CONFÉRENCE
"LE CAPITALISME FINANCIER
ET SES ALTERNATIVES POUR LE 21ÈME SIÈCLE"
Chisinau – 15-17 Décembre 2017
LA MULTIPOLARITÉ ET LA RÉCONFIGURATION
DU SYSTÈME INTERNATIONAL
CONCEPTIONS PRÉCAIRES DE L'ORDRE GLOBAL
ET RECHERCHES DE STABILITÉ POLITIQUE
Les difficultés d'unE diplomatie erratique
entre multipolarité, multilatéralisme et non-alignement
Irnerio SEMINATORE
Professeur des Universités
Président de l'Institut Européen Des Relations Internationales
TABLE DES MATIÈRES
LA MULTIPOLARITE ET LA RECONFIGURATION
DU SYSTÈME INTERNATIONAL
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L’ÈRE DE L’ASYMÉTRIE ET DES
CONFLITS NON CONVENTIONNELS
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PRÉCARITÉ DE L'ORDRE INTERNATIONAL.
UN RAPPEL HISTORIQUE
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LE NON ALIGNEMENT D'AUJOURD'HUI.
INCERTITUDES, ANTÉCÉDENTS ET COMPLEXITÉ
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MULTIPOLARITE ET MULTILATERALISME,
VERSUS "NON-ALIGNEMENT"
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LES ACCORDS D'HELSINKI (JUILLET 1973-AOÛT 1975),
LEURS DÉFIS ET LEURS RÉPERCUSSIONS
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L’ORGANISATION DE COOPÉRATION
DE SHANGHAI (OCS-JUIN 2001)
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LE "PARTENARIAT ORIENTAL"
DE L'UNION EUROPÉENNE (MAI 2009)
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QUESTIONNEMENT ACTUEL
LA MULTIPOLARITE ET LA RECONFIGURATION
DU SYSTÈME INTERNATIONAL
Le système international actuel résulte de trois évolutions majeures de la conjoncture historique et de trois moments de ré-configuration stratégique concernant les acteurs principaux de la scène mondiale.
Quant à l'évolution sont à signaler:
- l'épuisement de la stabilité stratégique (de 1991 à 2001)
- le modelage d'une nouvelle géopolitique eurasienne (de 2001 à 2011)
- l'apparition d'une forte hybridation de menaces et de vulnérabilités, étatiques et sub-étatiques (à partir de 2011).
Quant à la stratégie des acteurs majeurs de la scène planétaire on mentionnera:
- la prédominance d'un triangle de puissances de premier plan, les États-Unis, la Russie et la Chine, dont l'influence pèse sur les enjeux régionaux et mondiaux et sur l'instabilité de chaque cadre régional (Asie du Sud-Est, Proche-Moyen Orient et Golfe, Europe Orientale et Sud-Orientale)
- la montée des incertitudes sur les nouvelles "coalitions multipolaires" (OTAN, ASEAN , OCS. OTSC.), dans un contexte de bi-polarisme sous-jacent (Chine-USA) et face à une vague de terrorisme islamiste transfrontière.
- l'asymétrie, les guerres hybrides et les conflits non maîtrisées dans la plupart des crises ouvertes.
- l’autonomisation du champ médiatique, par lequel le perceptuel est global et le réel est local. L'essaimage des images (swarming) produit "une inversion de la symétrie", puisque l’axe numérique est celui des opinions-monde et l’axe des combats est celui des forces engagées dans les théâtres d'opération.
Ces caractéristiques mettent en évidence:
- le transfert du "centre de gravité" du monde de l'Europe vers l'Asie, qui a forcé les États-Unis à opérer un "strategic pivot" du Proche et Moyen Orient en direction de l'Asie- Pacifique.
Il pousse désormais l'Europe de l'Ouest à concevoir son unité, par l'inclusion de la Russie dans l'équation stratégique mondiale. envisageant un rapprochement stratégique russo-occidentale, allégé du "belt islamique", et cela encore davantage, dans l'hypothèse d'un conflit sino-russe.
