QUEL PRÉSIDENT POURRA SAUVER LA FRANCE ?
QUI DIALOGUERA AVEC L’HISTOIRE AU NOM DE LA FRANCE ?
Irnerio Seminatore
15 Avril 2017
SOMMAIRE
- Sur la rupture démocratique et la fin du système des partis
- L'auto-destruction des élites et la "Grande Politique"
- Janus bifrons et la figure de l'ennemi
- Dialoguer avec l'Histoire au nom de la France
- Contre la dérive des Lumières Historiques
- Qui pourra donc rehausser la France ?
- Macron, ou le candidat de la brisure nationale et de la "pensée renégate"?
- Fillon ou l'Europe des Nations?
- Mélenchon ou l'anachronisme historique?
- Marine Le Pen ou le retour à la souveraineté nationale?
Sur la rupture démocratique et la fin du système des partis.
Le sujet de fond des élections présidentielles de 2017 c'est la France et l'Europe réformées et, plus loin, la paix ou la guerre en Eurasie et dans le monde.
Qui n'aura pas compris que dans les choix présidentiels du mois de mai se joueront les dernières élections du système national des partis et du système européen supra-national ?
En effet, beaucoup de facteurs qui y exercent aujourd'hui un rôle important disparaîtront, s'amplifieront ou seront atténuées demain, modifiant ainsi les relations générales entre les acteurs du jeu politique et le système des démocraties, issues de la II. G.M.
Les transformations de ces dernières devront tenir compte d'un ensemble de rapports, dictés pour la dernière fois, par les héritages nationaux.
Un simple rappel fera retenir à l'esprit des électeurs ce qu'ils connaissent déjà confusément et sans clarté :
- un désenchantement démocratique généralisé,
- une divergence radicale en France, dans la conception de la "République", sur la place de l'Islam et sur le rôle de la "diversité", identitaire ou multi-éthnique,
- un débat tendu sur la nature de la "culture" et de la justice, empêtrée dans la politique politicienne et sur le jugement, moralement indigne et historiquement faux, concernant la "colonisation", taxée par Macron de "crime contre l'humanité",
- un choix décisif sur l'Europe, l'Euro, le couple franco-allemand et l'hégémonie continentale,
- l'existence d'un clivage Droite/Gauche, qui structure encore, non seulement les mentalités mais les corps intermédiaires de la société (syndicats, monde associatif, secteurs d’activités, mobilité sociale, innovation..), déterminant une "fracture" visible de l'organisme sociétal. Clivage qui se répercute sur les postures idéologiques et culturelles des différents candidats et correspond à la coupure populaire entre "pays engagé" et "pays en sécession" (rebelles, frondeurs, insoumis),
- la transition vers un système d'offre politique, fédérateur d'opinions et d'adhésions à des mouvements à forte identification personnelle (Mélenchon, Macron),
- l'impact médiatique et des réseaux sociaux, destinés à accroître, à l'avenir, leur pouvoir intrusif et persuasif,
- le poids du monde multipolaire dans l'évolution de la "Balance of Power" et des grands équilibres du monde (Trump/Poutine/Xi Jinping/UE), impliquant une vision de la perspective historique et un positionnement volontariste de la France et de l'Europe aux différentes échelles du risque, mondial, régional et national,
- le rôle primordial de l'éducation et de la connaissance pour comprendre et agir, aujourd’hui et demain, au sein d'une société et d'une économie numériques,
- le primat de la force sur la morale et le droit, dans les relations internationales et stratégiques.
Cette énumération n'est guère exhaustive, car elle privilégie les aspects psycho-politiques, les plus déterminants aux yeux de la décision.
L'auto-destruction des élites et la "Grande Politique"
Nous vivons un tournant dangereux pour l'histoire de l'humanité.
Nos candidats à l'élection présidentielle et nos hommes politiques y sont-ils prêts et à la hauteur des enjeux ?
C'est là, l'horizon premier et plus exigeant de la fonction présidentielle et de "l'intelligence personnalisée de l’État" (Clausewitz), le domaine démoniaque de la "grande politique" !
Le débat présidentiel ne fait que mettre en scène ces priorités, distribuer les rôles et attribuer des chances, bref définir les grands enjeux.
Beaucoup de ces questions remontent loin, beaucoup plus loin que le débat actuel et, principalement à la prise de conscience de nœuds irrésolus que la Nation a connu par le passé quant aux modes d'accès au pouvoir, les procédures constitutionnelles, l'intrigue ou la violence.
