IERI a participé à la Cinquième Conférence sur la Sécurité Internationale qui s'est tenue à Moscou du 26 ou 28 Avril 2016, portant sur le theme « Le terrorisme international comme menace majeure pour la securité globale ».
Cette conférence a comporté la participation des représentants de plus de 80 États, au niveau des Ministres de la Défense et des Chefs d’État-major Généraux des armées des pays respectifs et les responsables de cinq des plus importantes organisations internationales (UN, OSCE, CIS, CSTO, ICRC). Une audience qualifiée de plus de 500 experts internationaux, représentants de haut niveau, observateurs politiques, directeurs de think-tanks et de media a été invitée à cette importante réunion, qui a été ouverte par une allocution de « bienvenue », à tonalité politique venant du Président de la Fédération de Russie, Monsieur Vladimir Putine et du Sécretaire Général des Nations Unis, Monsieur Ban KI Moon.
L'organisation de la Conférence a été repartie en Sessions plenaires et Panels de discussions sur les sujets suivants :
- Défis sécuritaires et opportunités pour la coopération militaire internationale en Asie-Pacifique
- Moyen Orient, un enchevêtrement de contradictions
- Défis sécuritaires traditionnels et montants
- Les « révolutions de couleur » et la sécurité régionale
- La sécurité en Asie Centrale
- Sécurité globale et coopération militaire
- Problèmes de la paix et de la guerre en Europe : un nouveau système de sécurité en Europe
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Les préoccupations russes peuvent être ainsi résumées :
- comment assurer la stabilité régionale dans le cadre d'un environnement de défis sécuritaires traditionnels (« regime change ») et montants (lutte anti-terroriste).
- comment œuvrer pour une coopération militaire multi-nationale en Asie centrale,
en Asie-Pacifique et au Moyen Orient, dans un cadre multipolaire d'alliances militaires.
- comment concevoir un nouveau système de sécurité en Europe, inclusif et non exclusif, fondé sur le dialogue, la coopération et l'équilibre des forces.
- comment faire face à l'élargissement de l'Otan vers l'Est, à un esprit de confrontation renouvelé et à une tentative de contournement géopolitique et géostratégique (installation d'un bouclier balistique antimissiles en Pologne et en Roumanie, dont le risque majeur est une obsolescence de la dissuasion et une dépendance aggravée d'Hégémon, seul détenteur de la clé nucléaire).
- quelles réponses prévoir por la reconduction des sanction économiques, pénalisantes pour les économies européennes et pour les conclusions du Sommet de l'Otan de Varsovie des 8 et 9 juillet prochains.
La Conférence, qui a développée les trois premiers points, portant une emphase particulière à la lutte antiterroriste, s'est voulue, politiquement et sur un fond non explicite, comme une validation des alliances militaires eurasiennes et plus largement globales, soulignant l'aspect préoccupant des tensions internationales, entretenues, aux vues de la Fédération de Russie, par le camp euro-occidental.
Cette conférence, a été implicitement une réponse politique aux approches américaines et une formulation prospective de l'ordre multipolaire, davantage attentif aux pays des deux hémisphères réagissant aux influences extérieures.
Elle constitue aujourd'hui un forum sécuritaire, dont la signification politique et stratégique est destinée à croître en Eurasie par rapport aux réunions des puissances établies de Munich et/ou de Berlin.
Il convient de retenir quelques axes et quelques considérations générales partagées, par la presque totalité des intervenants étatiques, gouvernementaux et stratégiques indépendants.
AXES DE RÉFLEXION
Des axes de réflexion d'ordre général peuvent être ainsi résumés :
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Un changement global de la situation internationale et une détérioration progressive de l'ordre mondial.
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Une crise aiguë du système de confiance et une politique de confrontation, comportant une augmentation des tensions, régionales et globale.
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Un appel au dialogue, dans le respect du principe de non-intervention et de souveraineté
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L'opposition aux forces extrémistes inter-ethniques et inter-religieuses.