Le système international procède ainsi d' un multipolarisme tendanciel, plus politique que stratégique (USA, Russie, Chine, Japon, Inde, Brésil) vers un bipolarisme croissant (USA-Chine), lié aux revendications territoriales de Chung Kuô dans la mer de Chine méridionale, à la stratégie continentale de la "Route de la Soie" et autres modes d'actions obliques, qui renforcent le poids de l'hégémonisme chinois.
L'explication du système international par la théorie de l'équilibre multipolaire continue d'assigner aux États-Unis un rôle essentiel, tandis qu'une nouvelle bipolarité porte à préconiser un "condominium global" entre les États-Unis et la Chine.
- par ailleurs les faiblesses de l'ordre international libéral entraînent le déclin des régimes démocratiques et la promotion de modèles alternatifs de pouvoir (formes autocratiques et d'exception, révolutions de couleurs, printemps arabes ), porteurs de désordre et de crises
- la subordination du multilateralisme à la multipolarité exprime, dans la conjoncture actuelle, la prédominance des tensions sur la retenue de la "Dissuasion" et de la "Balance of Power.
Celle-ci pourrait être mise en échec dans les trois foyers de crise majeures et interdépendantes, qui sont:
- l'Ukraine et la Syrie
- l'Iran, l'Arabie Saoudite et l'Israël
- la Corée du Nord, le Japon et la Chine
L’ÈRE DE L’ASYMÉTRIE
ET DES CONFLITS NON CONVENTIONNELS
Depuis 1991, en raison de la prolifération des acteurs et de la disparité du risque, nous sommes entrés dans l'ère de l'asymétrie, des conflits non conventionnels et de la cyber-guerre.
L'incapacité des États-Unis de faire face à un ordre planétaire différencié, a pris la forme d'une lente décomposition de la puissance américaine, que l'Administration Trump cherche à redresser.
Ainsi le passage de la “global dominance” de la période unipolaire au “global leadership” de la période successive aboutit aujourd'hui à l'insertion des USA dans une série d'équilibres de réseaux, au sein desquels ils peuvent exercer une fonction d'arbitrage recentrée.
PRÉCARITÉ DE L'ORDRE INTERNATIONAL.
UN RAPPEL HISTORIQUE
Tout ordre international est, par sa nature, précaire.
Si la politique de non alignement de Bandung (1955) tirait sa justification, à l'âge de l'affrontement bipolaire, de la fin du colonialisme et des conflits imposés par les guerres de libération nationales, les formes de résistance à la "nouvelle guerre froide" en Europe de l'Est (Ukraine, Moldavie, Serbie), résultent du contre-sens du divorce Europe-Russie et des risques auxquels peut conduire un élargissement otanien continu vers les frontières russes, ainsi que de la perte de contrôle de la part de celle-ci sur son "étranger proche".
Suite à la rupture des accords de non-agression passés entre Bush père et Gorbatchev, à la fin de la guerre froide, visant la création d'un grand ensemble pan-européen de sécurité "hors blocs militaires", incluant la Russie, les "révolutions de velours" et les "printemps arabes", comme versions locales de celles-ci, ont provoqué une série de déstabilisations régionales, une rupture stratégique avec l'Occident et une réorientation de la Russie, l'ennemi par excellence d'aujourd'hui, vers la Chine, l'ennemi géopolitique de demain.
Le rejet par la Russie des subversions islamistes radicales est l'une des motivations de la stratégie pro-islamiste poursuivie par les États-Unis, par personne interposée, consistant à remodeler leur stratégie d'endiguement de la Russie, en tant que "Hearthland eurasien", en laissant les mains libres à l'Arabie Saoudite et à la Turquie, sunnite et néo-ottomane, de détruire la Syrie, en guerre contre l’État Islamique du Levant.
LE NON ALIGNEMENT D'AUJOURD'HUI.
INCERTITUDES, ANTÉCÉDENTS ET COMPLEXITÉ
Quelle est aujourd'hui la signification d'une stratégie de prévention des conflits et d’allègement des tensions qui puisse se rapprocher des objectifs du "non-alignement" de l'époque bipolaire?
Dans quels cadres et selon quels modèles peuvent-ils se constituer de nouveaux ponts de dialogue, de concertation et de coopération, qui soient au même temps des plate-formes de stabilité?