Débats qui ne portent plus sur les idées, mais sur leurs simulacres.
Qui n'aura pas compris qu'au delà des Fillon et des Macron, ce sont principalement la droite et la gauche qui jouent de leurs survies et que c'est le rang d'un pays et pas seulement de ces candidat(e)s, qui est ici en cause?
Et, quant au premier (Fillon), faut-il oublier que la moralisation de la vie politique et la relation entre droit et politique postule un rapport de forces et une autre conception de la société et de l’État ?
Ceci, en particulier en France, le pays européen où le "Politique" a toujours bâtit la Nation et occupé une position particulière, monarchique et non démocratique, au-dessus de la loi.
Une position traditionnelle qui a survécu jusqu'à Mitterrand et est parvenue telle quelle à Hollande.
Car la France a toujours souffert, sous tous les régimes, d'une maladie endémique, la tentation secrète pour la justice politique et la confiscation par ses élites, de la parole, des croyances et des sentiments.
Janus bifrons et la figure de l'ennemi
De surcroît, ces élections posent en dilemme d'action le visage de Janus, le regard prospectif, projeté vers l'avenir autant que celui, rétrospectif, lié au passé, car, ce qui est décisif aujourd'hui, ce n'est pas seulement la figure du "concurrent", mais celle, existentielle, de l'ennemi intérieur et extérieur.
Situé en dehors du système politique, accroché au cœur de la vie du "peuple", présent comme le vrai "danger" du pays, disposant d'un doctrine de conquête et de combat, cette figure"innommée" et "innommable", est "l'autre de soi", le "français fictif", abusif et non clandestin, bref, le français renégat.
L'auto-destruction de la Nation arrive enfin, lorsque "l'égalité fictive" légitime le gouvernement de la Nation par l'étranger (Ch. Taubira, N. Vallaud-Belkacem, M. El Khomri, R. Dati).
Pour terminer et en termes d'issues, ces élections seront déterminées par l'imprévu, qui dominera comme toujours, le sort du combat politique, de la même manière que le "brouillard de la guerre" influe sur la fin, victorieuse et tragique des grands affrontements.
Dialoguer avec l'Histoire au nom de la France
A l'échelle internationale, enfin, le nouvel élu sera l'un des "Dieux de l'Olympe" qui dialoguera avec l'Histoire au nom de la France, avec d'autres décideurs "mythiques" de la vie du monde et sur les grands dossiers de notre temps.
Ça ne sera jamais un "homme normal", comme celui qui est actuellement en fin de mandat, rejeté par les français, mais un"homme d'exception", qui incarne l'espoir et la confiance du pays dans son avenir.
En Chef de l’État, il devra redresser la Nation, en Chef de guerre, il devra "penser l'impensable", en joueur absolu, il devra assumer le "risque ultime" et épouser la solitude des décisions extrêmes.
Comment, par ailleurs, débutera-t-il son quinquennat ?
Par une "Glasnost" (transparence) imprévisible, suivie d'une "Perestroïka" (réforme) nécessaire, et, simultanément par une "pensée nouvelle" en politique étrangère ?
Comment ce "nouveau Prince", tiendra-t-il dans ses mains le sceptre et le globe de la Souveraineté, dans un monde turbulent ?
Adoptera-t-il la formule du "Brexit","Take back control" ou bien, en revanche, celle de l'Union, "encore plus d'intégration", encore plus de délégation de pouvoirs ?
Bref, sera-il un "vrai" Prince, tenant en grand compte "le peuple", dont il sera en même temps le maître et l'esclave (Hegel) ?
Sera-t-il le vieux Faust (Hollande), ré-incarné par Méphisto (Macron), en Archange de la séduction et du Mal ?
S'il défendra les "valeurs universelles et donc les droits de l'homme" au lieu des "droits des peuples" à disposer d'eux mêmes (Syrie), il s'apercevra bien vite, qu'il s'agit là, de valeurs relatives et historiques, propres à chaque peuple, à chaque culture et à chaque récit national.
Contre la dérive des Lumières Historiques
Le vote de la France de 2017 sera, par ailleurs, un vote contre les dérives des "Lumières Historiques", un "pronunciamento" tranchant, contre Rousseau et Voltaire.