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Un accroissement des capacités militaires conventionnelles et du potentiel nucléaire de l'Alliance Atlantique.
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Une menace à la sécurité globale par la mise en place du Bouclier Antimissiles (BAM) contre la menace supposée de l'Iran, ayant perdu partiellement sa raison d'être suite à l'accord sur le nucléaire iranien.
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Une propagation de la menace terroriste, impliquant l'augmentation de la coopération internationale dans la lutte contre l’extrémisme et le radicalisme religieux.
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La dénonciation de la guerre indirecte et hybride à travers la cyberwar, le réseau de think-tanks et les médias occidentaux.
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Une aggravation de la campagne menée en Occident contre la Russie, considérée de plus en plus comme l'ennemi, à la place de l'extrémisme islamiste.
Une série de constats ont été dressés et partagés :
Au niveau des issues, les recommandations suivantes :
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L'exigence d'un renforcement de la coopération bilatérale et multilatérale, dans le but d'empêcher la propagation de l'arme nucléaire et chimique et sa détention aux mains du terrorisme international.
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Des contre-mesures concernant l'identification des menaces aux diverses échelles, nationales, internationales, régionales et globales.
A propos de la crise ukrainienne sont à souligner les mise en garde aux autorités de Kiev pour le non respect des accords de Minsk 2 et l'aggravation des tensions dans les pays baltes et en Pologne.
Une conclusion provisoire peut être tirée de cette conférence sur la nature du terrorisme et la menace, afectant les États :
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les mesures à prévoir pour éviter le « double-standard » pratiqué par les États-Unis dans l'evaluation des causes, des acteurs et des effets du terrorisme (Syrie, Daesh, Turquie et Golfe),
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la proposition du Président Vladimir Putine de constituer un Front International antiterroriste, qui s'occuperait, entre autre, de la prise en charge du contrôle des flux d'émigrants.
Par ailleurs, sur le phénomène du terrorisme et du radicalisme islamique, dont la diffusion et l'interactivité concernent des États faillis ou des États instables du Proche et Moyen Orient, ainsi que de l'Afrique et de l'hémisphère Sud, ce phénomène est alimenté par le soutien accordé par des pays tiers identifiés (l'Arabie Saoudite et le Qatar), représentant un facteur de déstabilisation régionale et mondiale.
Ainsi,vue l'importance de la conflictualité engendrée et du chaos répandu au sein de sociétés déjà fragilisées, par l'absence de gouvernance et l'arriération des stuctures économiques et sociales, la responsabilité de la lutte au terrorisme international devrait être partagée, a-t-on soutenu, par la Communauté internationale.
L'absence de l'Europe à ce colloque influent, de ses représentants et de ses stratégies dans le cadre des exposés présentés, à été criante, hormis les interventions du Directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques de Paris. Pascal Boniface et du Président de l'Institut Européen des Relations Internationales de Bruxelles, I. Seminatore (voir ci-après une intervention simplifiée).