Toute hypothèse sauvegardée et dans des contextes extrêmement différents, les référents de ces instances multilatéralistes de concertation peuvent être repérés dans trois types d'approches, qui sont devenues à leur tour des sources de contentieux:
- les Accords d'Helsinki de1975 (avril 1973 / août 1975), souscrits par 35 pays
- l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS),( juin 2001) concernant Six Pays asiatiques ( la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan
- le "Partenariat Oriental" de L'Union Européenne (mai 2009) concernant cinq pays de l'Est du continent, (l'Arménie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l'Ukraine, la Moldavie et la Biélorussie).
MULTIPOLARITE ET MULTILATERALISME,
VERSUS "NON-ALIGNEMENT"
C'est par une analyse conjointe de la morphologie du système international, bi-multipolaire, et des deux concepts de "multipolarité" et de "multilatéralisme" (en leurs paradigmes, distinctions et principes), que l'on peut identifier l'existence d'espaces de manœuvre praticables par les diplomaties, réalistes et idéalistes de l'ordre international, au profit de l'émergence et de la viabilité de la doctrine du "non alignement".
En effet, la diplomatie multipolaire fonde la sécurité des acteurs étatiques sur une approche systémique, sur l'anarchie internationale et sur la doctrine des "intérêts vitaux" et, factuellement; sur la prudence; la diplomatie du multilatéralisme, sur la compétition pacifique, la dimension démocratique, le modèle mercantiliste mondialisé et les doctrines libertaires des "sociétés civiles".
Le changement de statut et de rang, au sein de la structure inégalitaire de l'ordre international, est assuré, dans la diplomatie réaliste, par l'alliance, par l'équilibre de puissance (la Balance of Power) et par l'exercice de la force.
La méfiance des acteurs étatiques résulte, dans la diplomatie idéaliste, de la gouvernance internationale, du "soft power" et de la "légitimité" arbitraire des corps intermédiaires de la société (syndicats, think-tanks, mouvements sociaux..)
Autrement dit, dans le premier cas de l'opposition ou de l'antagonisme des intérêts et, dans le deuxième, de leurs harmonisation.
La démarche réaliste conçoit l'ordre à partir d'un regroupement de forces et de capacités et en vue d'une confrontation toujours possible. Ainsi la "polarité de puissance" qui en résulte exprime la tendance historique à la quête hégémonique et à la gouvernabilité du système.
Elle est imposée par les contraintes de la hiérarchie (contrainte du plus fort), par une suprématie acceptée ou par la logique du combat (stratégie ou tactique).
La renaissance perpétuelle de cette tendance à la polarité est celle, cyclique, d'une force socio-politique identitaire, ou celle, cataclysmique, d' une menace d'ordre existentiel, remettant en cause le système global et traduisant une nouvelle perspective historique.
La démarche rationaliste/idéaliste désigne, en revanche, une posture contractuelle, conjoncturelle et circonstancielle, où prédominent la moralité de la concurrence, le modèle économique néo- libéral et la revendication d'indépendance et d'auto détermination des nations et des peuples, antérieurement privés d'une réelle souveraineté.
Elle engendre du multilatéralisme informel ou institutionnel, qui transforme les attentes immédiates en revendications permanentes et en luttes d'affranchissement mobilisatrices.
La doctrine du non-alignement représente ainsi le positionnement contradictoire entre adaptation aux réalités de la puissance et démarcation d'options politiques par rapport aux objectifs des pouvoirs dominants.
Par ailleurs elle peut être lue comme engagement idéologique en faveur de la paix et comme doctrine de transition vers un système reconfiguré par l'utopie.
Au plan historique, l'importance du mutilatéralisme comme doctrine conjointe, d'adaptation et de transition, est particulièrement lisible dans les trois accords qui seront traités plus bas, où les caractéristiques de fond montrent bien le mélange d'aspiration à la paix et à la stabilité et d'imprévisibilité des repercussions, concernant à la fois, la remise en cause du "status-quo" et les accords de compromis, souscrits dans les déclarations officielles.