Le débat intellectuel et politique de ce quinquennat, a été la page contemporaine de la "révolte" des anti- Lumières (Burke, Herder, X.de Maistre), contre l'universalisme abstrait de la "Grande Révolution" et pour une "autre Modernité", enracinée dans chaque tradition nationale, celle de l'Europe des Nations.
Une Europe concrète, historique, la seule à susciter les sentiments et les passions des peuples et à armer les esprits pour les grandes guerres patriotiques de demain, lorsque l'existence nationale est en jeu.
Qui pourra donc rehausser la France ?
- Macron, ou le candidat de la brisure nationale et de la "pensée renégate"?
Pourra dialoguer avec l'histoire et rehausser la France, le candidat qui disposera de l'envergure, de l'expérience et de la vision qui calquent son charisme sur la conjoncture internationale du XXI ème siècle. Ces qualités sont celles que nous attendons de l'Homme d’État : la réunion en une même figure symbolique des deux corps du Roy : le corps spirituel, ou l'autorité irrésistible de la fonction et le corps réel, ou la majesté impressionnante du Prince.
Ce candidat ne pourra être en aucun cas l'outsider de la "pensée renégate" (Macron), le phénix des temps nouveaux, l'héritier d'un pouvoir "sans âme et sans principe spirituel", que fut la définition de la Nation par Renan.
En effet, le candidat centriste d'En Marche a dressé à Marseille, le 1er avril dernier, une ode cosmopolite à la diversité, où l'identité des français se noyait dans un kaléidoscope d'"arméniens, comoriens, italiens, algériens, marocains, tunisiens, maliens, sénégalais.....", mélange multiculturel de déracinés.
Sur le terrain de la culture, le candidat d'En Marche, a expliqué "qu'il n'y avait pas de culture française, mais une culture en France", promue en une grande banlieue du marketing mondialiste, aux codes signifiants interchangeables.
Ainsi, ce candidat -président, inconsistant, faussaire de l'histoire nationale et fossoyeur de l'Europe civilisationnelle, devenu télévangéliste du communautarisme et du politiquement correct, a taxé la "colonisation", expression historique de l'écart de développement et de domination des derniers quatre siècles entre l'Europe et le monde, de "crime contre l'humanité" !
Qualification historiquement erronée et moralement indigne.
Ce flash à froid de la France par l'image invasive du monde, rappelle l'irruption, dans le savoir historique, d'une vision alternative de l'histoire, célébrant le combat d'une "humanité métisse et migrante", qui fait place excessive au "monde extérieur, colonial et musulman", comme le rappelle le livre-événement de Patrick Boucheron et d'autres historiens au titre "L'histoire mondiale de la France".
Son message implicite, dans l'analyse de la formation des États-Nations et dans la délimitation incertaine de leurs territoires métropolitains et coloniaux, est l'assemblage composite de leurs populations.
Ainsi, l'opposition entre histoire nationale et mémoires multiculturalistes et revendicatives des minorités allogènes, revient à briser et à détruire l'unité et l'identité nationales.
Sans expérience, sans envergure et sans vision de la scène planétaire, comment Macron pourra-t-il rehausser la France et dialoguer avec l'histoire, ignorant les grands traumatismes d'aujourd'hui, les conflits de pouvoir, de territoires, de race et de sang, entre les nations et les peuples ?
Comment pourra-t-il réunir les français après avoir oscillé entre la droite et la gauche dans la guerre idéologique que les deux parties du pays se sont menées l'une contre l'autre, depuis cent cinquante ans ?
Le duel entre Macron et Fillon a mis en évidence les différences entre deux conceptions du monde, de la société et de l’État.
- Fillon ou l'Europe des Nations?
A l'opposé de l'héritier de la "Hollandie", Brutus aimé de César, épris par l'individualisme et par le communautarisme au détriment du collectif et du projet commun, Fillon a défendu une autre image de la "République", pro-européenne et critique.
Homme blessé et humilié par la gauche assassine (avec le "Cabinet Noir") et par la droite désunie et infidèle, qui l'ont métamorphosé en "rebelle anti-système", Fillon appartient avec Marine Le Pen à l'une des deux expressions du particularisme français, nationaliste la première et traditionaliste le deuxième.
Il prône clairement, comme voie d’accès à une "autre" modernité politique, celle du néo-conservatisme anglo-saxon et l'accès au pouvoir par la démocratie (la légalité et les urnes) et guère par la violence ou la ruse (le complot ou le coup d’État).