V - Moscow Conference
on international security
26-28 avril 2016
SPEECH ORAL
PLENARY SESSION
11.20-13.00 / 28 AVIL 2016
Problems of War and Peace in Europe
A new security system in europe
- effectiveness of the existing security mechanisms in europe and the need for their modernization
- military interaction to maintain stability in the region
- role of international organizations in ensuring european security
- situation in the middle east. Implications for european security
LES ENJEUX MULTIPOLAIRES ET LEURS IMPLICATIONS SUR
LE NOUVEAU SYSTÈME DE SÉCURITÉ EN EUROPE
Professeur Irnerio SEMINATORE
Président de l'Institut Européen des Relations Internationales
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LES ENJEUX MULTIPOLAIRE ET LE SYSTÈME INTERNATIONAL GLOBAL
LE "PACIFIC PIVOT" DES ÉTATS-UNIS ET LES DEUX CRISES: UKRAINIENNE ET SYRIENNE
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LA CRISE UKRAINIENNE COMME CRISE DU SYSTÈME RÉGIONAL DE SÉCURITÉ COLLECTIVE ET DE COOPÉRATION, ASSURANT L'UNITÉ DE LA RELATION EURO-ATLANTIQUE (DE VANCOUVER À VLADIVOSTOK)
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LA CRISE SYRIENNE COMME DÉSARTICULATION DE L'OUEST DU CONTINENT, DU PROCHE ET MOYEN ORIENT, DE LA MÉDITERRANÉE ET DU GOLFE
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L'OTAN, LA DISSUASION ET L'ORDRE NUCLÉAIRE GLOBAL
LES ENJEUX MULTIPOLAIRE ET LE SYSTÈME INTERNATIONAL GLOBAL
La morphologie du système international actuel est modelée par l'impact du triangle de puissance Russie, Chine et États-Unis, sur les enjeux régionaux et mondiaux et par l'instabilité de chaque cadre régional, (Asie du Sud-Est, Proche-Moyen Orient et Golfe, Europe Orientale et Sud-Orientale).
Sa transformation est illustrée par une série de phénomènes d'ordre structurel:
- l’hésitation stratégique des acteurs majeurs du système, quant à leurs objectifs et ambitions à long terme.
- l'extension de la violence armée à des régions-clés (Moyen Orient et Golfe), où prolifèrent des conflits ethniques, politiques et religieux et principalement le terrorisme islamique.
- l'épuisement de la stabilité stratégique antérieure et apparition d'une forte hybridation de menaces et de vulnérabilités.
Puisque la principale caractéristique de la conjoncture actuelle est l'absence de leadership affirmé et des revendications hégémoniques globales, la phase de transition que nous traversons peut être déclinée par l'analyse de la décomposition du moment américain, bref par le
passage de la "global dominance" de la période unipolaire, vers une série d’équilibres de réseaux, qui definissent la fonction d’arbitrage de la puissance dominante, le "global leadership".
Cette transition découle de l'incapacité d' Hégémon d’imposer un ordre planétaire contraignant et s'accompagne de deux conséquences significatives
1° L'influence grandissante de divisions politiques au sein des pays européens en ce qui concerne leurs options de camps, euro-atlantiques et asiatiques (en Méditerranée, Proche et Moyen Orient, Golfe et Emirats Arabes Units)
2°une relativisation globale de la dominance de l'Occident
L’ASYMÉTRIE
La caractéristique prééminente de la période actuelle est l’asymétrie, comme remise en cause de la réciprocité du risque ou du "calcul rationnel" qui est au fondement de toute dissuasion, conventionnelle et nucléaire.
L'ENNEMI ET LE RISQUE POLITIQUE OBJECTIF
Autre aspect de la conjoncture politique Est-Ouest est la réapparition de la figure de "l'ennemi"dans les déclarations publiques et dans les médias. Ce concept, central dans les relations de sécurité, implique une définition identitaire préalable et, en même temps, la perception claire d'une "altérité hostile".
GUERRES NON- MAÎTRISÉES
Avant l’expérience de la "guerre globale au terrorisme" (GWOT), l’Amérique a pratiqué une politique de "Blitzkrieg" et de "regime change".
Pour la première, elle a fait recours à des opérations de type expéditionnaire extérieures, sous forme de manœuvres et d'art opérationnel, visant des succès rapides; pour la deuxième, l’ingérence, le "soft power" et le "smart power" (médias, think tanks, milices armées), dans le but de renverser les régimes hostiles.
En ce qui concerne la crise ukrainienne, la tentative d'incorporation de l'Ukraine à la sphère occidentale, a interdit à l'Allemagne de rompre l'arrimage à l'Ouest et de surmonter le contentieux historique en s'associant à la Russie ou encore davantage à l'axe Moscou - Beijing - Teheran.