LES ACCORDS D'HELSINKI (JUILLET 1973-AOÛT 1975),
LEURS DÉFIS ET LEURS RÉPERCUSSIONS
La Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE-juillet1973-août1975), regroupant trente cinq États (33 européens et deux euro-atlantiques, États-Unis et Canada), apparaît comme l'un des plus grands congrès diplomatiques de l'histoire, à l'image du Congrès de Vienne (1815), et a visé à dépasser la division de l'Europe en blocs antagonistes et l'organisation bipolaire de l'ordre mondial.
Elle fut le prolongement multilatéral de la Ostpolitik de Willy Brandt et marqua l'ouverture d' une époque de détente entre l'Est et l'Ouest.
L'Europe occidentale, qui ne dispose plus des moyens de sa propre sécurité, souscrit en 1975, dans l'Acte final, "la prévention d'une guerre nucléaire" entre les États-Unis et l'Union Soviétique et l'établissement d'une coopération économique qui privilégie les deux Grands, marquant sa subordination vis à vis des États-Unis, qu'elle avait appellé à la table des négociations.
La CSCE marque un point d’inflexion de l'Europe en matière de défense européenne commune et ouvre une page, qui conduira, quinze ans plus tard à l'effondrement d'un des pôles de puissance du système international de l'après guerre, l'Union Soviétique.
L'évolution de la scène diplomatique et de l'environnement stratégique (statut et contrôle de l'Allemagne divisée, anomalie historique à surmonter, véto nucléaire et acceptation forcée de la frontière Oder-Neisse), encadrement de l'Ostpolitik et du rapprochement germano-soviétique faisant craindre une réunification de l'Allemagne par Moscou, compensée par une neutralisation de celle-ci; (remise en cause des deux hégémonies, aggravation du conflit sino-soviétique, puissance nucléaire de Pékin, proposition gaullienne visant à fonder un rapprochement pan-européen sur le dépassement des alliances militaires et sur la revalorisation des nations de l'Ouest , en substitution de l'entente franco-allemande), cet ensemble de nœuds irrésolus, constitue matière à débat et à réflexion sur l'avenir des relations globales Est-Ouest, des relations régionales européennes et des grands équilibres mondiaux (Balance of Power).
L'ordre à établir,en remplacement de la guerre froide, dans cette période de grands bouleversements (décennie 1960-70), devant conduire à un rapprochement des peuples européens, fut l'objet de tractations serrées au sein des trois "Corbeilles" qui devaient définir et codifier les nouveaux principes et les nouvelles règles du jeu.
Le dépassement de la bipolarité,ne pouvait se faire que sur des bases intergouvernementales solides et la neutralisation de l'Allemagne réunifiée impliquait que le statut sécuritaire du continent comporte la réduction des forces d'occupation sur le continent.
Ainsi les propositions américaines de réduction des forces nucléaires dans le cadre des "Mutual and Balanced Forces Reductions" (M.B.F.R.), laissaient une faible marge de manœuvre aux européens en cas de guerre sur le théâtre central.
Des grands concepts de base orientèrent ainsi les travaux du "Processus de Helsinki":
- la bi-multipolarité, qui devait respecter l'évolution prévisibles de la morphologie du système international global
- le multilatéralisme, ou la démarche à adopter pour avancer dans les négociations, dans le but d' établir un climat de confiance suffisant et de nouveaux équilibres de sécurité
- le paneuropéanisme, comme pratique diplomatique valorisant l’indépendance retrouvée des pays européens de l'Ouest et leurs liberté de conception et d'action.
Dans le "Décalogue" de la première Corbeille (sécurité) étaient enumérés les principes qui constituent les règles de conduite à respecter pour appartenir à la Communauté des Nation, la"détente", comme processus à long terme, le "droit des peuples à disposer d'eux mêmes, l'inviolabilité des frontières. Dans la deuxième Corbeille (l'amélioration de la coopération économique), et, dans la troisième (accroissement de la circulation des hommes et des idées), les échanges culturelles comme legs d'un héritage commun, "virus de la liberté".
Dans les faits, le but du dépassement de la logique des blocs par la proposition d'un nouveau système de sécurité pan-européen, remplaçant l'OTAN et le Pacte de Varsovie, avait été précédé, en1966 , du retrait par la France du commandement intégré de l'Alliance Atlantique, voulu par le Général de Gaulle.