Ainsi, le vote doit être ordonné par le peuple et non par des élites mondialistes, puisque les élections présidentielles avancent sur une toile de fond préoccupante, celle du danger et du risque internationaux.
A Strasbourg, il a voulu souligner que si l'on veut que le drapeau bleu étoilé ne soit qu'une parenthèse éphémère dans l'histoire des Nations d'Europe, il faudra aller très vite à la réforme de l'Union, car le danger mortel est l'éclatement des institutions européennes.
En praticien expérimenté des relations internationales, il juge fondamental de préserver cet "acquis" et souligne la nécessité de "refonder l'Europe" par une approche souverainiste, car il n'est pas question pour lui de se faire imposer des choix politiques par une Commission technocratique et non élue.
En effet, la construction européenne a été "l’œuvre des États et des Nations" et Fillon, fidèle à l'héritage des Pères Fondateurs, prétend revenir à l'idée originelle de l'Europe, qui fit de l'axe franco-allemand le moteur de l'Union.
Il faut aller au delà du marché commun et de la zone euro et revenir à la géopolitique, aux alliances nationales et à la Confédération des États européens.
- Mélenchon ou l'anachronisme historique?
Quant à la sécession des clercs, à la défiance des jeunes et à la démoralisation de la vie publique, Fillon ne s'est jamais éloigné de sa vision gaullienne de l'avenir et de son aplomb personnel et n' a pas couvert l'infamie par le sophisme, comme Bayrou, ni courtisé le vote des déçus de la République et de l'Union Européenne, par l'infidélité en politique, comme les déserteurs de la droite.
Lorsque l'offre de promesses s'est présenté aux ambitieux et le changement de régime s'est apparenté à un changement de dynastie, la comparaison des hommes, plus que des programmes, comme la pratiquaient les historiens de l'antiquité, a pu présider à des rapprochements d'objectifs et de philosophie, au vue du gouvernement de la Nation et de l'exercice des fonctions suprêmes de l’État.
Ainsi sa figure, si comparée à celle des autres, se couperait une place de taille parmi la myriade des postulants.
Vis à vis de Mélenchon, la différence majeure est de Panthéon politique :
Robespierre, Lénine,Trotski, Castro et Chavez pour le Chef de la France Insoumise ; de Gaulle, Séguin, Jean Moulin et, peut être Poutine, pour Fillon.
Quant à l'inspiration politique, l'idée permanente et charnelle d'un bouleversement radical chez l'apôtre idéaliste des dictateurs sud-américains et le modèle libéral-conservateur chez Fillon, pour qui la révolution au sombrero remplace le soleil de Cuba, par les bougies rouges des boîtes à nuit parisiennes, disent long sur la stature des candidats, la vision du monde et la saisie des tensions internationales.
- Marine Le Pen ou le retour à la souveraineté nationale?
Marine Le Pen recueille actuellement les 30% des plus jeunes électeurs, mais aussi des intentions de vote et le Front National est le premier parti de France.
Or, disent ses détracteurs (Le Monde), la renégociation des traités, la sortie de la France de l'Union et de l'euro, en vue d'une plus grande protection contre la mondialisation et l'occurrence possible de crises internationales graves, "ne rendraient pas la souveraineté à la France" (C. Ducourtieux).
Au contraire, les conséquences en seraient désastreuses.
En matière de migrations, le rejet de Schengen et la préférence nationale, sont justifiés par Marine Le Pen, par les évidences de deux corrélations, sécuritaire et sociale.
La première est fondée sur la triade irréfutable de "criminalité/attentats/djihadisme", la deuxième par le coût social d'une invasion sans contrôle, aggravant les politiques d'emploi, de violence multi-éthnique et d'équilibre démographique.
Une meilleure entente sécuritaire entre Poutine et Trump en Europe, n'aiderait pas, selon les plus désenchantés, à faire barrage à la violence interne et croissante, ni aux vagues d'immigration aux portes de l'Europe.
Ainsi, les deux candidats à la hauteur des tensions internationales grandissantes, Fillon et Marine Le Pen, suffiront-ils-à convaincre les français de la gravité des choix présidentiels et de leurs caractère entraînant, pour les élections législatives, qui suivront le mois de juin ?
Bruxelles, le 15 avril 2017