Il s’agissait d’éviter à tout prix un grand réalignement de la puissance du Mittellage en Eurasie, ouvrant la voie à un Heartland plus puissant et plus attractif et encourageant une plus grande autonomie de l’Europe qui provoquerait un isolement de la puissance maritime dans le monde, hors de la masse eurasienne.
"PACIFIC PIVOT"
L'auto-marginalisation de l'Europe et son déclassement stratégique ont ouvert la voie a une déstabilisation menée par les États-Unis dans l'Europe de l'Est, en Ukraine, en Géorgie et en Syrie, dans le but:
-d'affaiblir la Russie et l'Europe
-d'entraver leur interdépendance et leur coopération
-d'assurer une ubiquité de la puissance globale, par personne interposé et par procuration.
Les États-Unis ont transformé simultanément le Proche, Moyen Orient et Golfe, en laboratoires régionaux par la mise en œuvre des conflits hybrides.
La fin de l' âge atlantique a marqué par ailleurs le passage de la guerre codifiée (la dissuasion) à la guerre sans règles (le terrorisme), qui est menée désormais dans les trois espaces "libres", océanique, informatique et eso-atmosphérique.
L'exercice des formes d'influence et de déstabilisation du "regime change" en a été affecté.
La difficulté majeure entre la Russie et l'Europe et, plus encore, entre la Russie et les États-Unis est constituée par "l'asymétrie des enjeux", par la disparité des univers culturels et spirituels, ainsi que par l’élaboration de projets stratégiques qui impliquent l'usage potentiel de la force militaire (USA, Chine, Russie, Iran, Corée du Nord). L'usage de la force reste toujours le facteur structurant des relations internationales et l’épine dorsale de la sécurité mondiale.
Dans ce contexte de changements rapides et déstabilisants, un seul élément assurera la stabilité, la dissuasion nucleaire, comme pilier de la paix de l'ordre mondiale.
L'OTAN, LA DISSUASION ET L'ORDRE NUCLÉAIRE GLOBAL
La reprise du dialogue le 20 avril dernier entre l'Alliance Atlantique et Moscou au sein de "Conseil OTAN-Russie", visant à rouvrir le canal des discussions interrompues en avril 2014, en vue du Sommet de l'Organisation, prévu à Varsovie en juillet prochain, s'est heurtée à une ambiance de défiance mutuelle.
Essayant de surmonter les divisions européennes, l'Allemagne a prôné un dialogue direct avec Moscou, afin de mettre au point de mécanismes de préventions ou "de standards", fixant des limites aux exercices militaires et empêchant des incidents jusqu'ici maîtrisées aux frontières de l'OTAN, entre avions et bateaux de deux structures de forces.
Face aux priorités requises par Moscou, la question lourde au tapis des discussions a été la remise au cœur de la doctrine sécuritaire de la Russie de l'arme nucléaire, en confirmant son emploi dans les "guerres locales". Il s'agit là d'une perspective qui prend à contre-pied la doctrine dissuasive et la stratégie nucléaires de l'OTAN qui a été source de division entre la France et l'Allemagne au sommet de Lisbonne en 2010 et qui avait été gardée à l’arrière plan des préoccupations atlantiques.
Sa réapparition soudaine notamment au Moyen Orient, fait voler en éclat le monopole nucléaire israélien dans le cadre de la dissuasion et de l'objectif proclamé et officiel des États-Unis, concernant la dénucléarisation de la zone Moyen Orientale, en plaçant la présence russe au cœur de la région et suscitant des implications importantes pour la Turquie et l'Arabie Saoudite.
Ainsi, le signal de la modernisation des lanceurs russes, adressé aux États-Unis, est clair et à l'image d'une diplomatie destinée à jouer un rôle crucial dans les conflits asymétriques ou dans des affrontements inter-étatiques limités.
Politiquement, cela signifie que la Russie pourrait se retirer du "New Start" si les américains et les européens poursuivaient leur politique de sanctions ou leur projet de bouclier anti-missiles.