient d'accord à l'unanimité pour changer la structure de l'UE. Bien que le problème juridique soit identique, on peut toujours forcer l'interprétation d'un texte s'il y avait une volonté politique unanime (ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle).

2) Deuxième vote en Irlande dans plusieurs mois, avec l'ajout de déclarations solennelles rassurantes à l'égard de certaines préoccupations IRL (neutralité, regime fiscal, avortement, etc.).

Il s'agit d'une voix juridiquement possible (d'autant qu'on l'a déjà utilisée avec le DK pour Maastricht et avec l'IRL même pour Nice). C'est sans doute la voie plus facile.

Toutefois, elle n'est pas sans risques politiques. Les citoyens irlandais pourraient y voir une discrimination à l'égard d'un petit pays, alors que FR et NL ont eu droit à une rénegociation du même Traité (et que d'autres EM ont même obtenu de nouvelles concessions !).

En outre, il ne sera pas facile de relever la participation au vote bien au délà des 53% du dernier referendum (condition indispensable pour que le "oui" gagne). L'autre risque de cette solution est qu'en cas de nouveau rejet, la solution ci-dessus sub 1) deviendrait une voie obligée mais pas nécessaiment plus facile (ni toujours pas juridiquement possible ).

Bien entendu, il faudrait au préalable qu'il y ait 26 ratifications (contrairement à ce qui s'est passé pour FR et NL)

3) Rénegociation du Traité ou mise en oeuvre anticipée de certaines de ses dispositions. Il s'agit d'une voie juridiquement possible mais politiquement écartée par la plupart des Etats membres. Cette option comporte plusieurs variantes qu'il n'est pas nécessaire d'examiner tant que plusieurs EM la réfusent de manière préjudicielle.

Bruxelles, le 19 juin 2008 M. Paolo PONZANO Conseiller Principal pour les questions institutionnelles Secrétariat Général de la Commission Européenne