L’ORGANISATION DE COOPÉRATION
DE SHANGHAI (OCS-JUIN 2001)
Cette organisation régionale et intergouvernementale asiatique, née sur initiative de Pékin, visait à régler les contentieux territoriaux et frontaliers avec Moscou, après l'effondrement de l'URSS, mais également à rassurer ses voisins et à établir un climat de confiance régionale.
L'Organisation de Coopération de Shanghai relève-t-elle davantage d'un "condominium russo-chinois" sur les pays d'Asie centrale ou bien d'une alternative aux alliances classiques?
Est-elle à considérer comme un pôle de puissance, visant à stabiliser le système international ou, en revanche, un cadre de relations mutilatérales, ayant pour but le renforcement de la coopération sécuritaire contre les "trois fléaux", l’extrémisme religieux, le séparatisme ethnique et le terrorisme?
Suite à l'ingérence humanitaire au Kossovo (1999) contre un État souverain (Serbie) de la part de l'OTAN, sans autorisation préalable du Conseil de Sécurité des Nations Unies, une convergence d'intérêts prit forme entre Pékin et Moscou, contre "le nouvel hégémonisme" de Washington.
Le renforcement de l'institutionnalisation de l'OCS, après 2006, a-t-il servi l'objectif de favoriser l'exclusion des acteurs extra-régionaux, au premier rang des quels les USA?
En termes économiques le renforcement de la coopération multilatérale dans le domaine commercial, financier, énergétique, des transports et des télécoms, a été à la base d'un concept de croissance et de sécurité régionale.
La mise en place d'un "Club Énergétique", au sein de l'OCS, en matière pétrolière, faisait déjà de celle- ci, en 2006, la détentrice de 23% des réserves mondiales prouvées et de 41,8%, des réserves mondiales prouvées de gaz, et cela malgré la concurrence entre Moscou et Téhéran pour le gaz et entre Moscou et Pékin pour l'énergie.
Depuis le renforcement des liens économiques "le Club Énergétique" est devenu une priorité pour l'OCS, malgré l'accent mis sur la sécurité interne dans la lutte contre les trois "fléaux".
Or la coopération dans le domaine de la défense, exclut que l'OCS veuille être considérée comme une véritable"alliance militaire", ou encore, qu'elle veuille se transformer en "bloc".
Les préoccupations majeures demeurent circonscrites aux menaces de "sécurité interne" émanant d'acteurs sub-étatiques et donc indirectement, à la coopération politique entre régimes autocratiques, craignant, dans leur totalité, les "révolutions de couleurs".
La politique dressée par les Républiques centro-asiatiques contre le "regime change", pilotée par l'Occident déstabilisateur a été le "principe de non-ingérence" westphalien, dans les affaires intérieures d'autres États.
Elle a visé le soutien diplomatique de Pékin et Moscou, accentuant l'action de coopération en matière d’antiterrorisme et en utilisant les facilités, qui concernèrent les rapports de ces républiques avec l'OTAN, après le 11/9.
En effet, l'option de mettre en place une ceinture antiterroriste fut évoquée à cette occasion, par le Président Poutine.
Cependant le renforcement des capacités de faire face à des situations d'instabilité politique interne, a produit un résultat indésirable, la limitation des réformes et la restriction du débat démocratique.
Par contre, le but de la stabilité politique, obtenu par le moyen de la coopération multilatérale, a été l’instrument principal de la lutte contre l’influence unipolariste des États-Unis.
Depuis le Sommet d'Astana des 7 et 8 juin 2017, l'OCS est devenue le facteur actif d'une convergence entre deux grandes interactions géopolitiques et géo-économiques et le projet chinois de la "nouvelle route de la soie", dissimulant la recherche d'une identité stratégique autonome.
LE "PARTENARIAT ORIENTAL"
DE L'UNION EUROPÉENNE (MAI 2009)
Le Partenariat Oriental de l'Union Européenne, comme instrument de la politique européenne de voisinage, a trouvé sa raison d'être dans les défis, nés de l'effondrement d'un pôle de puissance, l'URSS, et dans l'exigence de stabiliser les économies et les sociétés de pays ex soviétiques.
Cependant il a joué un rôle perturbateur dans l'équilibre stratégique des pouvoirs, économiques, politiques e stratégiques entre l'UE, les États Unis et l'OTAN d'une part et la Russie de l'autre, contrairement à ses buts affichés.
Il a attisé une crise de grande ampleur en Ukraine, lors de l'établissement contradictoire, d'une zone de libre échange avec la Russie et un accord d'association avec l'UE, portant sur tous les sujets sur lesquels celui-ci devait s'exercer, aux termes du "Partenariat", la maîtrise de la stabilité, le respect de la démocratie ,les libertés fondamentales, le droit international et l'intégration économique.
Ce partenariat résume-t-il la géopolitique de l'Union Européenne, visant à se poser comme concurrente de la stratégie d'influence de la Russie dans l'espace post-soviétique?
L'importance de l'Est européen pour les "Pays de Visegrad", qui ont lancé et soutenu l'initiative, a été de loin moins relevante que celle des États-Unis, qui recherchaient l'élargissement de l'OTAN.
En ce sens elle ne représente pas une nouveauté réelle pour les relations de sécurité, régionales et globales, mais une rationalisation des politiques existantes, en termes d'échanges approfondis, d'énergie (Nabucco, South-Steam), d'émigration et de liberté de circulation
La zone recouverte par le partenariat, "l'étranger proche" de la Russie, fut pendant longtemps les marches de son empire et elle est devenue désormais un enjeu de rivalité entre Bruxelles et Moscou.
Au lieu de se transformer en un lieu d'apaisement, de confiance mutuelle et de stabilité, conformément au multilatéralisme du "non alignement" de Bandung, en s'opposant à la "logique de puissance" des Grands, et, en particulier, à l'unilatéralisme des États-Unis, deux modèles de gouvernance, de développement et de fraternité, occidental ou slavo-ortodoxe, se sont créés entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, appuyant la stratégie d'ingérence occidentale contre un État Souverain, la Russie, sous couvert de démocratisation et d’alternance politique.
A titre de conclusions provisoires, trois points sont à retenir:
- Les Accords d'Helsinki (1975), comme projet de dégel entre deux blocs, qui firent émerger l'importance du multilatéralisme pour l'Occident, comme stratégie d''influence et comme "soft power"
Du côté français ils montrèrent le caractère alternatif de la coopération paneuropéenne intergouvernementale et prouvèrent l'importance pour l'Europe des politiques d'allègement des tensions internationales et du nouveau Concert des Nations, "allant de l'Atlantique aux Urales".
Par opposition à la logique des pôles antagonistes, les Accords d’Helsinki, affirmant la liberté pour les États membres de s'exprimer, de coopérer et de mener une action de "prévention contre la guerre nucléaire", exigèrent le respect du principe de souveraineté et le rejet westphalien de toute ingérence extérieure.
- l'Organisation de Coopération de Shanghai (1996) qui, dans un contexte international eurasien, a recherché un modèle alternatif de type multilatéral, face aux alliances militaires classiques et a misé sur une stabilisation interne des régimes autocratiques,par la voie sous-jacente d'un "condominium" politique chino-russe.
On rajoutera qu'elle a songé, en perspective, à l'exclusion de l'influence extérieure de l'Occident et spécifiquement des États-Unis.
- le "Partenariat Oriental de l'Union Européenne (2006), visant la stabilité régionale en dehors de l'influence russe, qui a fait recours aux négociations multilatérales de Minsk (format Normandie), comme seule issue à la logique de la confrontation par un rapprochement avec l'OTAN et les États-Unis.
QUESTIONNEMENT ACTUEL
La doctrine du non-alignement représente-t-elle encore une doctrine praticable de transition systémique et un positionnement contradictoire entre adaptation à la réalité d'un monde de puissances et le combat pour la liberté de manœuvre contre les pouvoirs dominants, permettant un recul raisonné des conflits et une protection moins aléatoire vis à vis de la guerre nucléaire, pointée par les Grands contre la survie de l'Humanité ?
Bruxelles, le 15 Décembre 2017